Depuis la création de la zone de développement de Lumbini en 1978, les nations bouddhistes de toute la planète y ont construit des monastères extravagants. Un long canal sépare ceux de l’école mahayana de ceux de l’école theravada. Chacun reflète l’interprétation du bouddhisme propre à son pays d’origine et, ensemble, ils constituent une sorte de tour du monde de cette philosophie. Sous une chaleur harassante, nous avons donc fait aujourd'hui un nouveau tour de cette planète...
Depuis le temple de Maya Devi, bâti sur le lieu où la mère de Siddhartha enfanta le futur Bouddha, un bras suspendu aux branches d'un pipal, ou bodhi, cet arbre sacré des hindous et bouddhistes dont l'esprit protecteur accompagna Bouddha toute sa vie, jusqu'aux multiples temples, stupas, pagodes, monastères et centres de méditation, en passant par la flamme éternelle ("oh ! On dirait la flamme olympique !") qui brûle devant le canal, nous avons approfondi nos connaissances sur la naissance de cette religion, dont on estime le nombre de praticants aujourd'hui entre 350 millions et 1,7 milliards dans le monde, selon l'école à laquelle ils se référent... Il est impressionnant de passer d'un monument à l'autre dans cet immense parc de plusieurs hectares, de repérer à la fois les architectures nationales (drôle d'avoir ici un concentré de ce que nous (re)connaissons du Cambodge, du Laos, de la Thaïlande...), l'émulation pour offrir au Bouddha, lui qui refusait le matérialisme et se refusait à être considéré comme un dieu, le plus beau lieu pour sa mémoire, ses reliques, ses enseignements... Nous ne sommes pas encore incollables sur sa vie, commencée en 523 avant JC, mais avons désormais quelques repères... Nous avons admiré également, sans doute plus que les différents monuments religieux, les vestiges archéologiques de l'ancienne cité de Kapilavastu, datant de 2 200 ans, ainsi que la colonne de grès rose gravée commémorant la visite, en l'an 249 avant JC, de l'empereur indien Ashoka...
Demain, ce sera l'Inde...
Il est temps que nous quittions le Népal... Nous n'arrivons plus à apprécier suffisamment ce pays, son organisation, son rythme... C'est aussi que la montagne nous était rentrée dans le corps, que nous nous étions remplis de toute cette beauté, de toute cette fraîcheur, de ces grands espaces et larges horizons, et que la moiteur environnante nous parait d'autant plus insupportable... La touffeur des plateaux du sud nous oppresse...
Ce matin, levés à 6h, notre bus est parti à 9h... autant de temps passé à patienter, sous un ardent soleil, et dans une poussière à couper au couteau... On se demande toujours comment il est possible que le temps soit à la fois si humide, et si sec. La moiteur ambiante est torride, les averses de mousson, quotidiennes et violentes, qui ruissellent et emportent tout sur leur passage... Mais moins d'une heure après, la terre a tout bu, avec avidité, et de nouveau la poussière recouvre tout, les feuilles des arbres et des plantes, les marchandises des étals des petites échoppes, la peau...
Nous avons donc le choix entre deux catégories de bus : les "locaux", qui sont bon marché et s'arrêtent dans tous les villages, et les "touristiques", qui coûtent deux fois plus cher, vont deux fois plus vite, et sont sensés aller d'un point à un autre sans s'arrêter... En l'occurrence, nous n'avons pas le choix, entre le Chitwan et Lumbini, il n'y a que des bus touristiques. Nous sommes sensés parvenir à destination en 4h... mais finalement, ce sont 6h qu'il nous faudra pour arriver à Dairawa, à 5 km de la frontière indienne, avant de reprendre un autre bus pour Lumbini, une heure encore... Le tout pour faire bien peu de kilomètres, et dans des conditions... Nous n'avons acheté que 4 billets : Arthur voyagera sur nos genoux... Pendant la première demi-heure, il fait déjà une chaleur étouffante, peut-être 50 degrés, sans le moindre souffle d'air, mais le bus n'est pas plein, et nous prenons chacun un siège... mais rapidement, non seulement tous les sièges sont occupés, mais une quarantaine de personnes s'entassent dans l'allée centrale... Mille fois déjà, nous avons pris nos billets (600 roupies pour nous, environ 60 pour les locaux...), puis, en voyant femmes, enfants, et vieillards s'agglutiner dans l'allée, nous avons évidemment cédé nos sièges, nous retrouvant tous les 5 entassés sur 2 places, durant des heures... Cette fois, nous sommes en colère, et la chaleur nous rend mal... Taraudés par la mauvaise conscience, nous gardons nos 4 places, supportant les paquets qui encombrent nos jambes, les gens assis sur les accoudoirs, penchés sur nos têtes, ceux qui se couchent littéralement sur nous pour atteindre la fenêtre toutes les 2 minutes, le temps de lancer un long jet de salive brune ou rouge de tabac chiqué ou de béthel, après de bruyants raclements de gorge, les bébés que les femmes posent sur nos genoux entre 2 (looooongs !) arrêts... A un moment, l'espoir naît, de terminer le trajet dans de meilleures conditions : le chauffeur et son aide vident littéralement l'allée centrale dans un autre bus, juste devant nous... Mais, 500 mètres plus loin, tout le monde réintègre ses quelques centimètres carrés d'espace vital, et nous comprenons qu'il y a juste eu un contrôle de police, pendant lequel le bus a été, disons, aéré...
Après ce trajet éprouvant, nous sommes tous harassés, et on se demande pourquoi on est là... Dans la rue, l'architecture a changé, les paysages aussi : il y a des décharges à ciel ouvert tous les 2 pas, dans lesquelles les animaux cherchent leur pitance, ainsi que des groupes d'enfants... Les villages semblent chaotiques, l'organisation déstructurée, les femmes font la queue aux fontaines avec des piles de bouteilles en plastique, dans notre Guest House les coupures d'électricité, auxquelles nous sommes pourtant habitués, se multiplient, jusqu'à 5 ou 6 par heure, quand elles ne durent pas des heures... Tous les hôtels ont des réseaux solaires ou des générateurs pour y pallier.... La pauvreté s'affiche, des enfants de la rue mendient, viennent s'agripper à nous, et volent même dans nos assiettes au restaurant... Peut-être est-ce la chaleur, la fatigue, qui nous rendent si difficiles ces manifestations vivantes de la difficulté de vivre ? Nous en avons pourtant vu d'autres... L'impression n'est pas la même en milieu urbain et à la campagne, ici et en Amérique latine... Après tout, les loupiots des grands bidonvilles d'Equateur, j'ai travaillé avec eux... suis allée sous les toits de tôle qui leur servaient de refuge insalubre... et je parlais leur langue ! Au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua, en Indonésie, nous avons aussi côtoyé la grande misère, et été les témoins des manifestations sensibles de ce grand dénuement... mais là, ça nous rend particulièrement mal. Les enfants questionnent, ne comprennent pas, ne savent comment réagir... On parle de l'Inde... et on se dit qu'il va aussi falloir se protéger !
Ce voyage nous aura souvent évoqué celui de Nicolas Bouvier... à l'ère des connexions internet ! D'ailleurs, je lance un appel, je ne sais plus à qui j'avais prêté, il y a des années, l'intégrale de ses cahiers de voyage, offerte par mes parents en 1999, après l'obtention de mon DEA... je ne l'ai jamais récupéré...
Si nous sommes venus passer quelques jours à Lumbini, c'est que c'est le berceau du bouddhisme, le lieu de naissance du Prince Siddhârta, lieu historique de pèlerinage depuis 2 200 ans, vers lequel convergent, aujourd'hui encore, les bouddhistes du monde entier, la Jérusalem et la Mecque des bouddhistes... Chaque pays a progressivement construit ici le temple, la pagode, le monastère qui interprète sa vision de la philosophie du Bouddha, faisant fleurir les monuments sur une zone plus grande que la superficie de la petite ville elle-même...
Partis à 7h dans la brume pour une pleine journée de safari dans la jungle népalaise avec Surya et un autre guide, nous avons arpenté durant plus de 9h, par une chaleur éprouvante et une humidité affolante, les pistes boueuses du Chitwan... La journée avait plutôt mal commencé : il était prévu de descendre la rivière en pirogue, mais il n'y avait pas de pirogue... Nous avons donc seulement traversé un bras de rivière, dans un magnifique embarcation taillée dans un seul tronc, et manoeuvrée à la perche (pas de moteur, comme sur le Mékong), avant de nous enfoncer dans les hautes herbes, puis sous les arbres... Un guide ouvre le chemin, l'autre le ferme, à l'affût du moindre bruit, et nous avançons silencieusement, en file indienne... Un solide bâton dans une main et une pierre dans l'autre, ils nous expliquent comment réagir en cas de rencontre malencontreuse avec un animal agressif... et on se dit qu'on aurait préféré un fusil avec des fléchettes anesthésiantes qu'une pierre et un bâton ! Nos trois Castors Juniors participent activement à la recherche d'indices, repèrent les empreintes dans la boue, les branches cassées et la terre fraîchement remuée, et sont désormais incollables en crottes de rhino, tigre et autres éléphants ! Nous verrons beaucoup d'insectes, de mousses, fleurs, champignons, papillons, grenouilles... mais aussi des daims et biches, des sangliers, des oiseaux, des paons, un toucan, des grappes de singes, macaques et attèles à face blanche, des crocodiles et serpents, des traces toutes fraîches de tigre adulte suivi d'un petit, et... nous avons l'incroyable chance de pister un rhinocéros, qui se laisse approcher à moins de 10 mètres ! Une authentique expérience de retour dans le temps, tant l'envergure et l'aspect préhistorique de cette énorme bête sont impressionnants... Nous ne sommes pas particulièrement amis avec les animaux, mais les voir dans leur environnement a quelque chose de grisant...
Il parait qu'un vieux rhinocéros se promène chaque soir dans la rue commerçante de Sauraha, la petite bourgade qui nous accueille... Mais les enfants sont trop épuisés, le soir, pour ressortir, tant pis pour cette image incongrue d'un mastodonte en pleine rue, tant pis aussi pour les danses traditionnelles tharus...
Demain, nous prenons le bus pour Lumbini, haut lieu de pèlerinage bouddhiste de toute l'Asie, puisque c'est le lieu de naissance du prince Siddhartha...
Dans un mois, nous atterrirons sur le vieux continent... retour aux sources... Sentiments mélangés avec ce compte à rebours qui s'installe...
Pour l'heure, après la visite du centre de sauvegarde de éléphants hier, nous avons eu l'immense chance d'être invités par Surya, l'ami de nos hôtes à Pokhara, le guide avec lequel nous partirons demain explorer le parc national à la recherche d'animaux sauvages, en pirogue et à pied, à fêter dans sa famille le premier jour du festival Dasain... Grand festival hindou, haut en couleur... Nous acceptons l'invitation sans bien savoir à quoi nous attendre. A 7h, Surya nous salue, malgré ses maux de tête : il a trop bu hier soir, pour célébrer le début du festival... A 8h, nous nous engageons sur la piste poussiéreuse qui mène à son village, à 4 km de là. Il fait déjà une chaleur torride, nous avons la peau moite et bataillons contre les armées de moustiques qui nous attaquent... Les groupes ethniques de cette région sont les Tharu, dont l'habitat traditionnel, mêlé de maisons de béton, se compose de petites maisons de bambou chaulé, couvertes de terre, et au toit de tôle. Rien à voir avec l'architecture Newar de Kathmandu et de sa vallée, ou avec celle des Gurung et Tamang de Pokhara...
A notre arrivée, une longue procession est assemblée devant le temple, composée de musiciens, de femmes hindoues en saris rouges, d'un groupe de femmes Tharu aux robes blanches et bijoux rutilants, portant des offrandes... Des enfants, par grappes, animent le village assemblé là. Sitôt qu'elle s'ébranle, nous nous mêlons à la procession, qui déambule de village en village, des heures durant, chantant, dansant au son des voix et d'instruments étranges au son aigrelet. Nous avons le visage barbouillé de rouge et dégoulinons sous l'intense touffeur de la jungle, nous sommes les seuls étrangers au village, des hôtes d'honneur... Un caméraman de la télévision immortalise le joyeux défilé et Salomé prend des photos, les gens posent complaisamment devant son objectif, avec leur plus beau sourire... ici, pas de scrupule à sortir l'objectif, pas de cliché volé... Sur le chemin, les villages traversés nous offrent leurs activités traditionnelles, enfants, femmes et hommes s'interrompent un instant sur le passage de notre joyeux cortège...
Nous quittons la poussière du chemin pour rejoindre la modeste maison de Surya, dont les enfants nous accueillent avec effusion. Sa femme est à Kathmandu, qui reviendra demain avec leur petit fils. D''ailleurs, nous sommes invités à revenir faire leur connaissance... A l'âge de 7 ans, l'une de leur fille a été mangée par un tigre alors qu'elle allait couper de l'herbe dans la forêt... A 20 ans, l'un de leurs fils est décédé dans l'armée gurkha... Sarita, leur fille, nous régale d'un savoureux daal bhaat, puis nous visitons le potager, les champs de riz familiaux... découvrons leur "fabrication" de gaz pour cuisiner, avec les bouses du buffle et une plante... Alors que nous nous demandons comment nous allons bien pouvoir remercier, Surya nous emmène au temple, où nous retrouvons une partie de l'assemblée du village, occupée en d'absorbantes tractations. Il nous explique qu'en ce jour spécial, chacun peut devenir bienfaiteur de la communauté, en faisant une offrande pour l'entretien du temple, comme nous observons d'ailleurs nombre de villageois le faire... Et c'est ainsi que nous nous retrouvons généreux donateurs d'un temple hindou, officiellement remerciés par le représentant de la communauté, filmés et applaudis... nous comprenons que les retombées honorifiques de notre présence sous son toit sont importantes pour Surya, ce qui ne l'empêche pas de nous offrir une hospitalité généreuse et touchante.
Après le bain de foule matinal de la procession, dans lequel les enfants ont eu un peu de mal à se laisser flotter, ils goûtent avec davantage de plaisir aux jeux échangés avec Bibek, Sarita et leurs voisins, et même l'énorme mousson qui tambourine bruyamment sur le toit de tôle est une fête, sous laquelle ils vont jouer avec délices...
Quelques petites précisions sur Dasain
La plus grande fête du Népal célèbre sur 15 jours la victoire de la déesse Durga sur les forces du Mal, incarnées par le buffle-démon Mahisasura. Des centaines de milliers d’animaux sont abattus en l’honneur de Durga. Des portiques en bambou sont érigés à l’entrée des villages.
Fulpati (Phulpati) Fulpati (“fleurs sacrées”) marque le premier jour important de Dasain. Une jarre de fleurs symbolisant la déesse Taleju est transportée de Gorkha à Kathmandu, présentée au président sur le champ de manœuvres de Tundikhel, puis portée jusqu’à Durbar Square sur un palanquin.
Maha Astami
Le “grand 8ème jour” et Kala Ratri, la “nuit noire”, marquent le début des sacrifices à Durga. À minuit, dans la cour d’un temple près de Durbar Square, à Kathmandu, 8 buffles et 108 chèvres ont la tête tranchée d’un seul coup de lame.
Navami
Le lendemain, les sacrifices continuent sur Kot Square. On asperge de sang les roues des voitures et des avions de Nepal Airlines, et la chèvre figure à tous les menus.
Vijaya Dashami
Le 10ème jour de Dasain prend un caractère plus familial. On échange cartes et vœux, et les parents apposent un tika (point de pâte de santal) sur le front de leurs enfants. Processions et danses masquées commémorent la victoire du prince Rama sur le roi-démon Ravana, relatée dans le Ramayana.
Kartika Purnima
Le jour de la pleine lune de septembre-octobre, qui marque la fin de Dasain, est célébré dans de nombreuses maisons par des jeux de hasard, différents selon les régions. De jeunes enfants parient alors avec passion une ou deux petites pièces.
Et voilà ! Ce matin dès l'aurore, après pratiquement 3 semaines passées là, nous avons quitté Pokhara et la chaîne de l'Himalaya pour rejoindre, quelques 200 km au sud (et 8h d'un trajet de bus encore plus terrible que de Kathmandu à Pokhara, sur une piste chaotique à flanc de montagne et au bord du gouffre ouvert par la rivière) le Teraï et la chaîne du Mahabharat, où nous retrouvons avec plaisir la jungle, ses bruits mystérieux d'oiseaux et d'insectes, sa végétation incroyable et sa moiteur... Nous disposons de quelques jours pour explorer les merveilles de sa faune et de sa flore... petite mise en bouche.
Le Chitwan National Park est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette réserve englobe plus de 932 km 2 de forêts, de marécages et de prairies ondulantes, ainsi qu’une importante faune sauvage. Le Chitwan, qui signifie “cœur de la jungle”, est réputé être l’un des meilleurs parcs nationaux d’Asie pour observer la faune : les visiteurs pourront apercevoir des rhinocéros unicornes, des cervidés, des singes et 544 espèces d’oiseaux. Les plus chanceux verront peut-être des léopards, des éléphants sauvages et des ours lippus, mais le rêve de chacun est d’apercevoir le majestueux tigre du Bengale, un fantasme qui attire des foules de visiteurs. Durant les dix ans de l’insurrection maoïste, le Chitwan a perdu de nombreux animaux. Le conflit était trop important pour que l’armée népalaise fournisse une protection adéquate contre les braconniers. Toutefois, les recensements récents font apparaître une hausse significative du nombre de rhinocéros (503 individus en 2011) et une augmentation régulière de la population de tigres (environ 120 adultes en 2013).
LES CINQ ESPÈCES EMBLÉMATIQUES DU CHITWAN
Parmi les nombreuses espèces qui vivent dans le Chitwan National Park, se trouvent celles-ci :
Rhinocéros unicorne indien
Le Chitwan constitue l’un des derniers refuges du rare rhinocéros unicorne indien ( gaida en népali), l’un des animaux les plus fréquemment aperçus lors de safaris à dos d’éléphant dans le parc. Il n’en reste que 3 000 dans le monde et la plupart vivent au Chitwan et dans le Kaziranga National Park, en Assam (Inde). Malheureusement, le braconnage a considérablement réduit la population de rhinocéros du parc pendant l’insurrection maoïste. Cela dit, des recensements récents ont confirmé une nouvelle augmentation du nombre d’individus.
Éléphant d’Asie
L’éléphant d’Asie (hathi) est le second plus gros mammifère terrestre du monde, après son cousin d’Afrique. Les éléphants que l'on croise au Chitwan sont les éléphants domestiques qui promènent les visiteurs dans les safaris sur les traces des animaux. Cependant, outre quelques éléphants sauvages venus du Valmiki National Park au Bihar, quelque 25 à 30 individus vivent aussi dans la Parsa Wildlife Reserve voisine.
Tigre du Bengale
Splendide machine à tuer, le tigre est le premier prédateur des jungles du Népal. L’intelligence et la force du tigre du Bengale (bagh) en font l’un des animaux les plus redoutés du sous-continent. Avant de participer à une promenade à pied guidée, sachez que des tigres ont déjà attaqué des visiteurs et des habitants, même si cela reste rare. Actuellement, 120 tigres environ vivent au Chitwan. On les aperçoit rarement, car ils se cachent dans la journée. Mais on dit qu’ils ont cent fois plus de chances de nous repérer que l’inverse…
Gavial
Le gavial est un crocodile piscivore d’allure étrange, au museau long et fin surmonté à son extrémité d’une protubérance et aux dents mal plantées. Il ressemble à un ghara (pot local), d’où son nom. Sa morphologie est particulièrement bien adaptée pour attraper les poissons – des fossiles vieux de 110 millions d’années et présentant une morphologie identique ont été mis au jour. Le gavial est une espèce menacée mais des programmes d’élevage ont permis de réintroduire des jeunes dans de nombreuses rivières du Teraï.
Ours lippu
Cet ours noir au poil hirsute (bhalu), de la taille d’un grand chien, est l’animal le plus redouté (plus que le tigre) des Népalais. Il doit son nom au fait qu’au XIXème siècle, on le confondait avec le paresseux en raison de ses longues griffes et de sa capacité à grimper aux arbres. Les termites et les fourmis constituent la base de son alimentation. Il utilise son long museau pour les aspirer grâce à un trou entre ses dents, en produisant un bruit que l’on peut entendre à 100 m à la ronde.
Histoire
À la création du Chitwan National Park, en 1973, la zone était déjà protégée depuis le XIXème siècle comme réserve de chasse. Au cours d’un safari sanglant en 1911, le roi d’Angleterre George V et son fils, le prince de Galles, futur Édouard VIII, tuèrent 39 tigres et 18 rhinocéros. Mais malgré le passage des chasseurs, le titre de réserve de chasse a sans doute protégé davantage d’animaux qu’il n’en a condamnés. Jusqu’à la fin des années 1950, la population de la vallée de Chitwan se limitait à quelques petites communautés de villageois tharu, qui présentaient naturellement une bonne résistance au paludisme. Après la disparition de ce fléau grâce à des pulvérisations massives de DDT en 1954, les paysans sans terre des montagnes s’installèrent dans la région et d’immenses étendues de forêts furent détruites pour laisser la place à l’agriculture. Les tigres et les rhinocéros disparurent au même rythme que leur habitat. Au milieu des années 1960, il restait moins de 100 rhinocéros et 20 tigres. Alerté par ce déclin spectaculaire, le roi Mahendra fit alors de la zone une réserve royale, laquelle devint un parc national en 1973. Quelques 22 000 paysans furent déplacés hors du parc. Mais le nombre d’animaux ne recommença à croître qu’après l’introduction de patrouilles armées pour empêcher le braconnage. Le Chitwan est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984. Si le nombre d’animaux a augmenté de façon significative depuis, la faune du Chitwan a payé un lourd tribut à la rébellion maoïste. Les braconniers ont réduit d’un quart les populations de rhinocéros et de tigres, dont les différentes parties sont vendues à des trafiquants chinois et tibétains. Heureusement, grâce à l’instauration de patrouilles militaires régulières et à plusieurs gros coups de filet, le parc est désormais mieux protégé et le nombre d’animaux a recommencé à croître.
Géographie
Aux 932 km 2 du Chitwan National Park s’ajoutent les 499 km 2 de la Parsa Wildlife Reserve (réserve naturelle de Parsa), à l’est du parc, et des zones protégées, destinées à plusieurs usages, dans les communautés forestières de Baghmara, de Chitrasen, de Jankauli et de Kumrose où des arbres ont été plantés pour fournir aux villages une source de bois et de fourrage. En raison de la topographie, la plupart des activités touristiques se limitent aux plaines inondables traversées par la Rapti. Parmi les nombreux tal (lacs) qui parsèment la forêt, les plus intéressants, notamment pour l’observation des oiseaux, sont le Devi Tal , près du Tiger Tops Jungle Lodge, et le Lami Tal , proche de Kasara. Un autre ensemble de lacs et d’étangs, collectivement appelés Bis Hajaar Tal (littéralement, les “20 000 lacs”), est situé juste à la lisière extérieure du parc.
Flore
Le parc national est couvert à 70 % de forêts de sals ( Shorea ribusta ), un arbre aux larges feuilles, principale essence à bois dur du Teraï, couramment employée pour les meubles et la construction de bateaux. On trouve aussi de vastes étendues de phanta (herbes à éléphant), notamment près des berges de la Rapti et de la Narayani. Atteignant 8 m de hauteur, ces herbes offrent un excellent camouflage aux rhinocéros et aux tigres, et permettent aux éléphants de se nourrir. Durant les randonnées ou les promenades à dos d’éléphant dans la forêt, vous pourrez voir des shisham (une essence de bois très précieuse), d’immenses kapokiers, des figuiers étrangleurs et des kaloupilés au goût acre.
Faune
Le Chitwan abrite 68 races de mammifères, dont des rhinocéros, des tigres, des cerfs, des singes, des éléphants, des léopards, des ours lippus, des sangliers et des hyènes. Les amoureux des oiseaux pourront observer 544 espèces et les amateurs de papillons en découvriront au moins 67, dont certains grands comme la main. Vous aurez de bonnes chances de voir un rhinocéros indien unicorne, animal emblématique du parc national, lors d’un safari à dos d’éléphant. Le parc abrite également des gavials (crocodiles piscivores). Outre ces espèces très en vue, vous apercevrez peut-être dans les sous-bois des cerfs aboyeurs, des daims tachetés, des cerfs-cochons, des jarayo (sambars) ou encore d’imposants gaurs (bisons indiens). Il n’est pas rare de voir le robuste macaque rhésus, ainsi que l’entelle gris, un singe plus gros et plus élégant. Les daims tachetés suivent parfois les entelles, pour profiter de leur manie de jeter généreusement une bonne partie de leur nourriture. Ces deux espèces coopèrent également en se prévenant mutuellement lorsque des prédateurs se trouvent dans les environs : leurs cris peuvent donc indiquer que vous devez ouvrir grands vos yeux pour, peut-être, apercevoir un tigre qui rôde. Parmi les oiseaux repérés au Chitwan, citons le bulbul, le martin triste, l’aigrette, la perruche, le coq bankiva, le paon, le martin-pêcheur, l’oriole et différents drongos. Les amateurs d’oiseaux doivent ouvrir l’œil pour tenter d’apercevoir des volatiles plus rares, comme le souimanga à joues rubis, la colombine turvert, la chevêchette de jungle ou le calao de Gingi.
Jour 1 : Phedi – Dhampus – Deurali – Pothana – Tolka
Soleil lumineux. Chaleur. Belle vue depuis le taxi qui nous amène de la vallée, sommets partiellement dégagés. Centaines de marches à monter. Les enfants sont en forme. Nous croisons deux serpents... On rencontre Clara, parisienne étudiante à Grenoble, qui fait 24 jours de trek seule, sur 35 jours au Népal... Le soir, au lodge Namaste Guest House, un couple de français a croisé Clara, qui lui a parlé de nous. Samuel a mal aux jambes. Soirée freesbe, instruuments de musiquue, travail scolaire et dobble. Très sympa malgré la grande fatigue. Tiendrons nous le rythme sur la durée ?
... et non pas des pieds nickelés ! Difficile d'échapper aux trombes d'eau qui s'abattent chaque soir sur Pokhara, dégringolant du ciel avec violence, inondant littéralement les rues durant plusieurs heures, bouillonnant jusqu'aux genoux, refluant de la moindre aspérité... et dans un pays en perpétuel chantier, des aspérités, il y en a ! Il semblerait que les réseaux d'évacuation et de canalisation ici ne soient pas enterrés, mais restent en surface... ce qui a pour effet un impressionnant débordement des eaux de la mousson, le ciel se liquéfiant quotidiennement sur nos têtes... Quelques heures plus tard, en général, ou le lendemain matin, sous l'effet du soleil, la terre assoiffée a tout bu, absorbant jusqu’à la moindre trace d'humidité, faisant monter la température de 20 degrés, et de nouveau, voler la poussière... Dans ce tiers du monde, les éléments sont puissants ! Et l'on se sent petit, devant de telles manifestations...
Après un petit tour à Sarangkot ce jour, d'où la vue est époustouflante sur toute la vallée, la ville de Pokhara, son lac et l'écrin de montagnes environnantes, (aujourd'hui cachées par les nuages), nous avons bouclé nos sacs pour le départ en randonnée, demain à l'aube. A nous le camp de base des Annapurnas ! Les préparatifs auront été longs et pénibles, depuis la prolongation de notre visa népalais jusqu’à l'obtention des permis de trek, en passant par l'équipement, un peu plus technique que pour Gorhepani étant donnée l'altitude du camp (plus de 4 130 mètres)... L'excitation est doucement montée, nous savons aussi qu'après ces préparatifs matériels, les dix jours qui arrivent nous confronteront au contraire à la dématérialisation de nos vies quotidiennes... Déjà que, dans ce voyage, ce ne sont pas les objets qui nous encombrent... Mais là, sans lessive quotidienne, nous serions mal... Nous savons aussi qu'en montagne, l'ambiance, l'humeur... sont facilement soumises aux aléas d'une météo capricieuse, que la couleur du ciel peut influencer celle de l'âme, que la notion de durée est essentielle, que le chemin se construit sous les pas, que les rencontres sont uniques et précieuses, dans la rudesse de la vie himalayenne, que le sentier nous trouve seul avec nous même, la marche étant propice aux pensées... Nous nous réjouissons de retrouver Rajou !
Entre deux préparatifs un peu fastidieux pour le trek à venir (apparemment il n'existe aucune chaussure de rando enfant, ni à louer ni à vendre !), le ciel étant bleu aujourd'hui, j'ai eu la chance et le bonheur de pouvoir voler en parapente au-dessus de Pokhara... trop de nuages pour apercevoir les montagnes enneigées, mais néanmoins un paysage à couper le souffle et un grand moment partagé avec Ganesh, pour un temps fort de ce séjour...
Petite journée tranquille à Pokhara... La montagne nous manque d'autant plus que le ciel est enfin franchement bleu, pour la première fois depuis... très longtemps ! Et ici, quand le ciel est limpide, la ville est encore plus pesante, on rêve d'avoir des ailes... Les enfants s'interrompent toutes les cinq minutes dans leurs jeux pour grimper sur le "roof top" de l'hôtel et vérifier la course des nuages... Comme hier soir, nous avons le bonheur de contempler, enfin, les sommets enneigés, majestueux...
Raju nous a raconté qu'il y a 20 ans, Pokhara n'avait aucune route goudronnée, pas de voitures, aucun immeuble de deux étages, ni eau ni électricité, pas d'hôpital mais des guérisseurs traditionnels et autres chamanes, les animaux se promenaient dans les ruelles... Bon, après avoir bu des litres de thé dans un Samsung store pour tenter de réparer la vitre explosée de la tablette (c'est comme ça, ici, l'hospitalité : que l'on patiente pour un service rendu ou que l'on négocie le prix d'un objet, un petit vendeur de thé ambulant est envoyé chercher le breuvage brûlant dans la rue, noir ou au lait, parfois masala, toujours sucré...), vainement cherché à louer de bonnes chaussures de randonnée pour les enfants... nous découvrons le centre historique de la vieille ville, dont nous ne connaissions jusqu'à présent que le très touristique pourtour du lac, bordé de restaurants, tours opérateurs et boutiques de livres, d'artisanat et de vêtements de montagne... La foule qui s'y presse y est plus colorée et bruyante, moins anglophone, la pauvreté plus visible, et nous aussi passons moins inaperçus.
Nous allons ensuite visiter le passionnant Musée International de la Montagne. Impressionnant bâtiment contrastant avec le dénuement des habitations alentours, et dans le parc duquel se trouve un mur d'escalade de 21 mètres, ainsi qu'un modèle réduit du Manaslu de 9,5 mètres de hauteur. En Himalaya, l'art de la montagne est appelé alpinisme, alors que les andins parlent d'andinisme... Certains sommets sont même qualifiés d'Alpes du Népal. Les expositions sont consacrées aux montagnes locales (le Népal possède sur son territoire 10 des 14 plus hauts sommets du monde...), aux alpinistes qui les ont gravies et aux habitants, dans la spécificité de leurs groupes ethniques. Y sont présentés les équipements utilisés lors des premières ascensions de l'Himalaya, ainsi que des expositions sur l'histoire, la culture, la géologie, la faune et la flore de la région. Avec de superbes images....
Et ce soir, dîner spectacle de danse... Nous commençons à comprendre que les spectacles ne se produisent pas dans les lieux culturels, à peu près inexistants, du moins tels que nous les qualifions en Europe, mais dans les restaurants touristiques... ce qui n'enlève rien à la qualité de la soirée. Au son de la flûte, du tambourin, des cymbales et du sarangi, cette vièle à archet également jouée en Inde et au Pakistan, les danseurs nous ont régalés de morceaux frais, vifs et enjoués, dans des costumes hauts en couleurs !
Pas besoin de mettre le réveil : à 5h30, nous collons le nez au carreau, à l'affût de la moindre éclaircie. L'espérance est forte, mais vite déçue par la ribambelle de nuages qui bouchent l'échancrure de la montagne : le Machapuchare se fait encore désirer, il ne se donne pas comme ça... Comme pour conjurer le sort, donner du temps au ciel pour se dégager, refuser encore d'anéantir nos derniers espoirs... nous nous rendormons. Mais deux heures plus tard, tout est toujours gris et bouché... Après un petit déjeuner pris au bord de la rivière, nous décidons de laisser les enfants jouer : de gros rochers ronds bordent le tumultueux cours d'eau, parfaits pour une cabane, un bateau de pirates, un parcours acrobatique... Ils sont en pleine forme, envolée la fatigue ! Aucune raideur musculaire, aucune tension dans les épaules ou les mollets après ces milliers de marches montées et descendues... exit les sangsues... Il fait doux, ils jouent frénétiquement.
Nous n'avons que deux heures de marche pour rejoindre Birethanti, où nous repasserons par les check point du TIMS et de l'ACAP, afin de faire viser notre sortie du Sanctuaire des Annapurnas. Il y a de l'étrangeté dans le fait de reconnaître ces lieux, foulés il y a cinq jours. Nous croisons de très nombreux randonneurs, qui débutent le trek... Nous leur souhaitons plus de chance que nous ! Nous arrivons à Nayapul sous des trombes d'eau, la boucle est bouclée... Un repas chaud nous restaure, avant le trajet de retour, en voiture, jusqu’à Pokhara. Le retour à la civilisation n'est pas simple, les montagnes nous manquent, et l'air vif de l'altitude aussi... Nous trouvons qu'il y a beaucoup de monde au village, beaucoup de véhicules, de bruit, d'animation, pour ne pas dire d'agitation. Et nous nous prenons à rêver...
Je me réveille en sursaut, il est 6 heures. Effaçant la vitre embuée, je jette un rapide coup d’oeil par la fenêtre et bondis hors du sac de couchage malgré le froid. Il a plu toute la nuit, et j'ai encore l'espoir de contempler, ce matin, le Machapuchare... Mais le réveil est rude et le moral, dans les chaussettes. On n'y voit pas plus loin que le toit du lodge... Le poêle de la salle commune est éteint, tous nos vêtements sont encore mouillés, et les chaussures détrempées... J'ai pris froid, mal à la gorge, et me prends à rêver de la douce chaleur tempérée de la vallée... Nous avions rêvé de 6 jours de marche dans un cadre sublime, et au bout de 3 jours, nous n'avons toujours rien vu du toit du monde, nos chaussures ont rendu l'âme, percées de toutes part, nous n'avons plus rien de sec à nous mettre, et je me dis que les conditions de marche ne pourraient pas être pires... Je vais me recoucher, il sera bien temps de prendre des décisions tout à l'heure.
A 8h, on attaque un petit déjeuner à base de pain gurung tibétain et miel. Les enfants sont en forme, déçus de ne pas voir le ciel derrière son épais manteau de nuages, mais motivés. On serre les dents en enfilant nos vêtements froids, boueux et humides de la veille, on s'emmitoufle dans nos ponchos de pluie, et on se met en route, sous la pluie. On marche d’un bon rythme, s’enfonçant dans la forêt aux arbres vertigineux (ici les rhododendrons sont des arbres gigantesques), recouverts de mousse et dégoulinants d’humidité. On suit le cours de la rivière en faisant attention de ne pas glisser. Ca descend tout le long, le sentier est transformé en cascade par la pluie, les genoux sont très sollicités. Arthur commence à développer une petite phobie des sangsues, il traîne la patte et a sans cesse la sensation qu'une bête lui grimpe dessus, la fatigue se fait sentir, plus rien n'est rationnel. Pour couronner le tout, après une chute sur une pierre glissante, sans gravité, nous nous rendrons compte que la tablette, qui avait si bien résisté aux 10 premiers mois de voyage, dans des conditions parfois difficiles, s'est cassée...
4h15, les enfants sortent tout chauds de leurs sacs de couchage, et nous avons des scrupules à les tirer ainsi du sommeil, pour les jeter dans une marche athlétique dans le froid et le brouillard... En effet, de Ghorepani, un escalier de plus d'un millier de marches mène au sommet de la colline Poon Hill d’où le spectacle du soleil levant est, parait-il, sublime lorsque les premiers rayons éclairent les sommets de l’Himalaya. C’est donc à la frontale, dans la nuit noire, que nous grimpons une heure jusqu’au sommet, sans même se ménager de petites pauses pour reprendre du souffle. L’altitude, le froid et la montée bien raide ne nous permettent pas de parler. Le chemin est glissant à cause de l’humidité, la brume est très dense, nous ne distinguons rien. Petit à petit, d’autres marcheurs nous rejoignent. On n’entend que les respirations essoufflées.
A 3 210 mètres, nous sommes une trentaine de personnes à scruter l’horizon. Des chinois, des coréens, des japonais, des bengalis, des indiens, un couple de maltais, un belge. Nous imaginons l'afflux des 700 personnes en saison haute... La vue est complètement bouchée et opaque. Même le jour qui se lève ne permet pas de dissiper la brume épaisse. Nous avions beau savoir que c'était possible, la déception est immense. Raju ne se départit jamais de son sourire lumineux, ni de son optimisme à toute épreuve. Il comprend, il nous rassure, il nous console : si le temps se dégage, sur le chemin aujourd'hui, nous aurons la même vue...
Il fait très froid, les enfants grelottent, nous achetons 3 tasses de thé sucré brûlant, monté à dos d'homme, la tasse coûte plus cher que la nuit en lodge ! Un couple de coréens offre aux enfants une espèce de chaufferette, comme un bouillotte de tissu pleine d'un contenu sans doute très chimique et non recyclable, qui reste chaud 10 heures... et qui est follement agréable !
Beaucoup de personnes redescendent, contraintes par le temps. Certains ont encore une longue route jusque Ghandruk, d’autres font demi-tour vers Nayapul. Nous faisons partie de la poignée d'irréductibles n’ayant pas encore abandonné. Nous ne sommes pas pressés : il est encore tôt, à peine 6h30, et notre prochaine étape n’est qu’à 6h de marche, on sera rentré bien avant la nuit. Nous nous souvenons de l'ascension nocturne du mont Bromo, en Indonésie, et du plaisir de rester encore un peu, quand tout le monde est redescendu... Il fait froid décidément, et le miracle ne se produit pas. Pire : les nuages nous dégoulinent dessus, il se met à pleuvoir franchement.
Vers 6h30, une exclamation enthousiaste s'élève de la chambre des enfants : on voit quelques centimètres carrés de montagne enneigée ! Entre les toits des maisons du village, on aperçoit un petit bout de l’Annapurna South et Hiunchuli. Enfin, du moins on suppose, car quelques minutes plus tard, c’est déjà bouché… Les nuages avancent vite ici. La nature est reine, et on accueille ce qui nous est offert... Nous sommes tout près des sommets les plus hauts du monde, mais nous savons qu'il est aussi possible de repartir, après 6 jours de marche, sans les avoir vus...
Les enfants sont dans les starting blocs. Après un délicieux pancake et un muesli, Samuel offre au patron de la Guest House le bâton qu'il a taillé et gravé avec son opinel, et nous partons nous fondre dans les nuages enveloppants... qui ne se dissiperont pas de la journée. Nous avons un bon rythme, malgré la flopée de marches qui grimpent assez abruptement. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est que les escaliers, on va en monter encore beaucoup durant ce trek ! Le chemin redescend ensuite vers la rivière avec une série de petites cascades qui agrémentent la route. En quelques heures, nous traversons des ponts métalliques suspendus, et atteignons Nangge Tanti. Nous y faisons une pause appréciable autour d'un thé, puis nous empressons de marcher, car dès que l’on se pose, on se refroidit aussi vite que l’air ambiant. Le trajet continue à travers un sentier forestier très agréable. La forêt est dense et humide, les arbres sont barbus, une mousse verte et pendante leur donne une silhouette fantomatique qui s'estompe dans le brouillard, nous n'y voyons pas à deux pas. La pluie se met à tomber, fine d'abord, puis drue, nous sortons les vestes et les ponchos, protégeons les sacs et nous réjouissons d'avoir eu la bonne idée d'envelopper vêtements et duvets dans des sacs plastiques, ainsi que les frontales, et les chargeurs d'appareils électroniques...
Pokhara est la ville arrière d’où débutent tous les treks de cette région de l’Himalaya, dont les fameux treks du tour des Annapurnas, du sanctuaire des Annapurnas, et plus modestement le circuit Ghorepani Poon Hill – Ghandruk. A 8h vendredi, donc, après un solide petit déjeuner pris au Yéti Hôtel (oeufs au plat, curry de pommes de terre et oignons, toasts beurrés et thé népalais au lait), nous faisons la connaissance de Raju, notre guide. Il a 43 ans et la communication est très facile. Il est également père de trois enfants, mais les siens ont 21, 14 et 13 ans... Voilà 20 ans qu'il est guide, mais son travail ne lui permet de vivre que 3 mois pas an, et il doit, en dehors de la saison, travailler à la ferme, aux champs (de moutarde, riz, pommes de terre, maïs ) et avec les animaux. Il est avide de connaître notre vie en France... et les enfants sont avides de le rencontrer, ce qui nous donne l'occasion de nous rendre compte qu'ils se sont drôlement bien mis à l'anglais ! Mais les échanges viendront en chemin.
Pour l'heure, nous laissons nos sacs à la Guest House et grimpons dans la jeep qui nous emmène à Nayapul. Il n’y a aucune indication concernant le chemin à suivre mais les villageois que l’on rencontre au village, en nous voyant, sourient et nous indiquent la direction. Raju est attentif à nous... C’est facile, il faut descendre jusqu’à la rivière. Après avoir passé les points de contrôle du TIMS (Trekkers Information Management System) et du permis ACAP (Annapurna Conservation Area Project) à Birethanti, nous démarrons vraiment le trek.
Le début est très facile jusqu’à Sudame. La route est large et empruntée par des jeeps pour acheminer des denrées et du matériel aux villages proches, les suivants étant inaccessibles aux véhicules, et approvisionnés par porteurs. Nous nous dirigeons ensuite vers Tikhedungga. Une série de plus de 3500 marches remonte le flanc de la montagne de l’autre côté de la rivière Madikhola. Ça nous rappelle le trek de l'Inca, celui du Macchu Pichu... Nous croisons peu de monde. Quelques chinois, japonais, italiens... pas de grand groupe, et beaucoup de népalais. En voyant notre équipée, les sourires sont systématiques, attendris et admiratifs, et les encouragements chaleureux. Ces sourires s'élargissent encore quand les enfants saluent spontanément d'un joyeux "namasté ! " ceux là même qui nous gratifient d'un "hello !" Arthur crapahute en tête, un pas devant Raju. Il est le seul à ne pas porter de sac, et franchit les rivières en courant, revient en arrière pour observer un caillou qui brille, ramasse un bambou pour s'en faire un bâton de marche, suit un papillon qui s'éloigne du chemin, et gravit 4 à 4 les marches irrégulières du chemin. La brume accroche les sommets, après avoir délesté les flancs montagneux... Tant mieux, il fait plus frais pour marcher, car dès que le soleil perce, ça pique fort !
Partis à l'aube, mercredi matin, il nous faudra 8 heures pour parcourir les 263 km qui séparent Kathmandu de Pokhara, à 900 mètres d'altitude. Route vertigineuse, piste à peine carrossable, creusée de profondes ornières à flanc de montagne, ravin gigantesque en contrebas, au dessus de la rivière Trishuli, qui serpente et bouillonne sous les ponts piétons suspendus, où passent buffles et yaks, d'une rive à l'autre... Nous n'avons pas pris le bus touristique mais le bus local, la différence est sans doute dans les sièges cassés, les vitres qui ne ferment pas, l'âge des amortisseurs, le mauvais état des freins, l'absence de climatisation, la musique qui hurle... mais nous n'allons pas moins vite ! La conduite est sportive, pour ne pas dire suicidaire : les bus, camions, deux roues et autres engins roulants, motorisés ou non, se doublent, tous klaxons hurlants, de préférence à droite (le volant est à droite), sans visibilité et dans les virages... Durant plus d'une heure, notre bus s'aligne, moteur éteint, dans une rangée d'autres véhicules arrêtés, et nous imaginons un éboulement, un glissement de terrain, un accident... Lorsque, de nouveau, la circulation s'écoule péniblement, le long bouchon se décongestionne, et nous voyons seulement, quelque centaines de mètres plus loin, un long pont de béton qui enjambe la tumultueuse rivière... Sur les flancs étagés de la montagne, le vert sombre des luxuriantes forêts, celui, plus clair, tirant sur le jaune, des rizières, bordées de bananiers et papayers... Ce n'est pas l'image que nous avions des hauts plateaux himalayens du Dolpo ou du Mustang ! Mais c'est aussi le Népal... Les toits à triple étages des pagodes égayent les villages traversés, les écoliers en uniforme usent leurs semelles sur la poussière de la piste, zigzaguant entre les voitures, et nous voyons des centaines de femmes occupées à leur toilette ou à la lessive dans les fontaines ou au bord de la rivière, étalant leurs longues jupes vives sur les talus, les branches des arbres ou le toit des maisons... Une tranche de vie que ce trajet en bus !
A la gare routière, comme à Kathmandu, nous sommes assaillis par un essaim de rabatteurs qui ont exactement (supposément) ce qu'il nous faut à nous proposer : un taxi, un hébergement, un guide pour nos treks, un porteur... Désagréable sensation... Nous dénichons néanmoins la petite Guest House familiale dans laquelle il fait bon vivre, et qui s'appelle... Yéti Hôtel ! La ville est calme, loin du tumulte de la capitale, vivante, avec ses communautés de réfugiés tibétains installées autour du lac émeraude, et le bourdonnement de ses essaims de machines à coudre rajoutant les logos The North Face, Marmot ou Sherpa sur les articles de polaire ou de gore tex destinés à l'équipement des montagnards... Nous jouons à cache cache avec les nuages, guettons la trouée qui nous permettra d'apercevoir les mythiques sommets derrière leur épaisse ouate nuageuse... Mais la mousson n'est pas encore terminée, et comme tous les soirs, de violents orages se succèdent quelques heures durant, tonitruant tonnerre répercuté par les montagnes toutes proches, mais invisibles, tandis que le ciel se marbre des zébrures éblouissantes de violents éclairs...
Nous nous décidons : bien que le terrain et le niveau de marche ne l'exigent pas, nous engageons Ragu, un guide sherpa, pour nous accompagner dans ces quelques jours de marche à la rencontre des peuples et paysages du pied de l'Himalaya. Jeudi, nous ferons les démarches pour obtenir nos permis de trekker dans le Sanctuaire National des Annapurnas, et une petite mise en jambes... et vendredi, de bonne heure, ce sera le grand départ.
Jeudi, donc. Nous traversons le superbe Phewa Tal sur une petite barque colorée, afin d'en rejoindre la rive Ouest, que surplombe la Pagode de la Paix. Un immense stupa bouddhique entièrement blanc, érigé par l'organisation japonaise Nipponzan Myohoji pour promouvoir la paix dans le monde, se dresse au sommet de la montagne, d'où la vue panoramique est majestueuse. Des parapentes par dizaines planent au dessus du lac, juste devant la chaîne des montagnes la plus haute du monde. Si les nuages ne nous les avaient pas cachés, nous aurions pu admirer les pics himalayens, du Dhaulagiri (8 167 m) au Lamjung (6 983 m), en passant par le Machapuchare et les Annapurnas... Je veux bien croire que leur contemplation tienne quasiment de l'expérience mystique... Nous aurons quand même le bonheur d'apercevoir, alors que nous ramons au milieu du lac, le blanc étincelant d'une crête se découpant sur le gris des nuages, toute proche, vite dérobée à nos yeux émerveillés, sans que nous sachions de quelle montagne il s'agit...
Impossible de charger des photos de ces deux journées, et celles qui arrivent ne devraient pas non plus nous permettre de trop alimenter ces pages... Nous ferons provision de beauté avec nos yeux, et comme le Petit Prince, avec nos cœurs...
Après le lapin d'hier, nous sommes partis ce matin pour visiter la fameuse fabrique de boutons. 15 minutes de taxi et nous voilà dans un nouveau coin de Kathmandu. Pas très touristique. Nous avons quelques repères donnés par Daniel mais devons tout de même demander notre chemin. Un premier essai dans une échoppe de tissu... infructueuse. Personne ne parle anglais et nous devons très mal prononcer les mots Népalais. Nous retentons notre chance dans l'épicerie d'à côté. La dame qui nous répond ne sait pas. Et vient son mari qui, par chance, porte une chemise à boutons ! Au diable anglais et népali, rien de tel que le langage des signes quand on ne se comprend pas. Après quelques précautions d'usage pour faire comprendre à mon interlocuteur que je vais lui toucher le ventre en tout bien tout honneur, je lui montre les boutons de sa chemise en y ajoutant l'expression fabriquée maison "laxmi button factory". La réponse ne se fait pas attendre et c'est de toutes ses dents qu'il nous indique où se trouve la fabrique, 200 mètres plus haut (encore une preuve de l'inutilité des GPS). Nous voici devant une grande bâtisse blanche de 4 étages avec un énorme bouton peint sur la façade. C'est bien ici, Daniel Tamang nous attend. L'accueil est chaleureux et la discussion part tout de suite sur la visite de la fabrique et l'histoire de "Lady Laxmi Sharma Button".
Notre hôte est le frère de la fondatrice de la fabrique. Il nous montre les créations, les projets en cours, la bibliothèque, le catalogue, la collection d'objets anciens (avec pour projet de faire un musée), le mur bardé de distinctions nationales et plus sur l'entreprise, et le mur de photos de tous les rois du Népal depuis que les éléphants existent (l'éléphant étant le seul animal dont la corne et les os ne sont pas utilisés dans cette caverne d'Ali Boutons). Bref, nous voici plongés dans une facette du Népal que nous n'avions pas encore vue et qui correspond à ce à quoi nous nous attendions.
Et bien figurez vous qu'il y a de la créativité dans le bouton... et oui ! 600 boutons différents dans un catalogue, ça en impose. Il y en a en bois, en os, en corne, en noyaux de fruits, en coco, etc... de toutes les formes et de toutes les tailles. En plus des boutons, nous découvrons quelques objets tournés pour le matériel de couture, le crochet et le tricot. Et là, nous sommes bien au Népal. Ici, les boîtes à aiguilles sont en corne de buffle, ajourées en dentelle et ornementées d'éléphants. Les aiguilles à crochet sont en os et bois et la partie qui ne crochette pas est entièrement gravée et sculptée d'animaux et autres motifs symboliques. Objets du quotidien, avez-vous une âme ? Sûrement madame !
La visite de la fabrique nous permet de voir comment tout cela est fait. Le plaisir est le même que dans la tournerie du Nicaragua. Des tours en ligne, des moteurs à courroie délirants, des tourneurs assis avec des couteaux simples, sans manches ni viroles, des postes à polir, des postes à graver, des postes à percer, etc...
Mais au fait, pourquoi des boutons ? Et bien tout est dans le nom... nous commençons à comprendre. Sharma nous raconte son histoire. Une histoire de revanche sur la vie, une histoire de Népal et d'Inde, haute en couleurs comme un Bollywood. Sans en donner les détails nous retenons que, partie de peu, pour ne pas dire rien, faisant des détours par l'Inde pour y apprendre la sculpture, puis le tournage, elle revient à Kathmandu et ouvre un atelier avec un associé. Les velléités artistiques se confrontent à la réalité économique. Et le salut lui apparaît dans le bouton. Facile à produire en série, utile et demandé, nécessitant une matière première peu chère (aujourd'hui encore, la corne et l'os sont souvent récupérés, amenés dans l'atelier pour être séchés puis lavés), que la pièce unique du créateur aille au diable vau vert... pour un moment du moins ! 32 années plus tard, Sharma peut raconter sereinement ce qu'elle a fait. Ce sont plus de deux cents personnes qui ont été employées et formées dans sa fabrique. Les meilleurs, après 7 ou 8 années travaillées, réussissent à partir et à ouvrir leur propre entreprise. Les boutons bourgeonnent et améliorent ainsi le quotidien de pas mal de personnes l'air de rien.
Mais revenons au nom. Un nom qui ne possédait pas la partie Laxmi (Lakshmi en Inde). Laxmi, c'est un mot que l'on retrouve sur les banques, les panneaux publicitaires, les magasins, etc... alors nous demandons pourquoi. Ils sont quand même pas tous de la même famille ? Et bien non, français ignorant !
Laxmi, c'est le nom d'une déesse. La déesse Laksmî apporte la prospérité. Elle est aussi la Déesse de la Beauté. Elle est la fille du sage Bhrigu. Comme la déesse Athéna associée à cet animal, son véhicule est la Chouette. Elle se réfugia dans la mer de lait lorsque les Dieux l'eurent exilée. Elle renaît lors du barattage de la mer de lait. C'est une bienfaitrice qui aide à développer la richesse intérieure. L'or et les bijoux sont ses symboles. Elle s'incarne sur terre, à la suite de Vishnou, sous les traits de Sîtâ dans le Rāmāyana et de Draupadi dans le Mahâbhârata. Elle est représentée avec quatre mains désignant des vertus spirituelles. Des pièces d'or s'écoulent de l'une d'elles, tandis qu'elle bénit les fidèles. Elle n'est pas armée. Couronnée, elle porte un sari rouge et est assise sur un lotus. Elle est entourée de deux éléphants blancs, symboles de chance. Elle est elle-même vénérée par de nombreux dieux, dont Ganesh. L'étoile de Lakshmi, nommée Ashta Lakshmi, est composée de deux carrés superposés à 45° et symbolise les huit formes de vie de la déesse Lakshmi.
Alors, lorsqu'un Hindou veut la renommée, la connaissance, le courage et la force, la victoire, de bons enfants, la vaillance, l'or et les biens matériels, la nourriture en abondance, le bonheur, la félicité, l'intelligence, la beauté, un but Supérieur, une pensée élevée et la capacité de méditer, une bonne moralité et éthique, une bonne santé, une longue vie, il "Laxmicise" son nom. Et il donne ainsi une voie à sa vie. Une voie où le profit guide à peu près chacun de ses pas.
De triste mémoire, les racheteurs de Florange étaient des Lakshmi Indiens, pays dans lequel le mot s'érige comme une caste d'entrepreneurs sans merci (ceux qui achètent nos vieux bateaux pourris pour les découper en mille morceaux, les refondre et nous revendre les métaux à bon prix par exemple). On a vu ce que ça a donné !
Alors on en pense ce que l'on veut de tout ça vu de là où on est.
Mais vue d'ici, cette rencontre a été très riche humainement.
Vue d'ici, cette histoire fait réfléchir.
Vu d'ici, ça a permis à pas mal de monde de manger.
Vu d'ici, et bien on peut être créatif et productif.
Vu d'ici, la spiritualité et le profit sont guides.
Vu d'ici, il y a des histoires de revanche qui méritent d'être écoutées (et c'est pourquoi ce soir, nous avons commencé la lecture du comte de Monte Cristo aux enfants...).
Vu d'ici, demain nous partirons plus riches vers Pokhara.
Vu d'ici, c'est avec plaisir que nous retournerons manger avec Lady Laxmi Sharma Button pour qu'elle continue à nous apprendre une facette de son pays qui nous est bien étrangère et que l'on ne peut que regarder sans jugement.
Ici, on trouve des motos Royal Enfield et des voitures Tata... Tata, c'est le producteur indien des Land Rover, mais sous licence anglaise... et c'est aussi la marque qui a acheté les voitures à air comprimé à l'ingénieur français Guy Nègre, après que les constructeurs français l'aient tous refusé... Au Népal, on ne manque pas d'air, on roule en Tata.
Aujourd'hui, nous avons rendez vous avec Sharma Laxmi, la première népalaise à avoir créé sa société de fabrique de boutons en corne et bois, il y a quelques années. C'est un contact d'une tourneuse sur bois drômoise, et une rencontre que nous attendons depuis longtemps ! A 13h, nous attendons son frère, Daniel, qui doit passer nous prendre en voiture devant le Jardin des Rêves. A 14h, nous parvenons à le joindre au téléphone : il est désolé, vraiment désolé, very busy, il n'a pas eu le temps, pas pu nous prévenir... Bon, qu'à cela ne tienne, on essayera de se rendre directement à la fabrique demain, en retardant notre projet de départ pour Pokhara d'une journée. Et les enfants auront appris l'expression : "se faire poser un lapin"...
Et puis ça y est, nous sommes fiers d'arborer sur nos passeports de routards, un beau visa pour l'Inde... C'était sans doute l'ultime tracasserie administrative du voyage, car l'Inde sera notre dernier pays visité avant de revenir sur le vieux continent.
A ce propos, pour nous y préparer, nous croisons ici nombre de lépreux qui mendient dans la rue...
En attendant, nous préparons notre trek depuis Pokhara, à 7 heures de route de la capitale népalaise, où nous nous rendrons donc...mercredi. Notre choix s'est porté sur la boucle de six jours du Ghorepani Poon Hill, qui réclame un permis spécial, et nous hésitons encore à prendre ou non un guide, et un porteur... Située à 73 km de l'épicentre du séisme du 25 avril 2015, Pokhara a moins souffert que Kathmandu, pourtant plus éloignée de 4 km... et les itinéraires de trek, bien que légèrement modifiés, ont tous réouvert.
Le massif himalayen de l’Annapurna forme la spectaculaire toile de fond de la ville de Pokhara, sise au bord du deuxième lac du pays par la taille, le Phewa Tal, lui même bordé par Rani Ban, la luxuriante forêt de la reine. Le plus emblématique de ses sommets enneigés est le Machapuchare, dont la silhouette triangulaire domine la ville. Interdit aux alpinistes, il s’agit de la seule montagne vierge du Népal, car elle est sacrée. D’Ouest en Est apparaissent l’Annapurna Sud (7 219 m), l’Hiunchuli (6 441 m), l’Annapurna I (8 091 m), le Machapuchare (6 997 m), l’Annapurna III (7 555 m), l’Annapurna IV (7 525 m) et l’Annapurna II (7 937 m). Mais nous savons aussi qu'en cette période de mousson, nous risquons fort d'avoir à marcher sous la pluie, et que les nuages risquent de dérober à notre vue les somptueux paysages tout proches... Le seul avantage d'être ici un mois trop tôt pour la bonne saison, c'est que nous évitons les hordes de trekkeurs du monde entier, et sommes seuls sur les sentiers, avec les népalais.
Au fait, nous sommes devenus très forts pour faire chanter les bols de méditation ! Et aussi pour manger avec des baguettes, mais à notre grand regret, les népalais ne les utilisent pas, préférant manger avec les doigts ! Pourtant ici, le riz n'est pas gluant... A ce propos, nous avons goûté le Chang, ce soit disant "nectar des dieux", la bière de millet fermenté tibétaine, consommée chaude, en versant de l'eau bouillante sur les grains d'orge, de riz, de millet, d'avoine ou de blé noir... Par chance, nous n'avons pas eu besoin de vérifier ses vertus curatives, quant à son goût... on a préféré la blonde népalaise, bien fraîche !
Le premier septembre, jour de rentrée scolaire en France, nous avions voulu aller visiter l'école du village dans lequel se trouvait notre Guest House, près de Dhulikhel, accueillant des enfants entre 3 et 16 ans... mais nous sommes tombés sur le Father's Day, jour important dans tout le pays, non religieux, mais férié tout de même... Afin que les institutrices, majoritairement des femmes, puissent aller souhaiter une bonne fête à leur père, l'école était fermée, et on nous a proposé de la visiter néanmoins, mais vide... Quelle déception !
Et bien aujourd'hui, c'est la fête des femmes qui est célébrée en grande pompe dans tout le pays. Ce festival annuel s'appelle Teej. Les femmes revêtent leur sari rouge de mariage pour se rendre dans les temples de Shiva (hindous), afin d'y remercier les divinités pour leur mari, tandis que les jeunes filles et célibataires prient pour contracter un bon mariage... Bref, une fête des femmes en l'honneur des hommes ! Après leur somptueux dîner d'hier, elles entament un jeûne de 24 heures, durant lesquelles les festivités se succèdent. Et il est particulièrement touchant de les voir se rassembler dans les rues et ruelles, et converger en direction des temples, toutes de rouge vêtues, ou improviser des danses très sensuelles entre deux stands de rues... Par dizaines de milliers, nous les croisons, belles et lumineuses, ces femmes qui rendent hommage aux hommes, avec une certaine gourmandise. Dans le secret du ventre des temples, auxquels nous ne pouvons accéder, d'étranges transes se préparent, dont nous ne saurons rien... Mais les échanges sont faciles, nous sommes les seuls à n'être pas vêtus de rouge et attirons systématiquement les regards et la curiosité, elles touchent les cheveux et le nez des enfants, se poussent du coude en les désignant du menton, éclatent de rire en nous observant, ou viennent échanger quelques mots de népali, de newari ou d'anglais... Elles nous prennent en photo, nous les prenons en photo, l'ambiance est festive et réjouissante, nous vivons des moments forts... Et puis, nous passons un très long moment, bon poste d'observation que ce bout de trottoir pris d'assaut par les vendeurs ambulants devant la longue file de ces hindoues en rouge qui font patiemment la queue pour accéder au temple Pashupatinath, à nous faire tatouer les mains au henné par un virtuose des motifs fins et pleins d'arabesques...
Pour couvrir la quinzaine de kilomètres qui sépare Kathmandu de Bhaktapur, tout le monde nous avait conseillé de prendre un taxi... comme pour Patan et Dhulikhel, "no tourist bus, only nepali bus, and with the children..." Mais comment font donc les népalais pour se déplacer ? Partant du principe que nous préférons partager avec les habitants le plus possible de ce qui fait leurs vies, nous avons, encore une fois, tenté l'aventure... Et il aurait été dommage de se priver d'une telle expérience ! Il ne faut pas être pressé, ne craindre ni la promiscuité ni les nids de poule ni les décibels de musique qui se déversent dans nos oreilles, savoir s'orienter est un plus quand le bus traverse toutes les petites bourgades environnantes, et il faut supporter les regards des locaux qui semblent n'avoir jamais vu de blancs, en tout cas jamais dans le bus !! Mais bon, comme pour Patan et Dhulikhel, nous avons apprécié...
Aujourd'hui, la mousson moussonne...
Troisième des cités-États médiévales de la vallée de Kathmandu, Bhaktapur a toujours été décrite comme la mieux préservée. Hélas, le séisme de 2015 a fait de terribles dégâts, et des rues entières bordées de maisons traditionnelles ont disparu dans la catastrophe. Quelques temples seulement ont été détruits, mais beaucoup de bâtiments qui ont survécu au séisme ont été déclarés inhabitables et sont en cours de démolition. Les traces du désastre sont encore bien visibles, et il faudra des années à la cité pour s’en remettre complètement. Nombre de Népalais continuent d’utiliser l’ancien nom de la ville, Bhadgaon, ou encore Khwopa, qui signifie “cité des Dévôts” en newari, un nom qui convient parfaitement à Bhaktapur, car la ville possède non pas une mais trois grand-places bordées de hauts temples qui comptent parmi les plus beaux du pays, des places médiévales entourées de temples, des ruelles tortueuses bordées de maisons de brique rouge et des placettes cachées ornées de temples, de statues, de citernes et de puits. De plus, Bhaktapur reste agréablement dépourvue de la circulation et de la pollution de Kathmandu et de Patan, même si de plus en plus de motos et de voitures commencent à menacer ses charmes piétonniers. La ville préserve fièrement son patrimoine culturel. Les artisans tissent des étoffes et cisèlent le bois le long des rues ; les places débordent de poteries en train de sécher et de fours à céramique, tandis que les habitants se réunissent dans des cours communes pour prendre un bain, se ravitailler en eau et bavarder, souvent autour d’une partie de cartes acharnée.
Dès notre arrivée, les enfants sont invités à filer avec des mamies, assises sous le porche d'une somptueuse maison newari aux fenêtres de dentelle de bois sculpté, les mèches des lampes à beurre... Elles tournent la quenouille et étirent le fil, tandis que les enfants activent le rouet, très fiers... Bien sûr, une obole de quelques roupies rétribue cet échange pourtant chaleureux. Sous le porche d'en face, des hommes fument, tandis que dans la cour, les piments sèchent au soleil revenu... Un peu plus loin, ce sont des potiers que nous admirons dans leur ouvrage, les centaines de pots et vases séchant devant les maisons, des hommes nourrissant une machine de mottes de glaise qu'elle recrache en colombins, d'autres activant le tour, d'autres encore plaçant les réalisations sous des couches alternées de paille et de cendre, préparant le four... Là encore, les enfants ont l'occasion de s'exercer au tour, et la fierté de voir surgir de leurs petits doigts une laborieuse coupelle, tandis qu'un petit attroupement se forme devant eux, qui les regarde faire en souriant... Plus tard, nous goûtons au yaourt à base de lait de yak, un délice ! Et puis, nous croisons plusieurs processions avec orchestre ambulant et offrandes, que nous suivons au hasard des ruelles.
Et plus loin, nous avons la chance de nous trouver sur l'incroyable Durbar Square juste au moment où se tourne une séquence de film, avec un groupe de danseurs newari en costumes traditionnels... L'occasion de nous mêler à la foule de curieux népalais qui observe et apprécie, avant la visite de la galerie d'art nationale, de ses objets votifs de pierre, bois et métal, de sa riche collection de peintures tantriques, de ses manuscrits sur feuilles de palme, de ses représentations du Kamasutra... La ville, au temps de son apogée, comptait pas moins de 172 temples et monastères, 77 bassins, 172 auberges de pèlerins et 152 puits. Sa richesse architecturale, aujourd'hui encore, est vertigineuse...
A l'Ouest de Kathmandu se trouve le stupa de Bodhnath, classé par l'UNESCO. Le premier stupa de Bodhnath fut construit peu de temps après l’an 600, lorsque le roi tibétain Songtsen Gampo se convertit au bouddhisme. Selon la légende, le souverain édifia ce monument en signe de contrition après avoir involontairement tué son père. Le stupa fut détruit par des envahisseurs moghols au XIVème siècle et l’édifice actuel fut donc construit à cette époque. Le stupa a subi relativement peu de dommages lors du séisme de 2015, mais les réparations étaient toujours en cours aujourd'hui...
Ce stupa, parmi les plus grands au monde, est d’une grâce et d’une pureté uniques. De son dôme blanchi à la chaux à sa tour dorée ornée des yeux du Bouddha qui voient tout, il répond à des proportions strictes. Cette construction hautement symbolique sert à rappeler, de manière tridimensionnelle, la voie du Bouddha vers l’Éveil. La base symbolise la terre, le kumbha (dôme) l’eau, l’harmika (tour carrée) le feu, la flèche l’air et l’ombrelle, tout en haut, le vide qui s’étend au-delà de l’espace. Les 13 niveaux de la flèche représentent les 13 stades par lesquels l’homme doit passer pour atteindre le nirvana. Les stupas étaient à l’origine construits pour abriter de saintes reliques. Selon certains, Bodhnath protégerait les reliques de Kashyapa, le Bouddha du passé, tandis que d’autres affirment qu’il recèlerait un os du squelette de Siddhartha Gautama, le Bouddha historique. Autour de la base du stupa, se trouvent 108 petites effigies d’Amithabha, l’un des cinq Dhyani Bouddhas – les Bouddhas de la méditation ou de la sagesse (108 est un nombre porte-bonheur dans la culture tibétaine) et des moulins à prières, disposés par groupes de quatre ou cinq dans 147 niches. En montant sur la partie supérieure du socle, face à l’entrée Nord du stupa, à côté d’un petit sanctuaire dédié à Ajima (Hariti), la déesse de la Variole, on peut observer le flot des pèlerins qui déferlent autour du monument, et la ferveur des fidèles qui se prosternent de tout leur long sur le sol de la cour, du côté Est du stupa.
A midi, lorsque nous arrivons, le monument est écrasé par une lumière verticale et seuls, quelques touristes affrontent le soleil et la chaleur... Nous nous immergeons en terre tibétaine le temps d'un repas à base de lentilles et de buffle d'eau, de visites d'ateliers d'artisans (joaillers du Bouthan, tisserands de tapis du Ladakh, ...), de la visite du Guru Lhakhang Gompa et du Shechen Gompa, très endommagé par le séisme, et d'une cérémonie dans un monastère. Cette fois, ce sont "seulement" 25 lamas qui officient, mais nous restons plus d'une heure et demie à observer les étranges rites accomplis scrupuleusement, les novices, comme des enfants de choeur, obéir à des gestes plusieurs fois centenaires, et les vieux moines les guider... Service du thé au beurre, prières chantées et psalmodiées, surgissement des gongs, cors, trompes et cymbales, balancements, encensoir, puis distribution d'une petite boule ressemblant à de la pâte à modeler, que chaque lama pétrit avant qu'elle ne soit collectée, et offerte à une statue déjà couverte d'encens et de riz... Une fois encore, nous sommes les seuls non initiés, les seuls occidentaux... Lorsque nous sommes rendus à l'agitation de la rue, légèrement hébétés, la lumière est moins vive, les ombres s'allongent doucement, et des centaines de tibétains, aux visages et vêtements très différents de ceux des népalais, tournent rituellement autour du stupa en actionnant les moulins à prières, animant la grande place d'une ferveur bourdonnante.
Petit guide pour visiter les monastères tibétains... Tashi Delek ! Bonheur et santé...
Après l’intervention militaire chinoise au Tibet en 1959, des dizaines de nouveaux monastères furent construits à Bodhnath par les réfugiés. La plupart des monastères bouddhiques tibétains accueillent les visiteurs, et la découverte de ces lieux est un moment fort et émouvant. Durant les prières du matin et du soir, les lamas (moines bouddhistes tibétains de haut rang) et les novices se réunissent pour psalmodier des passages des textes bouddhiques, accompagnés du claquement des cymbales, du grondement des tambours et du son des trompes. Du Ladakh à Lhassa, tous les gompa (monastères) tibétains présentent un plan similaire. La principale salle de prière est toujours décorée de peintures murales représentant la vie du Bouddha, ainsi que les différents bodhisattvas et protecteurs, qui apparaissent aussi sur des tanka (peintures religieuses tibétaines) suspendus et sous forme de statues derrière l’autel principal. Il y a aussi, dans de nombreux gompa, des manuscrits des textes canoniques bouddhiques, connus sous le nom de Kangyur et Tengyur, enveloppés de tissus et placés dans des alcôves autour de l’autel, lequel est souvent couvert d’offrandes, de lampes à beurre et de sept bols d’eau. Le siège du chef de la communauté est habituellement entouré de photos de ses prédécesseurs et du dalaï-lama, chef spirituel du bouddhisme tibétain et représentation sur terre de Chenresig (Avalokitesvara), le dieu de la Compassion. En entrant dans un monastère, on voit des fresques représentant les quatre gardiens protecteurs (divinités à l’allure terrifiante qui chassent l’ignorance), ainsi que la Roue de la Vie ; ce diagramme très complexe symbolise la perception du Bouddha selon laquelle les humains sont enchaînés par leurs désirs au cycle sans fin des naissances, morts et renaissances. Devant le monastère, on voit aussi parfois d’immenses mani dungkhor, des moulins à prières remplis de milliers de copies du mantra "om mani padme hum" (“Salut au joyau dans le lotus”). Ce mantra apparaît également sur les petits moulins à prières placés autour de l’enceinte du monastère et sur les drapeaux de prière qui flottent dans le vent. Sur le toit du monastère, la statue de deux daims se tenant de chaque côté de la Roue de la loi symbolise le premier sermon du Bouddha, qu’il tint dans le parc aux daims de Sarnath.
En prenant un taxi pour rejoindre notre quartier, au centre de Kathmandu, nous avons le sentiment de quitter le Tibet, de passer une frontière... Alors ce soir, nous regardons avec les enfants le film de J.J. Annaud, "7 ans au Tibet".
La vallée de Katmandou représente, à bien des titres, la quintessence du Népal. Tirée selon la légende du lit d’un lac sacré par une divinité, Manjushri, c’est un patchwork de champs en terrasses et de villes dont les temples et les monuments témoignent du talent des architectes et des artisans népalais. Hélas, la vallée a beaucoup souffert lors du séisme de 2015. Ses villages médiévaux et ses sites religieux ont payé un lourd tribut, mais il reste encore beaucoup à découvrir, des temples multiséculaires aux points de vue sur l’Himalaya et aux deux routes qui mènent au Tibet.
Ils sont bouddhistes... sauf au volant ! Ils respectent la vie en toutes circonstances... sauf au volant... Telle a été notre pensée dans le bus nous menant de Kathmandu à Dhulikhel... Ici le volant est à droite, mais l'on conduit où l'on trouve de la place, une main sur le klaxon en permanence, et effectuer un trajet de quelques 30 kilomètres peut s'avérer un terrible défi aux lois de l'apesanteur et à la zen attitude bouddhique... pire qu'en Amérique du sud ! Entre les gravats encombrant la route, les éboulements et glissements de terrain, les vaches qui circulent sur la chaussée, les cyclo-pousses, vendeurs ambulants, piétons et tracteurs sur la portion partiellement goudronnée qui tient lieu d'autoroute... il faut savoir louvoyer...
Silhouettes, visages et vêtements des népalais de l'ethnie newar évoquant le Tadjikistan ! Femmes aux yeux de khôl et aux bijoux de poignets, chevilles, oreilles, nez, cou... rutilants, même pour travailler aux champs ou charrier des hottes d'osier pleines de bois, de pierres, d'herbes ou d'enfants, dans leurs saris de couleurs fraiches et vives... Hommes élégants, petits et frêles, aux visages émaciés creusés de sillons profonds, au regard aigu, au bonnet carré, au gilet de laine porté sur la chemise à manches longues, et au large pantalon de laine, retenu à la ceinture par le savant nouage du tissu rabattu entre les jambes... composent l'image d'un peuple des montagnes, un peuple rural et accueillant, mais que l'on aurait juré être musulman plutôt qu'hindou ou bouddhiste, et vivre par delà les grandes plaines russes, dans l'Oural par exemple...
Nous foulons les sentiers qu'arpentent depuis des siècles marchands indiens et moines tibétains, caravaniers de yaks, commerçants, villageois et trekkeurs. Nous notons l'alternance de forêts subtropicales, de bambouseraies, de villages traditionnels gurungs, sherpas et tibétains, de panoramas époustouflants sur les glaciers et pics himalayens...
Ce matin, le jour nouveau s'est éclos sur la fulgurance du blanc des glaciers derrière les nuages, dents acérées griffant le ciel limpide, juste quelques minutes, le temps de savourer, émerveillés, les plus hauts sommets du monde, lumineux et purs, offerts....
Nous voici partis à la recherche d'un tourneur sur bois luthier, fabricant de flûtes. Dans sa rue, nombre d'enseignes portent le même nom, sans que nous ne parvenions à localiser celle de Bajra Bahadur Silpakar... sans doute expulsé de son atelier par le séisme de l'année dernière. Alors que nous le cherchons, un commerçant nous informe qu'il s'agit d'un artiste... pleins d'espoir, nous demandons s'il le connaît ? Non, mais c'est son nom qui l'indique : Silpakar signe son appartenance à une caste d'artistes, et le prénom Bajdra est celui des musiciens...
Zidane, 18 ans, étudiant en tourisme et management, guide les hôtes de la petite Guest House familiale. Ses arrière grands-parents sont venus du Tibet, à quelques dizaines de kilomètres de là. Son prénom a une consonance népalaise, ses parents l'ont juste un peu francisé après la coupe du monde de foot 1998... Son père accueille leurs hôtes, essentiellement étrangers, sa mère cuisine les produits du jardin, et lui accompagne les trekkeurs. Le 25 avril 2015, quand la terre a tremblé, il était justement en expédition avec deux touristes anglais, et a échappé de justesse à l'éboulement d'une maison sur la route. Sa famille venait de terminer la construction du bâtiment de trois étages qu'elle avait mis 10 ans à construire, avec eau et électricité solaire, quand les deux derniers étages se sont effondrés... En 15 mois, ils ont rebâti. C'est donc Zidane qui guide nos pas à travers monts et vallées, à travers monts et merveilles... pour la plus grande joie des enfants, qui courent devant avec lui comme des cabris.
Pour la première fois depuis que nous avons entamé notre tour de la planète, nous traversons un pays dans les foyers duquel ne se célèbre pas le culte du dieu télé... Ici, au pied des géants de glace, entre champs de maïs, champs de moutarde et rizières en terrasse, dans les masures de terre sans eau ni électricité, seulement le nécessaire pour survivre, la vaisselle d'inox, assez de vêtements pour tenir quelques jours, la paillasse familiale, du bois pour faire cuire la soupe de lentilles et le chapati de farine de riz, des poules, la chèvre aux longues oreilles, les outils pour les champs... La société de consommation semble s'être arrêtée aux portes des grandes villes. Les conditions sanitaires sont effroyables, l'espérance de vie est de 67 ans, les charges d'herbes, de bois, de briques, de sacs de riz ou de composte que portent les femmes sur leur dos sont impressionnantes, comme celles des porteurs urbains, dont les cartons dépassent largement la taille, retenus par une sangle sur le front... L'agriculture, essentiellement vivrière, n'est absolument pas mécanisée, et le quotidien des femmes et des hommes de cette vallée est bien rude... mais leur sourire reste inaltérable.
Nous avons aussi croisé des enfants et adolescents par centaines, matin et soir, dans leurs uniformes scolaires, pantalons tirés à quatre épingles et chaussures vernies dans la boue ou la poussière des chemins, jupe plissée et chemise blanche, chaussettes de couleur et cravate assortie, nattes impeccables, aux sourires éclatants, qui joignent les mains au niveau du front avec respect, pour nous saluer d'un joyeux "namasté" !
Est-ce ainsi dans toutes les montagnes du monde ? Il est troublant de faire ici, en Himalaya, des liens avec les Andes... Les dieux n'y sont pas les mêmes, qui célèbrent le temps des semailles, celui des récoltes, de la pluie ou du soleil... Ils portent des noms différents, ont des visages différents et réclament aux hommes des rites différents, mais les esprits de la montagne, ceux des quatre éléments (les népalais en ajoutent un cinquième, le bois), règnent sur la vie des hommes en altitude comme dans les vallées...
Namasté !
Ancienne cité-Etat farouchement indépendante, Patan est pratiquement devenue une banlieue de Kathmandu, dont elle n'est séparée que par les eaux troubles de la Bagmati. Beaucoup d'habitants continuent de l'appeler par son nom sanskrit, Lalitpur, "Cité de la Beauté", ou par son nom newar, Yala. Même après le séisme de l'année dernière, sa spectaculaire place centrale, Durbar Square, se targue du plus bel ensemble de temples et de palais de tout le pays. Son centre historique est constitué d'un lacis de ruelles passant de cours ombragées en patios verdoyants, où temples, statues, sculptures, bassins d'ablutions et autres éléments architecturaux plusieurs fois centenaires se laissent découvrir à qui veut bien enjamber les tas de gravats, les décombres et les remblais, passer sous les échafaudages et se faufiler entre les mur lézardés, que les népalais s'activent à détruire ou à restaurer, toujours avec le sourire...
Temps fort de notre tout récent séjour à Katmandou, l’excursion au temple bouddhique de Swayambhunath, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, mène au cœur d’une iconographie religieuse foisonnante. Même le séisme de 2015 n’a pu le détruire, bien que des bâtiments alentour se soient effondrés lors des secousses. Le spectacle des sculptures qui recouvrent la moindre surface, et les effluves de l’encens et des lampes à beurre flottant dans l’air rendent l’expérience exceptionnelle. L’atmosphère empreinte de spiritualité atteint son paroxysme le matin et le soir, quand les fidèles tournent rituellement autour du stupa, actionnant au passage les moulins à prières disposés à sa base. Le site offre une vue splendide sur la capitale népalaise, en particulier au coucher du soleil. Selon la légende, la vallée de Kathmandu était autrefois occupée par un lac (ce que confirment d’ailleurs les géologues) et la colline de Swayambhunath aurait “surgi d’elle-même” (swayambhu). Surnommé “Monkey Temple” (temple des Singes), cet ensemble architectural dressé au sommet d’une colline s’organise autour d’un stupa blanc resplendissant, surmonté d’un bloc cubique doré portant sur chaque face les yeux du Bouddha, symbole récurrent dans toute la vallée. On dit que l’empereur Ashoka visita l’endroit il y a plus de deux millénaires, mais les traces d’activité les plus anciennes remontent seulement à l’an 460. Au XIVème siècle, les envahisseurs moghols venus du Bengale éventrèrent le stupa à la recherche d’or. Celui-ci fut restauré et agrandi au cours des siècles qui suivirent.
Escalier Est : monument bouddhique. Il existe deux façons de rejoindre le temple de Swayambhunath, mais l’escalier de pierre abrupt qui gravit le flanc Est de la colline offre de loin l’approche la plus spectaculaire. Le séisme de 2015 a fait quelques dégâts, mais l’escalier est à nouveau ouvert aux pèlerins et aux touristes. Construit au XVIIème siècle par le roi Pratap Malla, il est envahi d’une foule de macaques rhésus qui s’amusent à descendre en glissant le long des rampes. Après les statues du Bouddha vivement colorées au pied de la colline, les marches montent à travers une série de chaitya et de bas-reliefs. Une scène y représente la naissance du Bouddha : sa mère, Maya Devi, s’agrippe à une branche d’arbre, afin que l'esprit de celui-ci aide l'enfant à naître. À cet endroit, des astrologues tibétains lisent l’avenir. Les derniers degrés sont gardés par des paires d’animaux – Garuda, lions, éléphants, chevaux et paons – , les “véhicules” des Dhyani Bouddhas (les cinq Bouddhas de la sagesse ou de la méditation). Une fois au sommet, le tour du stupa se fait dans le sens des aiguilles d’une montre...
Dorje (symbole de la foudre) : monument bouddhique. Au sommet de l’escalier Est trône un imposant dorje, équivalent tibétain du sanskrit vajra qui signifie “foudre”. C’est l’un des symboles centraux du bouddhisme tibétain. Il représente le pouvoir de l’Éveil, capable de détruire l’ignorance mais lui-même indestructible. Dans les rituels, il renvoie à la puissance masculine, tandis que la cloche incarne la sagesse féminine. Les animaux du calendrier tibétain ornent le piédestal qui supporte ces symboles. De part et d’autre s’élevaient autrefois les temples d’Anantapura et de Pratapura, deux gracieux sikhara (tours) de style indien également édifiés sous le règne de Pratap Malla. Hélas, le temple d’Anantapura n’a pas résisté au séisme de 2015.
Stupa de Swayambhunath : stupa bouddhique. Au nombre des fleurons architecturaux de la vallée de Kathmandu, ce monument aux proportions harmonieuses semble l’incarnation de la perfection divine sous son dôme blanchi à la chaux et sa flèche dorée étincelante. Sur les faces du bloc cubique qui le surmonte, le regard du Bouddha embrasse la vallée aux quatre points cardinaux. Le signe en forme de point d’interrogation à l’emplacement du nez est le chiffre "ek" (un) en népali, symbole de l’unité de toute vie. Entre les deux yeux, légèrement au-dessus, le troisième œil représente la clairvoyance du Bouddha. Le site a été durement touché par le séisme de 2015, mais le stupa principal n’a subi que des dégâts mineurs. Chaque élément du stupa revêt une signification symbolique : le dôme figure ainsi la Terre, et la structure en forme de ruche à 13 niveaux qui le coiffe, les 13 étapes que l’homme doit traverser pour atteindre le nirvana. La base du stupa central est entourée d’une succession de moulins à prières que les pèlerins font tourner au cours de leur déambulation. Chaque moulin porte le mantra sacré "om mani padme hum" (“Salut au joyau dans le lotus”). Sur les fils tendus jusqu’à la flèche du stupa flottent des drapeaux de prière, où sont inscrits des mantras similaires que le vent transporte vers le ciel. Sur des socles ornementés se dressent des statues des Dhyani Bouddhas – Vairocana, Ratnasambhava, Amitabha, Amocha Siddhi (Amoghasiddhi) et Aksobhya – et de leurs shakti (leur pendant féminin). Ces divinités incarnent les cinq vertus de la sagesse bouddhique.
Plate-forme du stupa : monument bouddhique. Le grand stupa s’inscrit au milieu d’une profusion d’autres monuments religieux. Derrière le stupa, on trouve un petit musée de la statuaire bouddhique, mais l’école kagyu adjacente, Dongak Chöling gompa, a été très endommagée par le séisme de 2015. Au nord du path, le temple de Hariti (Ajima), aux allures de pagode dorée, renferme une superbe représentation de la déesse qui protège de la variole. Également déesse de la Fertilité, l’Hariti hindoue, que les Newar nomment Ajima, témoigne de la constante imbrication entre hindouisme et bouddhisme au Népal. Sur la façade Ouest du stupa, deux représentations de la déesse Tara, attachées à des colonnes de pierre. Il existe en fait deux Tara, la Tara verte et la Tara blanche, considérées comme les épouses chinoise et népalaise du roi Songtsen Gampo, le premier souverain protecteur du bouddhisme au Tibet. Les Tara sont également des shakti des Dhyani Bouddhas. Le haut d’une des colonnes s’est effondré avec le séisme. Tout près, brûle, à l’abri d’une cage, une flamme perpétuelle. Elle était gardée par des figures de bronze des déesses de la Jamuna et du Gange, mais celles-ci ont été perdues lors du séisme. Au Nord-Ouest s’étend un ensemble de chaitya, à l’arrière duquel on peut admirer une statue noire et lisse du VIIème siècle représentant Dipankara, “celui qui apporte la lumière”, l’un des “Bouddhas du Passé” qui ont atteint l’Éveil avant l’époque de Siddhartha Gautama, le Bouddha historique. Le chaitya noir surmontant un yoni montre clairement le mélange des symboliques bouddhique et hindoue. En revenant dans le coin nord-est de l’ensemble, on atteint l’emplacement occupé naguère par le temple bouddhique de Shree Karmaraja Mahavihar. Celui-ci, devenu dangereux après le séisme, fut soigneusement démoli après une cérémonie de propitiation, mais les fidèles espérent en élever un jour un nouveau dans ce lieu. Les symboles des quatre éléments jalonnent le sommet de la colline, mais certains ont été endommagés lors du séisme. Derrière les ruines du temple d’Anantapura, on trouve un sanctuaire dédié à Vasupura, le symbole de la terre, et un autre à Vayupura, celui de l’air, près des ruines d’un stupa blanchi à la chaux. La pièce d’eau vaseuse au nord du stupa représente Nagpura, le symbole de l’eau, tandis qu’Agnipura, le symbole du feu, figure sous la forme d’un dieu à face rouge sur un bloc de marbre, du côté nord-ouest de la plate-forme. Shantipura, le symbole du ciel, se trouve au nord de la plate-forme, devant le monument de Shantipura, endommagé. À proximité se tiennent les statues d’un Bouddha jaune et d’un Avalokiteshvara (Bouddha de la Compassion) à quatre bras.
Stupa Ouest : stupa bouddhique. En suivant l’un des sentiers partant du stupa principal vers l’Ouest, on atteint un stupa plus petit. Juste derrière se dressent un gompa entouré de gîtes pour pèlerins et un important sanctuaire dédié à Saraswati, la déesse du Savoir. Les écoliers viennent ici durant Basanta Panchami, la fête du Savoir, de même que les étudiants en période d’examens, afin d’accroître leurs chances.
De ce lieu habité et puissant, qu'auront retenu les enfants ? Les sons, les odeurs, (une vraie expérience sensorielle !) la vue magnifique sous le soleil, l'architecture, les cérémonies d'offrandes et psalmodies des pèlerins, les moulins à prières et drapeaux multicolores, les macaques bien sûr, chippant leurs glaces aux moins attentifs, les parties de loup sur l'esplanade entre les statues multiséculaires, les tibétains qui leur tâtent les joues et les prennent en photo au pied de l'Himalaya, la dent tombée de Salomé... C'est cette capacité qu'ils ont de vivre avec intensité et fraîcheur, s'absorbant dans leurs jeux ou réflexions sur les sites historiques comme sur les tas de détritus des bidonvilles que nous traversons, s'émerveillant tout autant des joyaux architecturaux que des tressages de roseaux des gamins de la rue, qui nous émeut, et qui nous meut...
Nous avons terminé la journée dans un restaurant de la caste newar, une vieille maison de bois et de brique pleine de cachet, où nous avons régalé à la fois nos papilles et nos pupilles, avec un spectacle de danses des hauts plateaux himalayens au rythme enlevé. Le repas newar compte une demi-douzaine de plats comprenant des momo en entrée, sortes de raviolis de légumes, de poulet, ou de buffle d'eau (la vache étant sacrée, on mange du buffle, ou du yak) puis des mets tels que l’alu tareko (pommes de terre frites au cumin et curcuma), le bandhel (sanglier), le poulet sekuwa (grillé ou fumé), l’alu tama kho jhol (ragoût de pousses de bambou), le gundruk (soupe aigre aux légumes secs), le kwati, soupe composée d'une dizaine de sortes de graines germées, et le yaourt au lait de yak, avant de finir par un shikarni (yaourt doux aux fruits secs et à la cannelle), un thé masala et une "eau de feu" népalaise, eau de vie fruitée distillée à base d'alcool de riz, servie dans de petites coupelles de terre depuis une théière de cuivre au long col.
Après une matinée passée à l'ambassade d'Inde pour déposer nos demandes de visas, nous avons remis nos pas dans le cœur de l'antique cité, pour lui découvrir un visage bien différent. Dépouillée de ses fidèles en robe de fête, de ses musiciens de rue, de ses files de croyants faisant la queue pour honorer leur dieu, de ses familles sur leur trente et un venues célébrer le panthéon bouddhiste, de ses gamins jetant des poignées de grains de maïs aux pigeons, le lacis de ruelles tortueuses de Durbar Square change d'ambiance. Peu de touristes encore, la saison de trekking ne commencera qu'en septembre... Nous nous orientons mieux, découvrons des splendeurs architecturales hier dissimulées derrière les pèlerins, cachées à nos yeux éblouis, ébahis, incrédules, émerveillés, souffrons moins de l'hallucinante densité de population au mètre carré, de la poussière épaisse qui asphyxie, nous étonnons à peine en évitant les vaches sacrées au milieu de la circulation, les porteurs chargés de deux fois leur poids, les sâdhus à peine vêtus, les lampes à beurre de yack qui brûlent par centaines, les moulins à prière qui tournent, les cloches qui résonnent, les drapeaux de prière qui flottent au vent, l'émeraude, la turquoise et le lapis lazuli enchâssés dans le cuivre et l'argent...
Nous sommes arrivés de nuit à Kathmandu, ville d'un million d'habitants, nichée à 1 337 mètres d'altitude sur les contreforts himalayens. Etrange sensation que celle d'arriver de nuit dans un lieu si longtemps rêvé, imaginé, attendu... Pour se différencier de son grand voisin indien, le Népal a 15 minutes de plus que lui, il avance ainsi de 5h45 sur l'heure GTM... nous n'avons donc plus que 3h45 de décalage horaire avec la France !
La situation du Népal, entre l'Inde et le Tibet, son isolement géographique, la diversité de ses groupes ethniques (au moins soixante) et de ses castes, ainsi que la multitude des langues parlées sur son territoire (plus d'une centaine) font de ce pays une mosaïque complexe de coutumes et de croyances, qui rend difficile toute généralisation.
En arrivant à Kathmandu, les yeux, le nez, les oreilles sont assaillis de toutes parts, qu’on se faufile en rickshaw dans le dédale de la vieille ville, qu’on s’émerveille devant les sanctuaires médiévaux de Durbar Square ou qu’on tente d’échapper aux rabatteurs et aux marchands ambulants du quartier touristique de Thamel. Tout contribue à rendre l’expérience exceptionnelle, enivrante, et... exténuante ! Si le séisme d'avril 2015 a endommagé certaines parties de la ville, notamment Durbar Square, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, d’autres en sont sorties indemnes, et la capitale a gardé son âme. Cette envoûtante cité mérite, si exaspérante soit-elle par moments, qu’on lui consacre du temps.
Notre première journée a été sublime, nous nous sommes grisés de ces rues non pavées où poussière et boue alternent selon les saisons, où l'air est plus sec, le soleil plus piquant, où la densité de population confine au grouillement, et où les stigmates du terrible tremblement de terre de l'année dernière, 16 mois après, sont visibles partout, et restent comme une béance inscrite au cœur de la ville... Nous avons longé les camps de fortune dans lesquels les habitants de Kathmandu, devenus sans abris, s'entassent, par milliers, aujourd'hui encore, sous les tentes kakis de l'armée... L'eau bien sûr, n'est pas potable (comme sur la moitié de la planète...), et des coupures de courant surviennent inopinément, jusqu'à 16 heures par jour, obligeant particuliers et institutions à recourir aux panneaux solaires et autres groupes électrogènes...
La journée était fériée, car les népalais célébraient la naissance de Krishna, et partout dans la ville, des processions, danses, chants et cérémonies ont émaillé le bleu du ciel de couleurs vives, de senteurs exquises... Ici le bouddhisme est visiblement différent de celui pratiqué en Asie du sud-est, les types physiques ne sont pas les mêmes non plus, on se croirait déjà en Inde, et avons quitté la zone d'influence chinoise...