J 364 : la Terre en Chemin, partir pour mieux revenir

La terre est ronde, la boucle est bouclée, nous prenons l'avion ce soir...

 

Comment parler de ces instants comme suspendus entre deux événements, deux continents, deux tranches de vie, deux projets ? Nous sommes allés au bout de cette envie de voyage, au bout du monde, avons réalisé ce rêve, sans jamais nous sentir seuls... Chaque jour, vous avez été entre 40 et 50 à lire nos articles, à partager notre quotidien, à nous soutenir, à participer à notre vie itinérante si particulière... Merci...

 

On pourrait parler de cette année en chiffres : 18 pays traversés, 3 continents découverts, 64 992 kilomètres parcourus en avion, bus, voiture, camping-car, train, taxi, vélo, moto, scooter, bateau, ferry, barque, kayak, paddle, jonque, tuk tuk, rickshaw, cyclo-pousse, cheval, âne, lama, éléphant... et à pied... 365 jours à explorer notre planète, à aller à la rencontre de ses habitants, à partager notre humanité avec d'Autres, à nous découvrir nous mêmes aussi... 

 

Nous avons fait l'expérience d'une liberté comme il est finalement peu courant de l'appréhender, sans autres contraintes que celles que nous nous sommes données... Nous avons appris à voyager, à nous adapter, à écouter la pulsation du monde...

 

Nous ramenons dans notre sac à dos un Jardin Impressionniste très intime, et pourtant aussi large que l'horizon... Riche de paysages infiniment beaux, de rencontres merveilleuses, de visages inoubliables, de rires et de larmes, de saveurs plus ou moins exotiques, de fragrances, de musiques, d'ambiances... où l'intime rencontre le partageable... Et puis, il y a tous les moments plus douloureux, ni plus ni moins que chez soi, mais sans doute rendus aigus par la distance... Les questions de la vie qui passe...

 

Le voyage nous rend incontestablement vivants. Il y en aura d'autres... Reste à trouver la forme, le moment, le moyen... Il y a tant de pays qui attendent d'être visités, tant de gens qui attendent d'être rencontrés ! 

 

Pour l'instant, nous nous apprêtons à prendre l'avion, pour le dernier grand trajet de ce tour du monde. Un long voyage pénible, plus de 11 heures de vol avec un changement au Qatar, et un enregistrement à 1h du matin, pour un décollage à 3h...

 

Heureux de rentrer chez nous, vers vous. De continuer l'aventure de la vie...

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J 361 : dessine moi un chameau...

Et voilà, J moins 3... Nous ne sommes plus tout à fait ici, et pas encore là-bas... Drôle de sensation que cet entre deux que nous vivons, et qui n'est pas sans rappeler les jours avant notre départ... C'est encore accentué par notre séjour chez les amis... c'est si bon de partager avec eux ces gestes simples du quotidien, faire des courses et cuisiner ensemble, accrocher des tableaux, coudre des rideaux... une douce réinstallation dans un quotidien sédentaire ! Les enfants, eux, ne quittent plus les copains, leurs livres, leurs jeux... nous offrant la possibilité de visites un peu différentes, et le plaisir de nous retrouver tous les deux...

 

Nous nous immergeons donc dans une Inde sensorielle, pour ne pas dire sensuelle. Nous gorgeons nos peaux de la sécheresse âpre d'un soleil brûlant, nos bouches des saveurs épicées d'une gastronomie subtile au caractère à la fois fort et doux, nos mains de la douceur chatoyante de soies et autres tissus vifs et lumineux, nos narines des odeurs aigres et souvent pestilentielles de la rue... Ici nos oreilles ont désappris le silence et le calme, nos pas ont oublié la fraîcheur et la verdure, nos corps connaissent la fatigue vaguement écoeurante de la promiscuité, du chaos urbain et de la pollution (à Paris la Préfecture décide de la circulation alternée lorsque l'indice de pollution aux particules atteint 100, ici, il est quotidiennement entre 400 et 600, et devrait atteindre 1 000 la nuit de Diwali, pour cause de pétards et feux d'artifice...). L'Inde s'offre à quiconque a soif de l'explorer, sublime et sordide, raffinée et terrifiante, complexe souvent, multiple toujours.

 

Nous avons admiré l'Indian Gate, réplique indienne de l’arc de triomphe qui mesure 42 m de haut, fut conçue par Luytens et achevée en 1921. Elle rend hommage aux 90 000 soldats indiens morts pendant la Première Guerre mondiale alors qu’ils combattaient au service de l’armée anglaise, et honore les victimes de la guerre anglo-afghane de 1919. Au centre du monument, le gouvernement indien a allumé la flamme du Soldat éternel, Amar Jawan, en 1971.

 

Nous avons aussi visité le tombeau d'Humayun, empereur né à Kaboul en 1508 et mort à Delhi en 1556. Prototype des tombeaux-jardins moghols, cet immense mausolée en grès rouge et marbre blanc inspira, entre autres, le Taj Mahal. Il fut construit en 1565 par un architecte persan à la demande de la veuve de l’empereur et figure depuis 1993 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. On y retrouve le jardin à quatre massifs (charbagh) et la plate-forme portant le tombeau. Il est lui-même coiffé d’un dôme à double coupole, technique utilisée en Perse depuis le XIIIème siècle.

 

Et puis, nous nous sommes perdus avec délices dans les bazars, souks et marchés, nous laissant porter au gré des sons, des couleurs et des fragrances...

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J 359 : Moscou à New Delhi

Et voilà, nous avons quitté Jaïpur hier, et en 6 heures de train, sommes revenus à New Delhi, où nous avons eu la joie de retrouver Manue, Javier et leurs garçons... C'est donc ensemble que nous achèverons cette année de voyage, le soir de Diwali, la fête des lumières, célébrée par les hindous comme l'est Noël par les chrétiens...

 

Tandis que les enfants se sont jetés avec avidité sur la bibliothèque française des copains, se sont absorbés dans les BD, J'aime Lire et autres albums, j'ai fait l'expérience d'une réunion d'expatriées autour de l'une d'elles, qui ramenait d'un volontariat dans des communautés de femmes rurales du Laddak des pulls en laine de yack, chameau et pashmina à vendre...

 

Cet après-midi, nous avons arpenté les larges salles de la National Gallery of modern Art, nous confirmant que nous ne connaissons rien à l'art indien (peinture essentiellement, sculpture un peu). Des œuvres de 1850 à nos jours, et une superbe exposition sur le travail de Bhupen Khakhar, mises en valeur dans l'ancien palais du Maharajah de Jaïpur.

 

"En Inde, tout geste est rituel et toute parole incantation" disait Malraux...

 

Nous n'aurions jamais imaginé, nous qui sommes allés voir très régulièrement des spectacles dans les pays visités, aller ce soir applaudir, à l'Auditorium de New Delhi, une représentation du Casse-Noisette de Tchaikovsky, dansé par le Ballet du Bolshoï sur la chorégraphie de Marius Petipa ! Et pourtant... nous avons eu cette chance ! Les enfants ont d'autant plus apprécié que nous leur avions lu l'histoire du ballet il y a tout juste un mois, et qu'ils ont pu en reconnaître tous les éléments. Une bien belle soirée...

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J 357 : Jantar Mantar, l'observatoire astronomique

Le Maharajah Jai Singh II, passionné d'astronomie, a conçu cet étrange ensemble de dix-sept bâtiments (yantra) trapézoïdaux ou hémisphériques, entre 1728 et 1730. Il s’agissait principalement de calculer la position des planètes afin d’établir des thèmes astraux et de définir les dates propices aux grands événements (mariages, déplacements…). De nos jours, le Jantar Mantar est encore utilisé. Il est assez impressionnant de se promener entre ces structures gigantesques et très modernes du cœur de la ville rose... mais en repensant aux incomparables constructions des incas et mayas quelques siècles avant encore, on se dit que chaque culture et chaque époque a vraiment apporté à notre lecture du monde une précieuse contribution !

 

Dans une semaine demain, nous quitterons l'Inde, et nos oripeaux de voyageurs itinérants, pour prendre le dernier avion, celui qui nous ramènera chez nous... L'échéance est proche, et les sentiments qui lui sont liés, bien emmêlés ! Nous continuons à savourer avec gourmandise ce qui s'offre à nous, mais la dynamique n'est plus la même... Nous sommes comme l'oiseau sur la branche, heureux de la perspective des retrouvailles, conscients que nous devrons donner une autre forme à la liberté goûtée à chaque instant durant cette année exceptionnelle, pour ne pas trop la regretter...

 

Vous êtes nombreux à nous adresser des messages, des pensées, des vœux, des questions, des remerciements... qui prennent des formes plus personnelles, désormais, que les commentaires de nos articles... le retour est déjà à l'œuvre ! Nous avons particulièrement apprécié le partage de cette aventure, en avons cherché la forme, ni trop intime ni trop lointaine, à mi-chemin entre l'épanchement du journal intime, la précision du carnet de route, la fantaisie du récit... l'avons fait évoluer, souvent sans même en avoir conscience... Le voyage connecté n'a évidemment plus rien à voir avec les aventures des explorateurs d'autrefois, et nous en avons apprécié les avantages... Nous avons passé beaucoup de temps à renoncer à visiter des endroits qui nous auraient intéressés, avons dû admettre que nous aurions plus de questions que de réponses, plus de questions au retour qu'au départ, et nous en sommes réjouis... Nous nous sommes parfois fait l'impression de faire des choix bien différents de ceux de la majorité des étrangers croisés sur les terres foulées, d'aller un peu à l'encontre des sentiers battus, des majorités, foules et masses... mais les chemins choisis pour parcourir notre terre se sont toujours révélés immensément riches et passionnants, ont aiguisé notre curiosité, notre soif de rencontres, affûté notre désir de rester en chemin... Nous n'avons sans doute pas fini de mesurer les bouleversements profonds opérés en nous par ce cheminement... Nous sentir étrangers pour mieux appréhender la richesse de nos différences... ici ou ailleurs...

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Le dieu des petits riens...

... est le titre d'un livre d'Arundhati Roy, la chronique de jumeaux de 8 ans et de leur famille du Kerala dans les années 60 et 70, dont la vie va être marquée par un événement traumatique. La forte fièvre qui m'a tenue au lit m'a permis de commencer et terminer ce livre passionnant. D'approcher un peu plus cette Inde multiple, par l'intérieur et à travers l'histoire (les mouvements communistes entre l'Indépendance et la présidence de Nerhu), d'appréhender ces petits riens qui font nos vies... A 10 jours de notre retour en France, tomber malade ! Heureusement, la grande terrasse sur le toit de l'hôtel a permis aux enfants d'organiser leurs jeux tranquillement.

 

L'Albert Hall Muséum nous attend, dans son architecture grandiose de Palais du Rajasthan, avec les merveilles qu'il cache en ses galeries. Pour nous aider à comprendre un peu mieux les grands mouvements de l'histoire, ou comment les dynasties mogholes (musulmanes) et rajpoutes (hindoues) se sont succédé, parfois harmonieusement, parfois avec un radicalisme religieux n'ayant rien à envier aux actuels extrémistes, en ayant soin de détruire tous les temples pour les remplacer par des mosquées, ou inversement. Brouillant les témoignages historiques gravés dans la pierre, effaçant des siècles de tolérance religieuse et de développement architectural et artistique.

 

Aujourd'hui, nous découvrons le merveilleux fort d’Amber, qui apparaît au détour d’un virage, dressé à flanc de colline, dominant le petit lac Maota et le jardin à la moghole de Dilaram Bagh (« jardin du Cœur paisible»), aménagé au XVIème siècle pour accueillir l’empereur Akbar. La dynastie Kachhwaha occupa le site dès le XIIème siècle. Le Maharajah Duleh Raï s’en empara aux dépens de la tribu Meena et en fit sa capitale. Man Singh Ier agrandit le fort à la fin du XVIème siècle. Après la fondation de Jaipur, Amber perdit son statut de capitale, mais sa position sur la route venant de Delhi continua à lui assurer une importance stratégique considérable. De nos jours, des boutiques d'artisanat occupent les arcades qui bordent ses cours, des éléphants carapaçonnés arpentent ses rues pavées et passent majestueusement sous ses lourdes portes finement décorées, et un son et lumière anime ses façades à la nuit tombée...

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Mille et une nuits

Tout autour de Jaipur se dressent de rouges montagnes désertiques, sur lesquelles des forteresses ont été édifiées. Au coeur de la vieille ville fortifiée, à laquelle on accède en passant sous l'une des nombreuses doubles portes entre les remparts, le pouls de Jaipur bat avec intensité. Nous y avons croisé des chameaux tirant de petites carrioles et des éléphants peints conduits par leur mahout (cornak) au milieu des voitures, vélos et rickshaws... Les façades sont roses, les bazars débordent d'épices, de pierres précieuses et semi-précieuses, de bijoux rutilants, de tissus chatoyants aux petits miroirs incrustés, d'articles en cuir... Autrefois, chaque ruelle abritait une activité spécifique (tisserands, potiers, dinandiers…). A présent, cette particularité a pratiquement disparu, même si le textile reste très en vogue : saris luxueux ou simples vêtements de coton tissés de façon traditionnelle (khadi), soies lumineuses, douceur des pashminas (laine des chèvres du Cachemire), shatoosh (laine d’antilope himalayenne maintenant protégée).

 

Si Agra est une ville essentiellement musulmane, Jaipur voit ses communautés religieuses hindoue et musulmane se partager paisiblement la ville, ses lieux sacrés, son calendrier de fêtes et ses coutumes. L'ambiance s'en trouve sensiblement changée...

 

Entre les ruelles des bazars, coeur vibrant de la ville rose, se trouve le City Palace. Le Maharajah Bhawani Singh, ancien ambassadeur de la République indienne, et sa famille occupent encore toute une partie du palais, fermée au public. Dans la première cour s’élève le Mubarak Mahal, palais de la Bienvenue, construit sous Madho Singh II (règne de 1880 à 1922) pour accueillir les hôtes de marque. Ce gracieux pavillon abrite une collection de vêtements royaux, saris de soie filés d’or, écharpes en pashmina ou en shatoosh. Parmi les principales curiosités, l’imposante tunique du Maharajah Madho Singh Ier (règne de 1750 à 1768) dont le poids atteindrait plus de 200 kg ! Le pavillon expose également une collection d’instruments de musique joués à la cour (sitar, dilruba, percussions).  Plus loin, le Maharani Mahal, Palais de la Reine, contient une belle collection d’armes, de sabres et poignards sertis de pierres précieuses, kattar (redoutables poignards tenus par une poigne et non par un manche) et fusils. Un petit canon provenant de la forteresse d’Amber compte parmi les premières pièces d’artillerie de toute l’Inde. La première cour donne sur la porte du Lion, Singh Pol, protégée par deux statues d’éléphant blanc et par des gardes en turban rouge arborant de superbes moustaches. Au centre de cette nouvelle cour bordée de façades aux fines jali (écrans ajourés) se dresse le Diwan-i-khas, hall des audiences privées où le souverain recevait ses visiteurs. Le Maharajah Madho Singh II fit façonner deux immenses jarres en argent avant de se rendre à Londres pour le couronnement d’Edouard VII, en 1901. Il les fit remplir d’eau du Gange et charger sur son navire… Il ne pouvait songer à effectuer ses ablutions rituelles dans l’eau impure de la Tamise !  Une porte ouvre sur le Pritam Niwas, cour du Bien-Aimé, décoré de paons sculptés faisant la roue. Au fond, le Chandra Mahal (palais de la Lune) est orné de délicats motifs floraux. Les étages supérieurs sont occupés par la famille royale.  L’autre issue du Diwan-i-Khas mène au Diwan-i-Am, hall des audiences publiques ou darbar. Le Maharajah rassemblait sa cour dans cette immense salle, à présent transformée en un riche musée. Illuminé par de somptueux lustres en cristal de Bohême et agrémenté de bas-reliefs et de peintures murales, il expose de superbes collections de miniatures (dont une célèbre évocation de la Sainte Famille, sujet peu commun dans le contexte rajput du XVIIème siècle), manuscrits, howdah (nacelles pour monter à dos d’éléphant) et d’imposants tapis persans.

 

Les enfants ont pu manipuler les marionnettes à fil traditionnelles du Rajasthan, et jouer de la musique avec les musiciens du Maharajah... L'ensemble de la visite laisse une impression de faste et de merveilleux, et l'on se prend à trouver que le côté sublime de l'Inde surpasse son côté sordide...

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Jaipur, la ville rose

6 heures épuisantes d'un bus local poussiéreux et cahotant dans lequel nous étions les seuls blancs nous ont conduit à la 3ème ville de ce triangle d'or, comme la promesse d'autres visites somptueuses... La ville a connu ses heures de gloire, et les fastes d'antan s'y lisent encore, sur les murs des anciens palais et derrière les remparts des forteresses construites aux portes du désert. L'air y est terriblement sec, et nous avons croisé dans ses rues des charrettes tirées par des chevaux, des vaches et buffles attelés ou non, des éléphants et des dromadaires tirant des carrioles, au milieu des rickshaws, tracteurs et autres véhicules motorisés... Une semaine devrait nous permettre de partir à la recherche de ses splendeurs....

 

Et puis, demain est un jour de grand festival hindou, qui mettra la ville en ébullition : apparemment l'équivalent du Teej, aux festivités duquel nous nous sommes mêlés à Kahmandu... Un jour dédié aux femmes, lesquelles, après un somptueux repas, revêtent leur sari rouge de mariage et jeûnent durant 24 heures, jusqu'au lever de la lune, tout en se rendant au temple remercier d'avoir un mari et prier pour sa longévité... Selon les castes, les femmes non mariées participent ou non aux réjouissances. Sur les petits étals de rue, nous avons vu de petits pots blancs étincelants, faits de sucre, qu'apparemment les femmes remplissent d'eau pour en asperger leur conjoint, sans que nous en comprenions le sens.

 

Au mois de mars a lieu dans la ville le festival des éléphants, durant lequel les pachydermes défilent, carapaçonnés, décorés, peints, maquillés en de somptueux tableaux, accompagnés de danses et chants rajputs...

 

Capitale du Rajasthan, Jaipur est une immense ville bouillonnante, abritant plus de 3,2 millions d’habitants et qui doit son nom à son fondateur, Jai. Elle est surnommée la Ville Rose, à cause des façades de la vieille ville peintes de cette même couleur, dans des tons plus ou moins foncés. Ici les vaches portent des colliers de fleurs et les singes vivent en toute quiétude. De nombreux animaux y ont élu domicile : écureuils, pigeons, chiens, etc. A toute heure de la journée, des milliers de rickshaws sillonnent les artères commerçantes de ce lieu au patrimoine infiniment riche. Des temples sont nichés – voire cachés – entre les boutiques et les échoppes de la ville, à l’abri des regards indiscrets. Ils sont repérables grâce aux bornes sculptées, situées à l’entrée des temples, en bas des marches.

 

Au Rajasthan se portent deux types de turbans, le "Safa" (dix mètres de long, sur un mètre de large) et le "Paag" (22x6 m). Le premier se noue et se dénoue tous les jours, le deuxième est noué une seule fois et porté comme une cape jusqu’à ce qu’il soit sale. Le turban en dit long sur celui qui le porte. En effet, il révèle ses origines, son métier, et sa position sociale. Symbole d’élégance, on prétend ici que la façon de le nouer change tous les 20 kilomètres. Les couleurs varient en fonction de la saison ou des événements. Turban bleu, marron ou kaki pour un décès ; rouge au printemps ou encore une couleur brillante pour annoncer une naissance.

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Le Taj Mahal, "une larme sur le visage de l'éternité", Tagore

On a beau savoir, on a beau s'y attendre, s'y être préparé, partager la découverte avec des milliers de visiteurs du monde entier, supporter la fouille vigilante et agressive à l'entrée, la nuée de rabatteurs proposant leurs services... la rencontre avec le Taj Mahal est époustouflante. Lire et découvrir son histoire, fouler ses jardins merveilleux, admirer la pureté de ses lignes.... est une émotion intense, qui se passe de mots.

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Le Fort Rouge d'Agra, somptueuse citadelle moghole du XVIème siècle

Le majestueux fort de grès rouge qui se dresse sur la rive occidentale de la Yamuna est l’œuvre de l’empereur Akbar, qui le fit construire à partir de 1565 alors qu’il n’était âgé que de 23 ans. Son petit-fils Shah Jahan le transforma en palais, et c’est Aurangzeb, le fils qui le trahira, qui ajouta sa touche finale : les remparts extérieurs. Des volumes en grès rouge d’Akbar au marbre incrusté de pierres précieuses de Shah Jahan, le fort est marqué par les styles architecturaux des différents souverains qui ont peaufiné ce lieu : moghole, islamique, iranien, ottoman et indien.

 

Il y avait une foule bigarrée aujourd'hui pour découvrir les splendeurs de la cour impériale de la dynastie moghole, l'occasion de prendre autant de photos de visages de toutes les couleurs que des merveilles architecturales ! Nous avons passé près de 5 heures à arpenter les merveilleux jardins de cet ensemble de palais gardés par une imposante enceinte de remparts fortifiés, à admirer les fastes des anciens sultans, le raffinement des harems où vivaient entre 300 et 5 000 femmes, concubines et favorites, sœurs et cousines de l'empereur, ainsi que leurs eunuques, les dômes très purs des mosquées de marbre, les fontaines incrustées de pierres précieuses, les terrasses où brûlaient bougies précieuses, bois de santal et encens, les chambres aux murs ciselés autrefois tendues de soie et de brocard... Au pied de la forteresse, tout autour de ses murs hauts de 22 mètres, alors que le sultan soignait les éléphants, paons, poissons, léopards et autres animaux de sa ménagerie, le peuple subissait un état de guerre quasi permanent, afin d'élargir le royaume, et mourait de faim...

 

Aujourd'hui, la visite de ces lieux incroyables nous plonge dans l'atmosphère fantasmée et harmonieuse des Mille et Une Nuits, et la réalité surpasse l'imagination en détails raffinés et exubérants...

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Agra, perle de l'Uttar Pradesh

En quittant nos amis ce main à l'aube pour prendre une troisième fois le train, en direction d'Agra, nous avons renoué avec l'Inde qui colle à la peau, celle qui agresse les narines, envahit les oreilles, emplit la bouche d'un air épais et poussiéreux, soulève le cœur et éblouit l'âme... pourtant, nous avons découvert un train express aussi impeccable que nos TGV, ne mettant qu'1h40 pour faire les 200 km qui séparent New Delhi d'Agra, avec air conditionné, places numérotées affectées et petit déjeuner à bord !

 

Le Taj Mahal, monument le plus célèbre d'Asie, a fait de la ville d'Agra la plus touristique de l'Inde... Nous avions rêvé de découvrir également le Cashmere et le Laddak, pour ne parler que de l'Inde du Nord... mais préférons finalement prendre davantage de temps dans le triangle d'or formé par les 3 villes de Delhi, Agra et Jaipur, dans les états de l'Uttar Pradesh et du Rajasthan. Les enfants ont hâte de découvrir ce chef d'œuvre d'architecture entr'aperçu sur les rives de la rivière Yamuna, et Salomé a d'ores et déjà rédigé un article sur l'histoire du lieu, qu'elle ne souhaite publier que lorsque nous aurons fait la visite... Agra est une ville musulmane très vivante, et nous nous sommes trouvés à la sortie d'une école pour filles...

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Le Fort Rouge de New Delhi, Lal Qila

Le Fort Rouge de New Delhi est le premier monument où a été hissé le drapeau indien après que l'indépendance du pays eût été proclamée, le 15 août 1947, et il aurait inspiré l'architecture du Taj Mahal... Construit en 1638 par l'empereur Shah Jahan, qui transféra son royaume d'Agra à Delhi et négligea le Vieux Fort Purana Qila construit par son arrière grand-père Humayum, il a été remanié à de nombreuses reprises, et les anglais en ont rasé une grande partie pour "nettoyer la ville".... La visite permet néanmoins de se rendre compte des fastes d'antan, marbre blanc incrusté de pierres précieuses (ces dernières ont été pillées successivement par le roi de Perse au XVIIIème siècle, puis par les chefs militaires afghans), grès rouge pour les remparts, fontaines d'eau parfumée, trône ciselé et paravents gravés dans le marbre, palais du roi, de sa mère, de son épouse favorite, harem, mosquée, jardins raffinés, Diwan-i-am ou cour des audiences publiques...

 

Marco a pu nous accompagner pour cette visite, et prendre le métro a été, en soi, une expérience... Le quartier du Fort est très vivant, les rues grouillent d'une activité intense, la circulation chaotique ne laisse aucune place aux piétons, et les gens qui dorment dans la rue ou ramassent les vieux cartons pour les recycler côtoient ceux du gouvernement en Ambassador, cette luxueuse voiture de l'époque coloniale.... La Chandni Chowk, large avenue donnant sur le Fort et signifiant "la cour au clair de lune", offre le rocambolesque spectacle de rickshaws et de roulottes tirées par des chevaux rachitiques, d'énormes bœufs aux cornes vertes et oranges, les couleurs de l'Inde, et il n'est pas rare d'y d'apercevoir l'immense silhouette d'un éléphant....

 

La ville compte de nombreux musées, celui du Mahatma Gandhi bien sûr, un musée des toilettes (60% des indiens n'en disposent pas à leur domicile, et la défécation à l'air libre constitue l'un des enjeux majeurs de santé publique, avec tous les problèmes sanitaires qu'elle suppose...), un musée du train (India Railways s'enorgueillit du plus long réseau de voies ferrées au monde)... Plus que nous ne pourrons en visiter !

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Feel at home....

Comme un entraînement pour notre propre retour, notre journée à été pleine de... cartons à vider ! Aujourd'hui, le container du Caire est arrivé, faisant concurrence aux visites prévues.... avec excitation et un réel plaisir, tandis que les copains étaient à l'école, les enfants ont activement participé à l'emménagement, montant les meubles, ouvrant les cartons (super, les cabanes !) et rangeant le tout... ils ont même eu le plaisir de trouver une énorme caisse de légos... A deux semaines du retour, on mesure combien est grande leur soif de jouer avec des amis, et comme il est important pour eux de réinvestir une vie qui ne soit pas nomade ! Bon, mais on va quand même partir samedi, histoire d'explorer le fameux triangle d'or, les villes d'Agra et Jaipur...

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Musée National

Trois semaines d'exploration de l'Inde ne suffiront pas à nous donner un aperçu de cet exceptionnel creuset culturel, dont nous ignorons tout... Des déserts du Pakistan et de l'Afghanistan jusqu'aux montagnes de l'Himalaya, en passant par les plaines de l'Indus et du Gange, berceaux de civilisations riches et complexes métissées par les échanges marchands des routes de la soie et des épices, nous avons tout à découvrir.... Sans compter les dizaines de groupes religieux qui se réclament de religions monothéistes et polythéistes, les sectes et autres sous groupes bien représentés, comme les sikhs, les zoroastres, les tantriques, les jaïns....

 

Le Musée National indien est le reflet de l'incroyable richesse historique et culturelle de ce grand pays. L'archéologie, de 3 000 ans avant notre ère à aujourd'hui, comprend des salles chronologiques par civilisations successives (Harappa, Maurya, Gupta, haut et bas Moyen-Age...), des salles de peinture (des écoles, Tanjore et Mysore, que nous ne connaissions absolument pas, qui mêlent peinture et adjonction de feuilles d'or et pierres précieuses), une salle des trésors aux somptueux bijoux des souverains des différents royaumes du territoire, des salles sur les armes (épées, poignards sertis de pierres précieuses), instruments de musiques fabuleux (incroyable collection de sitars, sarangis et sadors), des vêtements ethniques et tribaux, de merveilleux tissus anciens, une salle sur les langues indiennes et l'écriture à travers les âges, la sculpture sur bois, bronze, pierre, les arts décoratifs (vaisselle précieuse, ivoire sculpté et meubles de bois rares), les monnaies à travers le temps, les différents cultes religieux... le tout très bien mis en valeur et expliqué. Les enfants ont ressorti leurs cahiers pour copier et dessiner, et apprécié les audio-guides en français.

 

L'entrée dans le musée (et la sortie !) est soumise à de strictes règles de sécurité, pas de sac à dos, passage sous un portique et fouille corporelle, hommes et femmes séparés. Il est étonnant de constater que les bouddhistes et hindous viennent au musée, comme au théâtre, autant pour prier que pour élargir leur horizon.... Nous avons assisté à une cérémonie (chants, incantations, prosternations) devant le temple d'or offert à l'Inde par la Thaïlande, et ayant contenu les reliques du Bouddha. Un bien étrange endroit pour manifester  si ostensiblement sa foi, pour notre culture judéo-chrétienne...

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Lodi Garden

Quel bonheur de se poser chez des amis ! Et, cerise sur le gâteau, aujourd'hui c'est férié, Dussehra oblige ! C'est une fête hindoue très populaire qui dure 10 jours, l'autre nom de Dasain, le festival dont nous avons célébré le premier jour au Népal, avec Surya et sa famille... Ce 10ème et dernier jour fête la victoire de Râma sur le démon Râvana, contée dans le Râmâyana. Outre les nombreuses prières et processions, des pousses d'orge sont déposées sur les autels, et de grandes effigies remplies de pétards sont dressées dans la ville, qui sont embrasées à la tombée de la nuit...

 

Nous profitons donc de la journée pour aller nous promener ensemble dans le très beau Jardin de Lodi, grand parc arboré de 360 000 mètres carrés, où l'on admire les tombes de Mohammed Shah, Sikandar Lodi, Shisha Gumbad et Bara Gumbad. L'architecture du XVème siècle (1451-1526) emprunte au Pakistan et au Punjab, c'est tout simplement grandiose et magnifique !

 

En Inde, le trottoir est un lieu de vie où se côtoient gargotes, barbiers, mendiants, marchands de légumes, cireurs de chaussures, vendeurs de journaux, de cigarettes et de biscuits, etc. Chaque coin de bitume a ses spécialités. On y vit, on y dort. Parfois on y meurt. Jamais on ne s’y ennuie. 

 

A New Delhi, la pollution bat des records... Manue et Javier ont acheté des masques anti pollution, des purificateurs d'air et un appareil qui mesure le taux de particules en suspension dans l'air. 

 

La ville, tentaculaire et multiculturelle, regorge de sites centenaires, voire millénaires à visiter, ainsi que de parcs, bienvenus après l'agitation, la chaleur et la pollution des ruelles encombrées ! Temples hindous, sicks, jaïns, mosquées, églises, mausolées et palais de maharadjas témoignent d'un passé riche et glorieux, mêlant influences himalayennes et pakistanaises, gompas tibétains et caravansérails afghans...

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New Delhi, un état-capitale

A la vitre du train, l'Inde du nord défile... Le rickshaw nous a déposés à la gare de Vârânasî avec une heure d'avance. Toujours les centaines de personnes étendues au sol, entre lesquelles zigzaguent les dizaines d'enfants des rues, à la recherche de bouteilles en plastic vides, qu'ils vendent quelques roupies pour les recycler... Le train de nuit pour New Delhi  est différent de celui que nous avons pris entre Gorakhpur et Vârânasî : cette fois, nous avons des numéros de place attribués, chacun notre couchette, dans un compartiment ouvert de 6 couchettes, un système de planches rabattables. Pas besoin de s'entasser à 3 ou 3 sur une place... quoique ! Une jeune fille hollandaise, qui fait un volontariat de quelques mois avec une organisation de femmes dans le cadre de ses études de psychologie sociale, a la même couchette que nous... mais trouvera une place vide dans le compartiment voisin. De petits vendeurs ambulants circulent dans le long couloir, proposant des tasses de tchaï bien chaud et bien sucré, le thé masala au lait indien... D'autres vendent des beignets de légumes, des assiettes de riz ou des bols de nouilles... Des hommes en uniforme sillonnent les wagons, il s'agit de la sécurité officielle : ils s'adressent à tous les étrangers pour leur faire lire une feuille de recommandations rédigée en anglais, concernant le comportement à adopter en cas d'agression, les personnes à prévenir, ainsi que de très sérieux conseils sur les sollicitations à refuser, sous peine d'être empoisonné, dépouillé, dévalisé... Rassurant ! Nous devons ensuite signer une déclaration,  affirmant avoir bien été prévenus... Ceci dit, les indiens sont prévenants et bienveillants, curieux et toujours disposés à engager la conversation, dans un anglais parfois difficile à comprendre à cause de leur accent... Les enfants renouent avec l'habitude de se faire prendre en photo dix fois par jour, et découvrent le côté tactile des indiens, qui les tâtent, les embrassent, leur pincent les joues et les oreilles, les prennent manu minitari sur leurs genoux... Un peu gênant, ce côté démonstratif ! 

 

De l'Uttar Pradesh au Rajasthan, l'Indian Railways traverse de grandes plaines dont nous ne verrons rien. La nuit est tombée quand nous quittons la gare... Nous nous réveillons à l'aube, heureux de cette nouvelle expérience, et encore plus heureux de savoir que nous dormirons dans un vrai lit ce soir ! New Delhi est non seulement la capitale du pays, mais un état à elle toute seule. Ville de plus de 16 millions d'habitants, elle se partage entre New Delhi et Old Delhi, avec une énorme densité de population. A elle seule, l'Inde regroupe 17% de la population mondiale... Et pour explorer cette mégalopole, nous avons la chance de retrouver Manue et Javier, nos amis mutés ici par l'UNICEF depuis l'Égypte, où ils vivaient depuis 5 ans... Cela fait partie des belles surprises de notre voyage, que de pouvoir justement partager avec eux ces quelques jours... Ils ne connaissent pas encore la ville et attendent leurs meubles et affaires qui doivent arriver ces jours du Caire par container, mais quelle joie de pouvoir camper tous ensemble dans leur grand appartement vide ! Après un trajet relativement facile (malgré l'affluence et notre chargement) en métro, un monde souterrain aseptisé qui tranche avec l'univers grouillant de la surface, nous découvrons le quartier chic des expatriés, larges avenues goudronnées et belles résidences, organisation en lotissements bordés de petits parcs arborés, où les indiens ne vivent pas mais sont gardiens,  chauffeurs,  ou cuisiniers... Un monde en soi, bien loin des étroites ruelles de Bénarès, de ses vaches sacrées et de ses chèvres, du chaos de sa circulation, de sa puanteur à peine masquée par l'encens, de sa pauvreté sordide et de l'omniprésence de la mort... Ici, dans le quartier de Khan Market, les diplomates portent le turban et la cravate sur leur costume occidental... A l'école américaine où les enfants vont chercher Valentin et Marco, pas d'indiens non plus, hormis les enfants dont les parents ont vécu à l'étranger. 

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Le Gange, vibrant de l'aube au crépuscule

La ville dort encore. Un brouillard gris nous enveloppe d'une torpeur toute relative, que troue par moments notre lampe de poche, car de l'aube au crépuscule et du crépuscule à l'aube, Vârânasî la vibrante, Bénarès la bouillonnante vit intensément. Il est 5 heures, nous enjambons le plat bord  du petit bateau à rame que nous désigne un vieil indien, tandis que notre guide mâchonne quelques mots d'anglais, la bouche pleine de béthel, un filet de salive rouge à la commissure des lèvres. Il sera notre passeur de rives, notre initiateur à cette vie étrange qui se déploie sous nos yeux, le Charon de notre mythologie indienne, sur ce Styx-Gange éternel. Seul, le bruit assourdi des rames, comme feutré, trouble la brume. Nous longeons les rives de la cité millénaire, cette antique civilisation qui semble n'avoir pas bougé depuis ses origines. Peu à peu, le ciel s'éclaircit à l'Est, les lumières de la ville s'éteignent une à une, et nous distinguons les formes qui se meuvent sur les ghats. D'autres bateaux glissent silencieusement sur l'eau. Notre guide est avare de mots, tout occupé à sa mastication... En silence, nous nous laissons pénétrer par l'ambiance. Au fil de l'eau, nous apercevons les groupes qui s'activent sur les berges, battant énergiquement le linge, s'immergeant rituellement dans l'eau. Plus loin, sur les marches, les flammes de grands brasiers dégagent une fumée dense, au milieu de tas de bois que déchargent sans cesse des barques venues de la forêt de l'autre côté du fleuve. Une intense activité a lieu autour des bûchers funéraires, des centaines de personnes s'activent silencieusement. Nous croisons plusieurs barques chargées de bûchers, la famille accompagne ses morts jusque sur le Gange, soufflant dans des coquillages, dispersant des fleurs sur les eaux sacrées, agitant des clochettes... Les ghats se succèdent, l'intensité de la foule sur les berges augmente, les bruits résonnent plus fort, la brume s'est levée, la vie continue. L'Inde nous rentre dans la peau....

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Vârânasî-Bénarès, la ville sainte sise au bord du Gange éternel

Voir Vârânasî et mourir... Ville sacrée entre toutes pour les hindous, c'est ici que les croyants viennent achever leur vie, afin que leurs cendres soient dispersées dans le fleuve sacré... Mourir au bord du Gange, c'est éviter l'éternel cycle de recommencement de la vie, et accéder directement au nirvana...

 

Le Gange prend sa source en Himalaya, traverse la plaine du nord et parcourt 3 000 kilomètres avant de se jeter dans le golfe du Bengale. Considéré comme l'ultime vérité spirituelle, sa source serait le chignon de Shiva...

 

Il en résulte que l'atmosphère de la vieille ville de Vârânasî est très particulière, empreinte de mysticisme et de spiritualité, véritable creuset de cultures et de religions, et qu'il fait particulièrement bon se perdre dans le lacis de petites ruelles à la circulation chaotique, où rickshaws, cyclopousses, motos, vélos, vaches en pleine rumination, buffles en plein désoeuvrement, macaques chapardeurs et piétons se côtoient au coude à coude... enfin, façon de parler ! Sur la rive Ouest du Gange, se concentrent temples, anciens palais de maharadjas et ghats, ces marches donnant accès, en contrebas, au fleuve majestueux...

 

Hier soir, sur le ghat principal, nous avons assisté à une puja, cette cérémonie haute en couleurs, véritable expérience sensorielle à laquelle participent pèlerins, fidèles, hindous, sadhus, touristes et curieux mêlés, au son des voix et coquillages, devant les centaines de bougies flottant sur le fleuve éternel comme autant de prières, dans les effluves de santal et de cardamome, pour honorer le Gange et psalmodier des incantations... Indescriptible subtilité de rituels indéchiffrables et étranges pour les non initiés, véritable spectacle vivant, moment de ferveur palpable, atmosphère pénétrante de spiritualité à la tombée de la nuit, dans les rumeurs de la ville, le chant du muezzin, les cris des vendeurs ambulants, les odeurs des chapatis en train de cuire, celles des chairs calcinées par les bûchers funéraires du ghat voisin...

 

Si le train était aussi plein mercredi, c'est que nous sommes entrés dans la plus sacrée des sept villes saintes hindoues la veille d'un important festival, le Durga Puja, qui a donc débuté hier, par l'adoration des images de la déesse Durga, un avatar de Pârvatî, épouse de Shiva. À Varanasi, ces images sont immergées dans le Gange, en grande pompe, au Dasashwamedh Ghat principalement, mais également sur les autres ghats, après avoir été, 15 jours durant, vénérées sous des tentes de bambou et de tissu qui rivalisent d'ingéniosité pour représenter des lieux célèbres ou des événements : la Maison Blanche, les pyramides de Giseh, la Tour Eiffel... En ce mois d'octobre, tout le pays est en effervescence, un bouillonnement permanent de fêtes et festivals s'enchaînent, amenant les indiens à voyager pour célébrer en famille ces événements capitaux du calendrier hindou...     

 

Et ce matin, nous nous sommes déchaussés pour pénétrer le temple rouge Durga, se reflétant sur une pièce d'eau carrée nauséabonde. Dans le vacarme des cloches qu'ils actionnent et les nuages d'encens, les fidèles baisent les marches et les lingams, ces représentations phalliques de la moitié des principes qui régissent le monde, ensevelissent les statues de leurs déités sous d'énormes épaisseurs de pâte vermillon (même les vaches et les chiens, ici, portent au milieu du front le tika, ce point rouge référé au troisième oeil), baignent leurs dieux d'eaux lustrales, chantent, psalmodient, allument de l'encens et du santal, éparpillent des pétales de fleur et du riz, répètent des séries de gestes complexes et très codifiés aux 4 points cardinaux...

 

Il est touchant, parfois drôle, toujours surprenant d'aller à la rencontre des petits métiers de Vârânasî. Au fil des venelles, on peut observer les rémouleurs, charpentiers, ferrailleurs, recycleurs de tous poil, cordonniers, vendeurs de colliers de fleurs et autres offrandes aux portes des temples, cuiseurs de chapatis et de rôtis, barrateurs de yaourts pour obtenir le lassi, mélangeurs d'épices pour préparer le masala des currys, fabricants de vaisselle éphémère en feuilles de palmier... Et puis, sur les berges du fleuve en majesté, les repasseurs repassent, au fer à charbon de nos grands-mères, le linge lavé dans le Gange, battu, frappé énergiquement, et redistribué dans les foyers comme dans les Guest House.....

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Dernière frontière du voyage... wonderful India !

Dès la frontière népalo-indienne, nous sommes dans le vif du sujet. C'est notre dernier passage de frontière de ce tour du monde... Et autant l'avion ne nous emballe pas plus que ça, autant nous adorons franchir à pied ces lignes imaginaires organisées par l'homme... Hier, nous avons réellement changé d'univers. Nous nous étions préparés à vivre une journée épuisante, mais la réalité a dépassé nos espérances... Levés à 6h du matin à Lumbini, nous nous sommes couchés à minuit à Varanasi, après 1h de minibus, le passage successif des postes de frontière népalais puis indien à pied, 4h d'un bus folklorique jusqu’à Gorakhpur, puis l'attente du train, pour un trajet de 6h comme on n'en recommencera plus jamais, et enfin 1/2h de tuk tuk dans Varanasi, pour trouver un hôtel à plus de 23h, alors que nous n'avions rien réservé... Si j'ajoute que la température devait bien se compter en 5 dizaines de degrés, qu'Arthur était brûlant de fièvre pour le 4ème jour consécutif, qu'il a développé une gigantesque allergie de peau type urticaire géant, et que nous avons tous les 5 rapporté du Chitwan les douloureux souvenirs laissés par milliers, sur les chevilles, par des puces, la journée n'a pas été facile...

 

Le plus éprouvant demeure, sans nul doute, cet improbable trajet de train. Dès la gare, en tout début d'après midi, pour aller réserver nos billets, nous devons enjamber des enchevêtrements de corps agglutinés au sol, étendus à même le béton dans des odeurs pestilentielles d'excréments et de chair putréfiée... Des familles entières qui attendent le train, des mendiants, des sadhus, ces mystiques nus, ou tout de orange vêtus, saints hommes qui consacrent leur vie à la recherche du nirvana hindou... pas un centimètre carré qui ne soit occupé, en une densité affolante. Naïvement, nous prenons 5 places dans le train... ce n'est qu'après avoir interminablement longé tous les wagons de cette machine, sur le quai de gare le plus long du monde (si, si, un panneau l'atteste fièrement, la gare de Gorakhpur compte 1km300 de quai !), que nous comprenons : aucune place ne nous est attribuée, tous les wagons sont pleins à craquer, et il va nous falloir lutter pour nous trouver quelques mètres carrés... Il est 16h, l'épuisement est déjà total, nous sommes encombrés de tous nos sacs et il est fort déconseillé de s'en séparer une seule seconde, les compartiments n'ont pas de vitres mais des barreaux métalliques aux fenêtres, les ventilateurs des plafonds ne fonctionnent pas, les toilettes débordent dans le couloir, et les 8 places de chaque compartiment sont occupées par une moyenne de 22 personnes, plus les bébés sur les genoux, et les hommes qui se hissent, accroupis, sur les hayons métalliques utilisés comme des couchettes, au-dessus des banquettes...  Nous choisissons un wagon au hasard, et à l'intérieur, un compartiment qui semble un peu moins rempli... Les regards sont insistants, et nous allons découvrir que les indiens, en plus de dévisager lourdement  (même si c'est avec bienveillance),  ont le contact physique très facile, palpant et tâtant les enfants... Aux gestes d'une vieille dame, nous réalisons alors que nous sommes dans un compartiment et un wagon exclusivement réservés aux femmes... mais deux jeunes filles invitent Ludo à rester, arguant que cette règle n'est plus respectée par personne... et effectivement, au fur et à mesure du long trajet, hommes et femmes se mélangeront. 

 

Peu à peu, l'Inde se dessine sous nos yeux, dans ses aspects les plus sublimes comme les plus sordides. Décharges partout, accumulation d'immondices, odeurs putrides et nauséabondes, corps décharnés, poussiéreux, mutilés, violentés, exposés, meurtris... mais aussi éclat des saris, lumière des regards, noir luisant des peaux sombres, rires des écoliers pédalant énergiquement, à 4 sur un vélo, splendeur décadente d'une architecture somptueuse, fragrance de jasmin, de cannelle, de curry et de masala, éclat du safran, du vermillon et du grenat...

 

Pour se différencier de son imposant voisin, le Népal a choisi de décaler ses montres d'un quart d'heure... Ce sont donc 15 minutes très symboliques que nous avons perdues en franchissant cette drôle de frontière...

 

Arrivés à Varanasi,  l'autre nom de Bénarès, ville sacrée entre toutes, arrosée par le Gange, il nous faut encore nous orienter, et chercher un toit pour la nuit... Nous avons hâte qu'un jour nouveau se lève. 

 

L'Inde tranche, surprend et interroge. « Incredible India », tel est le slogan adopté par le ministère du Tourisme. Découvrir l'Inde, que ce soit pour ses monuments, pour la rencontre de ses peuples ou pour une quête spirituelle, c’est risquer de façon irréversible de bouleverser sa conception de la réalité. Les odeurs parfumées ou pestilentielles, les couleurs vives des saris ou la pâleur poussiéreuse de l’atmosphère, la stimulation des épices et la douceur maternelle du lassi, les klaxons stridents et la volupté de la flûte, la grâce de l’architecture, le raffinement des arts et l’hideux étalage des ordures quotidiennes brouillent nos sens et les déroutent. Utilitaristes, nous nous retrouvons désarmés par des modes de vie fondés sur le non-agir et sommes démunis devant un monde bâti sur l’invisible et l’archaïque et qui est pourtant si ingénieux face aux défis de la modernité. Charmeurs, séducteurs et joueurs, les Indiens n’en restent pas moins insondables. Sensibles là où nous ne le sommes plus, indifférents là où nous sommes si sentimentaux, ils nous décontenancent, et nous nous perdons. Se perdre, c’est le luxe qu’offrent encore l’Inde moderne et ses vestiges antiques. Nous voilà dans le chaos d’une réalité nue, si nue que l’on croit rêver. Mais l’Inde n’est pas un rêve : le sublime y côtoie l’immonde et le quotidien danse avec les dieux. Dans cette région, d’où sont nées la plupart des religions du monde, les charlatans cachent, tels des gardiens du temple, de secrètes sagesses immémoriales. Les artisans et les musiciens transmettent les traditions véritables à leurs élèves disciplinés et les touristes achètent leur salut, endormis par les paroles opiacées de charismatiques gourous.

 

L’univers indien est fait de croyances et de dévotion. Quand l’action d’aujourd’hui détermine la vie de demain, la notion du temps change. L’Inde et ses castes, la volonté du Karma, la puissance de la destinée. Cette vision « explose », fait sursauter l’âme occidentale souvent perdue dans un monde matériel. L’omniprésente force du sacré, troublante, ouvre la porte inconnue du divin. « L’Orient pour s’orienter », selon Henri Michaux, car l’Inde agit parfois comme un phare. Provenant des grandes sociétés de consommation où la dimension spirituelle de la vie tend à s’effacer ou à passer au second plan, beaucoup se retrouvent ou se perdent dans la vision ésotérique de l’univers indien. Un choc qui ne laissera en tout cas personne indifférent. Car c’est un monde plus doux et plus dur, où les vaches sacrées ne seront jamais folles, où la nourriture végétarienne remplit les assiettes. Tous les visiteurs qui arrivent en Inde pour la première fois sont d’abord égarés, sans repères dans un ailleurs qui les dépasse. Le dépaysement est total : l’étrange système des castes, les vaches sacrées, les cobras vénérés, le mysticisme des sadhus, les rickshaws, les mille facettes de l’hindouisme qui défient notre entendement et tant d’autres choses, ce voyage ressemble à un songe. Rêver les yeux ouverts, voilà indéniablement de quoi donner envie de quitter la rive, de voguer gentiment à la dérive. L’Inde permet de relativiser...

 

Ce matin, nous découvrons avec bonheur notre environnement. Le soleil se lève sur le fleuve sacré, et nous sommes frais, impatients d'aller à la rencontre de la ville, coeur de l'Utar Pradesh. Et puis, Arthur n'a plus de fièvre, et la connexion internet est meilleure que jamais, nous devrions même pouvoir mettre à jour nos photos ! La journée a tenu ses promesses, mais nous narrerons notre émerveillement demain...

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