Et voilà ! Ce soir, après un mois très dense et riche partagé avec Mireille, nous sommes de nouveau tous les cinq... Pour ses dernières heures au Laos, nous avons loué des vélos pour longer les berges du Mékong... Le fleuve, depuis notre précédent séjour à Vientiane, il y a une dizaine de jours, a grossi, s'est étalé, a largement envahi les zones inondables prévues pour les périodes de mousson... et le paysage urbain s'en trouve sensiblement modifié. Il faut dire qu'apparemment nous avons eu de la chance de n'avoir qu'une seule journée de pluie, d'autres voyageurs se sont retrouvés coincés des jours et des jours sous des trombes d'eau, des éboulements et glissements de terrain se sont produits... En ville, le ciel dévoile son bleu pour la première fois depuis des jours, et le fleuve chocolat, très haut, marque la frontière avec la Thaïlande, dont nous apercevons les constructions sur l'autre berge, à la fois proches et lointaines...
Nous pédalons jusqu'à la statue de Chao Anouvong, ancien roi du Laos, qui a été inaugurée début novembre 2011 pour commémorer les 450 ans de la capitale. Toute en bronze, elle surplombe le parc du haut de ses huit mètres et représente l'ancien roi tourné vers ses voisins thaïlandais, de l’autre côté du fleuve. Il a la main droite tendue et la main gauche posée sur son sabre. Cette posture serait, pour certains, un signe de fierté et de résistance du peuple laotien face à la nation thaïlandaise. Le dernier roi du Laos a mené une lutte contre le Siam voisin au début du XIXème siècle.
Après l'émotion du départ, nous devons nous pencher sur la suite... Nous sommes d'abord allé faire des photos d'identité pour nos prochains visas népalais et indien : une expérience en soi, chez le photographe, avec interdiction de sourire et prêt de chemisier pour couvrir les épaules nues... des voyageurs nous ont même raconté avoir récupéré leurs photos avec le visage engoncé dans un col mao, et "décorées" de la faucille et du marteau !! Et d'ailleurs, les formalités administratives à remplir pour obtenir le visa indien sont hallucinantes : on doit décliner notre religion (hindoue, bouddhiste, animiste, sikh, parsi...), notre CV sur trois générations, les adresses où nous serons hébergés durant la totalité de notre séjour sur le territoire indien... Nous avions d'abord pensé, en renonçant à visiter le Myanmar, que nous disposerions d'un mois plein dans chaque pays restant... Mais c'était sans compter la mousson et ses conséquences sur l'accessibilité des montagnes thaïlandaises où nous voulions partir en trek, au nord, dans la province de Chiang Maï... sans compter non plus sur le coût du visa, gratuit 15 jours, mais exorbitant ensuite... Du coup, nous sommes en train d'étudier les possibilités pour la suite, mais envisageons de prendre davantage de temps au Népal et en Inde, au détriment de la Thaïlande...
Quoi qu'il en soit, nous passerons demain le "Pont de l'Amitié" qui enjambe le Mékong à quelques kilomètres du centre ville de la capitale laotienne, pour nous diriger vers la capitale thaïlandaise...
La nuit de bus entre Luang Prabang et Vientiane a été épique... Nous sommes partis sous des trombes d'eau, accompagnés par un orage d'une rare violence, et nous demandant comment notre énorme bus couchette, d'un autre âge, allait réussir à négocier sa voie sur la très tortueuse et très pentue petite route qui serpente à flanc de montagne... Finalement, malgré de nombreuses inondations et de très nombreux glissements de terrain, malgré les fréquents arrêts dûs à... on ne sait trop quoi qui empêchait le moteur de tourner, et malgré les fuites du toit, qui ont obligé notre voisin de couchette à passer la moitié de sa nuit à recoller du scotch au plafond, nous sommes arrivés avec seulement 2 heures de retard à Vientiane, à peine quelques heures de sommeil emmagasinées... mais entiers ! Une expérience que Mireille ne devait surtout pas manquer avant de repartir sur le vieux continent !
A Vientiane, impression de revenir en terrain connu... nous visitons le Patuxai, l'arc de triomphe de la capitale laotienne. Pátu signifie « porte » et xái est un dérivé du sanskrit qui se traduit par « victoire ». La population l’appelle aussi Anousavari, qui signifie littéralement « monument » en lao. Il fut édifié au cours des années 1960, pour honorer la mémoire des victimes des guerres prérévolutionnaires. Son intérêt architectural est assez limité, mais il est possible de monter au sommet d'où la vue panoramique de la ville est superbe. Nous y admirons le bel ordonnancement des avenues au tracé symétrique, bordées de jardins impeccables et de bâtiments ministériels...
Le soir, nous retrouvons au restau Morgane et Héloïse, les deux sœurs bretonnes avec lesquelles nous avons passé la journée à la cascade de Kuang Si, et qui reprennent, elles aussi, l'avion demain... Quant à nous, il sera temps d'envisager le casse tête du visa indien, ainsi que notre itinéraire en Thaïlande, compte tenu de la mousson et des nombreuses zones que l'intensité des pluies rend impraticables...
Ce matin le ciel a cessé de pleurer... et nous en avons profité pour prendre la route de la cascade de Tad Sae. Des chutes d'eau majestueuses en terrasses, grossies par les pluies des derniers jours, dans un cadre sauvage et sublime... La violence du courant ne nous a pas permis de vraiment nager, tellement il était puissant... mais s'immerger dans le bouillonnement frais était juste merveilleux. Et puis, c'est dans cette pleine nature qu'a élu domicile "the elephant camp", une organisation de sauvegarde des pachydermes, et nous ne pouvions pas envisager de quitter le pays du million d'éléphants sans en voir au moins un... Nous avons eu la chance de faire mieux que les voir : nous nous sommes baignés avec eux, assis à califourchon sur leurs épaules... Un moment de pur plaisir.
Jusqu'à présent, nous étions passés à travers les gouttes... La mousson ne nous avait pas encore gênés dans nos excursions... mais là, 24 heures d'une pluie diluvienne et continue nous ont forcés à renoncer à nos velléités d'aller admirer la cascade de Tad Sae, et de nourrir les éléphants qui peuplent le village voisin... Le Mékong est impressionnant, que l'on voit grossir à vue d'oeil sous les fenêtres de notre Guest House, et charrier des arbres entiers... Le temps invite à une contemplation un brin nostalgique, l'air s'est enfin rafraîchi, et les cyclistes et autres deux roues motorisés sont rigolos à voir passer, le conducteur ayant une main sur le guidon, l'autre qui tient le parapluie... Pour compenser un peu la frustration d'une journée d'inactivité, nous rejoignons ce soir Solenn et Guillaume, les parents d'Arnaud, 3 ans, rencontrés hier, dans un petit restaurant où nous admirons un spectacle de danse traditionnelle laotienne, avec un petit orchestre composé de 5 instrumentistes.
Une fois n'est pas coutume, nous voici revenus sur nos pas... Nous avons quitté "l'enfer vert" de la jungle laotienne, ses forêts inextricables et son taux d'humidité hallucinant, sa boue et ses insectes, ses moustiques, ses scorpions, ses sangsues et ses araignées géantes, ses cascades et ses grottes, ses rivières aux eaux boueuses et bouillonnantes, ses villages sur pilotis qui vivent en autarcie, loin de toute société consumériste, sans aucun produit manufacturé (la nature offrant tous les produits alimentaires, de soin et domestiques), pour renouer avec la quiétude de Luang Prabang la belle, l'élégante, la culturelle... nous disposons de deux jours pour en arpenter encore les rues et ruelles, avant de boucler la boucle en redescendant à Vientiane, d'où Mireille repartira mercredi pour la France, tandis que nous envisagerons l'itinéraire qui nous mènera en Thaïlande...
Nous pensions que c'était une destination confidentielle... et avons eu la surprise de croiser de nombreux routards, et particulièrement des français, venus chercher au nord du Laos des rencontres rurales authentiques... Notre petit groupe de 6 s'est donc étoffé avec la présence de Maryama, 12 ans, et Agnès, sa maman, toutes deux suissesses, ainsi qu'Odile et François, qui voyagent pour la première fois sans leurs grandes filles, étudiantes. Nous avons dit au revoir à Elise et Thomas, avec la promesse de se retrouver cet hiver en France...
Nong Khiaw, à environ 200 km au nord de Luang Prabang, au pied de la « Montagne de la Princesse qui dort », est un charmant village, qui bénéficie désormais de l'électricité tout le jour, et non plus seulement de 19h à 23h, ou sur groupe électrogène. La population locale est constituée de minorités des plaines, de khamu, de Lao Soung, de Thai Leu. Un grand pont en béton, construit par les chinois, enjambe la Nam Ou à cet endroit. Le village de Nong Khiaw est traversé par une rue centrale en terre qui descend depuis la route venant de Luang Prabang jusqu’au débarcadère…
Nous louons des vélos pour aller à la grotte de Tham Patok, à travers rizières et pains de sucre karstiques creusés par le ruissellement des eaux... Nous sommes en période de mousson, le chemin est boueux, et en sortant de l'ombre fraîche de l'immense grotte de calcaire dans laquelle, outillés de lampes de poche, nous avons joué aux spéléologues avec jubilation, nous avons la joie de partager le bain d'enfants laotiens dans la rivière... Il n'y a pas d'adduction d'eau au village, et nous croiserons souvent des familles entières en train de faire leurs abblutions dans les ruisseaux, au bord des chemins... des mères savonner leurs enfants, puis les frotter avec des pierres, pour un gommage 100% naturel ! Ces bains, dans une eau littéralement courante, sont l'occasion de jeux sonores, de grands éclats de rire, d'éclaboussures, de grandes gerbes irisées... auxquels nous nous mêlons avec bonheur, entourés de myriades de papillons soyeux et multicolores.
Nous avons passé la matinée au passionnant musée d'ethnologie de Luang Prabang, créé par l'ONG TAEC, Traditional Arts and Ethnology Center (taeclaos.org), un centre d’échange et de démonstration des techniques artisanales des différentes minorités ethniques du Laos (Akha, Hmong, Khamou, Mien Yao, Lanten, Taï Dam et Taï Lue). Le but est de promouvoir l’artisanat local en apportant une aide financière aux populations concernées, dans le but de préserver les coutumes séculaires du pays. Dans une ancienne bâtisse coloniale rénovée de toute beauté, accueil avec un livret traduit en français et des coloriages sur les différents vêtements traditionnels proposés aux enfants, présentation très pédagogique, exposition sur la place des femmes dans leurs communautés respectives, leur rôle social, les pratiques autour de la maternité, de la grossesse et de l'accueil du nourrisson...
Explications.
Population
Le Laos comptait 6,7 millions d'habitants en 2013, dont environ 33 % en milieu urbain. C’est une population jeune avec 60 % de ses habitants âgés de 15 à 64 ans et 36,5 % de moins de 15 ans. L’exode rural a épargné le pays, jusqu’à présent, mais les exilés qui avaient fui le régime communiste recommencent à revenir depuis 1996. Cinq villes principales regroupent la majorité de la population urbaine : la capitale Vientiane, Luang Prabang, Pakse, Savannakhet et Thakhek. La population est constituée de Lao (65 %), d'Austro-Asiatiques (24 %), de Hmong-Yao (8,5 %) et d'autres minorités ethniques comprenant plus d'une centaine de nationalités distinctes (3 %). D'après la Constitution du 15 août 1991, le Laos est un « État de démocratie populaire » formé d'un « peuple pluriethnique », cependant la politique linguistique valorise la langue officielle : le lao.
Une mosaïque ethnique
La population du Laos est composée d'une centaine de minorités ethniques. Officiellement, celles-ci sont répertoriées en trois groupes principaux : les Lao Loum, ou « Lao des plaines » (65 % de la population), dont font partie les Laos proprement dits (parlant laotien) ainsi que les ethnies similaires qui parlent le thaï (Tai-Lou, Tau-Neua, Tai-Dam, Tai-Deng, etc.). Les Lao Theung ou « Lao des versants » (environ 24 %), parfois surnommés de façon péjorative Kha (« esclave » en lao), de langue môn-khmer ou austro-asiatiques. Parmi eux, on recense une trentaine de groupes ethniques : Khamu, Pray, Singmu, Khom, Thene, Idou, Bit, Lamed, Samtao, Katang, Makong, Try, Trieng, Ta-oi, Yeh, Brao, Harak, Katu, Oi, Krieng, Yarou, Yeh, Souai, Gnaheune, Lavy, Kabkae, Khmer, Toum, Ngouane, Meuan et Kri. Les Lao Sung ou « Lao des sommets » (environ 8,5 %), qui regroupent notamment les Hmong – principale ethnie minoritaire du pays – et les Yao-mien, tous deux de langue hmong-mien. Les Sino-Tibétains comptent huit groupes ethniques : Akha, Sing, Sali, Lahu, Sila, Hayi, Lolo et Hor… Les Hmong ( « Meo » est un surnom péjoratif) subissent de nombreuses discriminations. Ils ont aidé les Américains durant la guerre du Vietnam (ici appelée guerre secrète...) et vivent aujourd'hui dans les forêts (s'ils n'ont pas été exterminés). Cette minorité est considérée avec méfiance par le gouvernement en raison de son opposition farouche au communisme et d'autre part à cause de sa confession (chrétienne). Lao Loum – Lao des plaines. Numériquement, politiquement et économiquement, les Lao Loum – Thai-Lao ou Lao des plaines – dominent le pays depuis la fondation du royaume du Lane Xang, au XIVème siècle. Ils appartiennent à la même famille ethnique que les Thaïs (Thaïlande) et les Shan (Myanmar). Leur langue provient de l'alphabet indien tout comme une partie de leur culture. Les Lao Loum représentent plus de la moitié de la population du pays. Appartenant au même groupe, les Lü et les Phu Thai représentent 15 %. A l'intérieur de ce groupe, les minorités Thai-Dam (Thai noirs), Thai-Khao (Thai blancs, près du Nord Vietnam) et Thai-Deng (Thai rouges, à l’est du Laos) sont généralement considérés comme Phu Thaï, malgré de notables différences culturelles et linguistiques (tenue vestimentaire, par exemple). Théoriquement, les Lao Loum vivent dans les plaines, près des cours d’eau. Les villages sont autonomes et abritent une cinquantaine d'habitations, soit de 200 à 300 habitants. Ces villages sont délimités par des rizières et des friches. Les maisons, en bois, sont bâties sur pilotis avec des cloisons en bambou tressé. Les villages vivent en autarcie ; un chef régit la ville du village (ou ban).
La Tak Bat est la cérémonie des offrandes aux moines. Tous les matins, de 5h45 à 6h30, des centaines de jeunes moines quittent leur monastère pour se voir offrir de la nourriture par les habitants de Luang Prabang. Ces derniers sont postés sur le trottoir et dans la rue, sur un petit tabouret ou à même le sol, de manière à être toujours plus bas que les moines, en signe de respect, et attendent dans le silence le plus total le passage des moines. Pieds nus et vêtus de leur robe safran, les moines défilent, selon la tradition, à la queue leu leu et s'approvisionnent en riz blanc, qui constituera leur seul repas de la journée. Malheureusement, l'aspect religieux et spirituel de cette cérémonie n'est pas respecté par les touristes, qui débarquent en masse et jouent les paparazzi. A tel point que des affiches sont placardées en ville pour expliquer la bonne attitude à adopter... Nous avons donc décidé de laisser dormir les enfants, et de nous lever seuls, pour assister à ces offrandes... Et c'est vrai que le nombre de touristes à la recherche de scènes authentiques et photogéniques, pratiquement plus important que celui des bonzes eux mêmes, et pointant leurs appareils jusque sous leur nez, est dérangeant... Les photographes, même non bouddhistes, se mettent également à distribuer du riz, afin d'être au plus près de leur sujet... et les laotiennes en profitent pour vendre leur riz trois fois son prix...
Loin des effets délétères de la masse irrespectueuse, nous avons, et de loin, préféré les prières chantées auxquelles nous avons assisté hier, dans un petit Vat jouxtant une école des beaux arts subventionnée par l'UNESCO...
Tad signifie cascade en lao. Et ce dimanche, les laotiens sont venus en nombre pique niquer au pied de ces impressionnantes chutes d'une eau claire, fraîche et limpide, follement agréable dans la chaleur torride de la jungle environnante ! Sur plusieurs centaines de mètres, une succession de vasques naturelles se déversent les unes dans les autres, à grand renfort d'eaux bouillonnantes, de brumes irisées et d'un bruit fracassant. De chaque côté des premières chutes, déjà impressionnantes, une petite sente escarpée escalade la montagne jusqu'aux sources tumultueuses, faisant escale dans de nouvelles vasques où la baignade est ravigorante ! Le contraste entre la canicule de la forêt et la fraîcheur de l'eau, l'altitude prise progressivement à flanc de montagne, la vue qui s'offre dans les trouées vertes, entre bananiers et dense végétation tropicale, avec le serpent couleur boue du Mékong au fond de la vallée, font de cet endroit une excursion idillyque. Après avoir gravi un long escalier aux marches de bois construit au milieu de la cascade, et forts du secret partagé avec Ben, nous continuons l'ascension jusqu'à un élargissement du cours d'eau, juste au dessus de sa première grande chute, qui forme comme un bassin verdoyant sous une voûte végétale, où le temps semble suspendre son vol... Nous nous enfonçons dans la boue et savourons un bain exceptionnel, qui n'est pas sans nous rappeler nos escapades amazonniennes... Merci cousin ! Aujourd'hui le sentier n'est plus aussi confidentiel, et nous n'étions pas les seuls à espérer la fraîcheur de l'eau après la boue du chemin...
Il est troublant de constater que l'environnement évoque pour nous, qui avons décidément besoin de nous référer à ce que nous connaissons, des paysages d'autres continents... L'habitat ici (maisons de bois sur pilotis, toits de palmes) ressemble fort à celui de certains groupes ethniques du Pacifique, les chamanes laos ne nous semblent pas tout à fait sans liens avec les chamanes d'Amazonie équatorienne, dans leur rapport aux esprits de la forêt et leur usage des plantes, les tissus traditionnels Hmongs sont brodés de motifs cosmogoniques que l'on jurerait avoir vus dans les Andes péruviennes, les bijoux d'argent des femmes Kamu ressemblent à s'y méprendre avec ceux des boliviennes... Le monde devient petit !
Elise et Thomas ont aussi partagé avec nous leur journée sur le plateau des Boloven, dans un village Katu, où un guide du village a passé plus de 5 heures à leur expliquer le mode de vie autarcique, les rituels funéraires et religieux (morts enterrés sous leur maison, cérémonie chaque année avec un os du défunt, pratiques animistes), les pratiques liées au mariage et aux naissances (village polygame, premier mariage vers 10 ou 11 ans, premier enfant peu après, chaque garçon (homme) vivant sous le même toit que toutes ses femmes et leur progéniture, une famille peut compter jusqu'à 70 personnes...), coutume de fumer la pipe de bambou dès la plus tendre enfance (comme la chicha, ou le narguilé), dialecte local... et ceci malgré les moyens de communication bien établis entre ce village, et le reste de la province... Au nord de Luang Prabang, d'autres ethnies sont implantées, que nous aurons peut-être l'occasion d'aller rencontrer... Comme les femmes girafes du nord de la Thaïlande...
Nous avons aussi rencontré aujourd'hui des ours noirs, présents sur tout le territoire indochinois mais menacés d'extinction, des oiseaux étonnants, ainsi que toute une population d'insectes, moustiques (nous constatons avec plaisir que notre sang les intéresse de moins en moins, notre organisme se modifiant certainement durablement avec notre mode de vie et notre alimentation), araignées, fourmis, gros asticots, et de drôles d'escargots verts...
Nous y voilà enfin, à Luang Prabang la royale, la paisible, la culturelle, la douce, la pieuse... A 600 mètres d'altitude, formant une péninsule au confluent du Mékong et de la rivière Nam Khan, Luang Prabang offre un fabuleux mélange d'architecture traditionnelle et de structures des XIXème et XXème siècles. Son panorama urbain unique est très bien conservé, les dernières maisons de bois bâties sur pilotis ont été préservées, les maisons coloniales et les temples, restaurés, et l'ambiance de ses ruelles invite à la contemplation des rivières, ou à la découverte de la forêt tropicale environnante à vélo... Il fait bon y flâner pour prendre le pouls de la ville, au gré des jardins fruitiers, des Vats superbes, des façades de bois et tuiles vernissées, ou des étals des marchés ethniques Hmongs, Laos, Khamou ou Akhas...
Sous les bougainvilliers de la cour d'un petit Vat de toute beauté, un jeune garçon est assis, tête rasée, robe safran, un rubik'scube en main. Nots, 16 ans, novice depuis 5 ans, est fier de parler un bon anglais, et avide de questions. C'est loin, la France ! Et on y joue aussi au rubik'scube... Il est originaire d'un petit village à deux heures d'ici, et n'a pas revu ses parents depuis 5 mois, qui ne peuvent pas faire le voyage si facilement... Chaque famille tente d'envoyer l'un de ses fils au temple, qui bénéficiera des retombées honorifiques d'une telle formation toute sa vie, que l'enfant devienne moine ou qu'il quitte la voie spirituelle avant la fin de son noviciat...
Temples et pagodes historiques de la capitale laotienne. Une journée culturelle avant une nuit de bus... Voici un peu de littérature pour comprendre l'intérêt de nos visites de la journée.... et pardon si cette lecture est un peu ardue, quand on n'est pas sur place...
Phat That Luang, Temple du Grand Stupa. Monument emblématique du Laos, tant d'un point de vue historique que géographique. A l’origine, son nom était Phra Tjédi Lokatchoulamani, ce qui signifie le « Divin reliquaire », sommet précieux du monde. That Luang est un terme plus générique que l’on pourrait traduire par Grand stupa. Et vous remarquerez que chaque ville possède son propre That Luang. C'est Asoka, grand souverain bouddhiste indien qui serait à l’origine de la fondation du vat, au IIIème siècle av. J.-C. Selon la tradition, un fragment de l’os iliaque du Bouddha (certains disent un cheveu du maître) aurait été déposé au cœur de l’édifice. En tout cas, il est certain qu'entre le VIIème et le Xème siècle, au cours de l’époque Sikhottabong, autrement appelée période môn, le That Luang fut un important centre religieux. Par la suite, du XIème au XIIIème siècle, pendant l’époque Say Fong, la plaine de Vientiane était occupée par les Khmers ; on a trouvé à proximité du That une statue représentant Jayavarman VII qui régna sur Angkor de 1181 à 1218, ce qui appuie l'idée que le That Luang ait subi une importante influence Khmer. De cette époque, date également l’étrange statue placée à l’entrée du cloître. Il s’agit d’un gardien de style khmer, portant une longue massue à hauteur de son bas-ventre. La partie inférieure de celle-ci ayant disparu, on a maintenant l’impression qu’il tient son sexe dans la main. C'est là l’un des nombreux symboles qui permettent d’associer ce vat à l’emblème phallique. Au XIVème siècle, le royaume de Lan Xang fut créé par Fa Ngum. Vientiane fut alors déclassée au profit de Luang Prabang et le Vat That Luang profondément fut remanié, au point que le temple khmer fut remplacé par un stupa en latérite. De ce monument, il ne reste plus rien, car il fut recouvert par ce qui allait devenir l’actuel That Luang. Il aura fallu attendre le XVIème siècle et le règne de Setthathirath pour que Vientiane retrouve son hégémonie, et le That Luang la forme qui est aujourd’hui la sienne. En 1566, on inaugura ce vaste édifice de 54 m de long sur 45 m de haut. On pouvait déjà y admirer le bulbe en carafe terminé par une pointe en cuivre doré. Les trente petites cloches édifiées sur son pourtour, appelées également palami , représentaient les trois degrés de chacune des dix perfections de la doctrine bouddhique. Au XVIIème siècle, le That Luang devint véritablement le symbole de l’unité nationale, puis il fut saccagé au cours des différentes guerres, et laissé à l’abandon. Cependant, l’école française d’Extrême-Orient prit conscience de son importance et, de 1930 à 1935, des travaux de restauration furent entrepris. Le stupa fut reconstruit à l’image des croquis de Delaporte, le cloître fut rebâti ainsi que les pavillons de prière et les portes d’entrée. En 1957, pour le 2 500 ème anniversaire du Bouddha, le bulbe et le soubassement en forme de fleur de lotus furent recouverts d’une couche d’or. Aujourd’hui, le Vat That Luang est l'emblème de l'identité nationale. Une visite au moment de la pleine lune d'octobre, qui a parfois lieu mi-novembre, au moment de la fête du That Luang, illustre à quel point ce monument peut changer d’aspect et retrouver des couleurs éclatantes lorsqu'il accueille moines et bonzes de tout le pays. Un vrai pèlerinage bouddhiste dans un haut lieu sacré du Laos.
Depuis l'ouverture du pays dans les années 90, le capitalisme semble vouloir rattraper les laotiens... Tout ce qui peut symboliser les grandes puissances et leurs richesses plaît ici, comme au Cambodge, où le kitch est plébiscité : ce qui scintille, clignote ou flashe a du succès... Dans les ruelles et sur les larges rues aérées de Vientiane, qui étire sur plusieurs dizaines de kilomètres le long du Mékong son agréable nonchalance, des bâtiments modernes et clinquants côtoient une architecture traditionnelle plusieurs fois centenaire, les femmes portent la jupe brodée aussi bien que le jean, les tuk tuk rafistolés croisent de gros 4/4 flambants neufs, en un métissage (et parfois un anachronisme) qui donne l'impression que le temps s'est pris à son propre piège... L'impression générale que dégage la ville est profondément humaine, à l'image de ses peuples mélangés...
Nous avons d'abord passé quelques heures dans une librairie française, plaisir immense de retrouver des références connues (de Tom Tom et Nana à Tintin, en passant par Astrapi et des contes), histoire de refaire le plein de romans papier pour les enfants, qui n'accrochent pas plus que ça (eux non plus) aux lectures électroniques...
Nous avons aussi visité encore quelques vats (temples), dont nous comprenons maintenant bien la construction : le temple principal au centre, 4 temples érigés dans les 4 angles, dont l'internat des novices, une bibliothèque et des salles de cours, des stupas (sortes de mausolées, monuments funéraires) disséminés partout, souvent de gros et vieux arbres faisant l'objet d'offrandes particulières, car considérés comme le lieu d'habitation de génies tutélaires, les laotiens mêlant syncrétiquement animisme, bouddhisme et hindouisme... Le temple ou la pagode, aussi nombreux que les églises en France, sont le coeur vivant du quartier ou de la rue, lieu de vie dans lequel on se réunit, on prie, on discute, on mange...
La visite du musée lao national, installé dans un bâtiment datant de 1920, nous a permis d'approcher différemment l'histoire de ce petit pays. De la préhistoire à nos jours, quelques grandes lignes sont contées là, parfois illustrées par des pièces archéologiques ou ethnographiques de toute beauté, mais non mises en valeur, faute de moyens... Manque de dates, de documents cartographiés, d'un éclairage suffisant... Concernant l'époque moderne, l'indépendance nationale est évoquée avec force photos, et il est troublant de déceler, dans les visages, groupes apprêtés, uniformes et poignées de mains échangées entre camarades sous les portraits d'Hô Chi Min ou de Lénine, une certaine proximité avec les périodes communistes d'autres pays et cultures. De l'idéal à l'idéologie, et de celle ci aux effets produits par le dogme, les photos m'ont semblé les mêmes que celles du musée d'Hanoï ou de Gdansk, en Pologne, sur l'histoire de Solidarnosc...
Ce soir, nous flânons dans le "night market", dont les stands dressés sous de petits chapiteaux de toile rouge égayent de couleur le bord du Mékong. "Chinoiseries" bon marché et véritables oeuvres d'art (pièces de tissu uniques, brodées à la main, et soies chatoyantes) s'y côtoient. Au coucher du soleil, nous assistons à de gigantesques cours de gym et de zumba en plein air, auxquels participent des dizaines de femmes, toutes générations confondues : t-shirt orange, elles montrent leur ticket au préposé qui passe dans les rangs, sans perdre le rythme soutenu auquel elle bougent leur corps... La sonorisation des différents cours se fait concurrence, qui hurle ses basses à tout vent...
Tandis que nous observons, des laotiennes à vélo serpentent sur l'esplanade du fleuve, venant nous proposer leurs services de manucure itinérante ou de massage, tandis que des familles entières viennent se photographier au soleil couchant... avec nos enfants, leur touchant le nez pour en apprécier la forme droite... D'ailleurs, les lieux touristiques ont publié un petit document sur "les choses à faire et celles à éviter " pour respecter les laotiens, parmi lesquelles figure le geste de toucher la tête des enfants.
Moisson du ciel...
Semailles d'eau saumâtre...
Après une nuit de pluie orageuse et une nouvelle journée de bus, nous voici à 340 km au nord de Thakhek, toujours sur le Mékong, à Vientiane, la capitale laotienne... 800 000 habitants pour une ville à taille humaine... Après avoir arpenté l'Indonésie, si densément peuplée, le Laos, pays le moins peuplé de toute l'Asie, est reposant, et même sa capitale se laisse facilement apprivoiser... Les temples et pagodes y sont légion, ainsi que les musées, marchés et promenades en bord de fleuve, les parcs et monuments... La ville est néanmoins moins réputée, culturellement et artistiquement, que Luang Prabang, sa petite soeur classée au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO, et vers laquelle nous nous dirigerons.
Vientiane se prononce en lao « Viengchan » . « Vieng » se traduit par « ville » ou « forteresse », tandis que « chan », dérivé du sanskrit, signifie « lune » ou bien « santal ». Cette référence à la lune pourrait s’expliquer par la position géographique de la ville, au creux d’un méandre du fleuve, évoquant la forme de l’astre.
Demain, nous mettrons nos pas au cœur des ruelles de la capitale du royaume de Lan Xang, pays du Million d'éléphants...
Pour partir explorer les superbes pains de sucre karstiques de Khammouane, nous avons choisi le tuk tuk... et 3 grottes parmi celles, innombrables, que l'eau creuse dans la roche à cet endroit... Après avoir descendu le Viêt Nam sur toute sa longueur, exploré le coeur du Cambodge, nous remontons le Laos sur toute sa longueur.... et nous situons actuellement quasiment au même niveau que Ninh Binh, la "baie d'Halong terrestre" vietnamienne... Nous avons eu la surprise de découvrir que la province de Khammouane était jumelée avec... la région Rhône Alpes !
La grotte de Tham Xieng Liab, dotée d'un porche spectaculaire s'ouvrant au pied d'une falaise de 300 mètres de haut, signifie "l'ancien bonze ou le novice rôde". Selon la légende, un ancien moine ou novice, amoureux de la fille d'un ermite montagnard, rôdait autour de la grotte, cherchant une opportunité pour entr'apercevoir la fille. Aujourd'hui, on y trouve des tortues à carapace molle, ainsi que de nombreuses chauve souris. Nous accédons à la grotte en barque, et nous baignons dans son ventre frais...
La grotte de Tham Nang Ene a une légende liée à la précédente. C'est le lieu de rencontre et de flirt de la fille de l'ermite et du jeune moine. Elle a une hauteur de 30 mètres et mesure 2,5 km de profondeur.
Enfin, la grotte des Bouddhas, Tham Pa Fa, découverte en 2004 par Boun Nong, un villageois, contient 229 statues de Bouddhas, disposées au milieu de dentelles de pierre et festivals de stalagmites et stalactites... Des Bouddhas de 15 cm à un mètre de haut, certains datant vraisemblablement de 300 ans, en pierre et en bronze... aujourd'hui honorés par les nombreuses offrandes que les fidèles viennent déposer.
PS : je rajoute quelques photos à l'article précédent...
Petite journée tranquille...
A Talat Lak Song, marché alimentaire et vivrier, on trouve de tout dans une ambiance exclusivement "locale", depuis les vêtements traditionnels brodés à la main jusqu'aux babioles kitch ou électroniques made in China...
Nous visitons aussi le Temple Pha That Sikhotabong, à environ 7 km au sud de Thakhek, vers le district de Nong Bok. On l’appelle plus simplement Vat Sikhotabong. Un stupa a été érigé dans l'enceinte d'un monastère construit sous le règne de Chao Anou au XIXème siècle. Il a été rénové sous le règne de Setthathirath, puis agrandi des années plus tard. Selon la légende, ce grand stupa aurait été bâti sur le site d’un ancien stupa Khmer datant du IXème ou Xème siècle par le roi Nanthasen. Il est vénéré par une foule de fidèles bouddhistes, c'est l'un des plus importants stupa du Laos, qui garde des os de Bouddha... La salle du temple abrite un magnifique Bouddha en position assise. Un grand festival s'y déroule au moment de la pleine lune de février.
Le soir, Mireille nous offre la possibilité d'une soirée sans enfants...
Au coeur du Laos, à mi chemin entre le sud et le nord du pays, la petite cité de Thaket exhibe ses vestiges coloniaux français aux yeux curieux du voyageur... A cet endroit, coincé entre la Thaïlande et le Viêt Nam, le coeur du Laos palpite sur les rives brunes du Mékong, tour à tour nonchalant et tumultueux, lent et rapide, rêveur et industrieux. Les minorités ethniques s'y côtoient et se comprennent sans parler la même langue, cultivant le teck, l'acajou, la palissandre, le kapok, l'eucalyptus, le frangipanier, le pavot, la cardamome, le thé, le gigembre, la citronnelle et le litchi. Le fleuve majestueux invite à la contemplation, sa touffeur moite nous le donne à respirer par la peau, sa présence est physique, nous voyageons avec Marguerite Duras.
Thakhet, ancienne cité coloniale française, est le chef-lieu de la province de Khammouane. Elle compte environ 85 000 habitants. Elle fait face à la ville de Nakhon Phanom, au nord-est Thaïlande, sur l’autre rive du Mékong, avec laquelle elle entretient des relations commerciales régulières. Le passé s’efface peu à peu avec le nouveau développement économique de la région dû principalement aux échanges établis entre le Vietnam et la Thaïlande. Les travaux du troisième pont de l'amitié lao-thaïlandaise ont commencé sur le fleuve en 2009 et se sont achevés en 2012. Situé à 13 km du centre-ville, ce pont de 780 m de long comportera deux voies routières et deux pistes piétonnes. Aux abords du Mékong, certaines rues gardent encore l'empreinte de la présence française, notamment autour de la place de la fontaine, où subsiste un certain charme désuet. À proximité de la ville, les formations karstiques aux reliefs déchiquetés offrent des paysages de toute beauté. Et de nombreuses grottes sont disséminées dans ces massifs calcaires, dont Tham Khong Lo, l’une des plus spectaculaires.
Demain, nous en serons aux 3/4 de notre voyage... 9 mois passionnants, riches en rencontres, en échanges, en découvertes, 275 jours toujours différents, variés et palpitants... Chaque journée de voyage est un monde qui s'ouvre à nous et nous construit intérieurement, je n'en voudrais perdre aucune... Et pourtant, à ce stade, nous devons renoncer à la perspective d'inscrire nos pas sur les routes du Tibet et sur celles du Myanmar... pour profiter davantage du Laos, de la Thaïlande, du Népal et de l'Inde...
Savannakhet est à la fois une ville et une province du Laos. Nous avons mis pratiquement 6 heures pour franchir les quelques 200 km qui la séparent de Pakse... Nous avons en effet choisi un "bus local" et non un "mini van VIP" : des arrêts très fréquents, un public exclusivement laotien, les bagages ficelés sur le toit (ça faisait longtemps...), et pas de clim.. ni de suspension !
Savannakhet (lao : ສະຫວັນນະເຂດ), ou Kaysone Phomvihane (lao : ໄກສອນ ພົມວິຫານ) anciennement connue sous le nom Muong Khantabouli (appelée aussi Muong Savan), est après Vientiane la deuxième ville du pays par sa population, avec environ 124 000 habitants, et le chef-lieu de la province du même nom. La ville est le lieu de naissance de Kayone Phomevihane, ex-président du Laos, et a pris son nom en 2005. Elle est construite au bord du Mékong, qui constitue la frontière avec la Thaïlande : les maisons que nous voyons sur l'autre rive ne sont donc plus laotiennes...
Construite en 1894 par les Français sur la rive orientale du Mékong, c'est un foyer économique très actif du Laos du Sud. Comme toutes les villes du Laos, la population de Savannakhet se compose de Laos, de Thaïs, de Vietnamiens et de Chinois, ainsi que de nombreux représentants des diverses minorités du pays.
On y trouve un important temple bouddhique datant du XVe siècle, le Vat Sainyaphoum, un temple chinois, une église catholique et une mosquée. L'université de Savannakhet, inaugurée en octobre 2009, compte trois facultés : Économie-gestion, Agriculture-environnement et Sciences humaines-langues.
Mais c'est aussi une ville étape sur notre chemin vers le nord, qui se révèle fatigant...
Situé à 50 km au nord-est de Pakse et à 1 300 mètres d'altitude, dans la province de Champassak, ce haut plateau est prisé pour la fraîcheur de son climat et connu comme étant la capitale du café. C’est l’une des régions agricoles les plus dynamiques du pays. En effet, la fertilité du sol, d'origine volcanique, favorise la culture du café, introduit par les Français dans les années 1920 (première tentative). Aujourd’hui, le café produit dans la région est dédié à l'exportation, en Thaïlande et en France, notamment. On estime à 250 le nombre de villages qui vivent de la culture extensive du café, soit environ 5 000 familles. Le thé vert est aussi cultivé, mais à moindre proportion.
Nous avions prévu un trek pour aller à la découverte de ce plateau, malgré les aléas du climat en cette saison... Sithon et Noy, nos deux guides anglophones locaux, ont fait une drôle de tête ce matin en voyant les enfants, et nous précisé qu'ils pourraient toujours rester dans la voiture en nous attendant si la marche était trop longue pour eux...
Bon, je m'aperçois ce matin que mon article d'hier soir a été amputé des 3/4... Je reprends un peu.
Nous avons donc eu une chance inouïe, sommes passés entre les gouttes de la mousson malgré les nuages noirs amoncellés dans le ciel, et avons pris un plaisir fou à découvrir les différents étages de ce plateau si beau... Vert intense des caféiers et théiers après le tendre vert jaune des rizières, où pins et bananiers, daturas géants et passiflores se mêlent étrangement en une végétation tropicale très dense, puis plus rare au sommet, parsemée de roches plates volcaniques où paissent troupeaux de vaches et de chèvres, et où nous découvrons quelques bouddhas insolites... L'habitat Kha Thou ne se rassemble pas en un village groupé autour d'un monument religieux ou d'une maison communale, mais est disseminé dans les plantations, composé de petites maisons de bois bâties sur pilotis sommaires et rustiques, sans eau ni électricité, mais astucieuses, harmonieuses et particulièrement esthétiques.
Non seulement les enfants ont bien crapahuté, toujours en tête dans les pentes abruptes et glissantes ou les côtes escarpées, dans les gués des rivières, mais ils en redemandaient.... Jouer à Tarzan dans les lianes, tailler des bâtons, découvrir et mâchonner de nouvelles feuilles, observer des crapauds et des araignées jaunes tendre leurs fils entre les grains verts de café... le monde s'offrait à eux ! Nous sommes rentrés couverts de boue de la tête aux pieds, égratignés et piqués par les moustiques, épuisés, mais éblouis par tant de luxuriance...
A midi, devant des chutes d'eau majestueuses, dans un cadre enchanteur, Sithon a disposé sur des feuilles de bananier un repas lao délicieux, que nous avons dégusté avec les doigts : riz gluant, piments, pousses de bambou macérées dans du lait de coco, liserons d'eau, boulettes de viande, porc et boeuf fumés, poisson séché, oeufs durs, bananes. Un régal !
Aujourd'hui, nous continuons notre route vers le nord, en direction de Savannakhet.
A 130 kilomètres au nord de la province des 4 000 îles se trouve la paisible ville de Pakse, au confluent du Mékong et de la rivière Sedone. Elle a été choisie comme capitale de la province de Champassak par les Français au début du XXème siècle. C'est l'une des villes les plus importantes du pays d'un point de vue économique (négoce de bois, café, thé et cardamome, entre autres). Elle compte environ 80 000 habitants et sa population est composée de Lao Loum, de Khatu, de Khamu et de Khatan, sans oublier les communautés thaïlandaises, vietnamiennes et chinoises.
Arrivés en milieu d'après-midi, nous visitons le plus ancien temple de la ville, Vat Luang, construit en 1830 et rénové en 1990. Sa bibliothèque date de 1943 et une bâtisse en bois abrite la plus importante école de novices du sud du pays.
Demain, nous partons en trek à la découverte du plateau des Boloven, de ses forêts et chutes d'eau, des villages de minorités ethniques, de ses plantations de thé et de café.
Partout dans le monde, nous les avons croisés, ces hommes et ces femmes courbés aux champs, hâtivement protégés de la pluie ou du soleil, à s'échiner pour tirer du ventre de la terre de quoi se nourrir, de quoi survivre, le visage terreux, le regard terreux sous le chapeau conique... Partout, nos pas ont croisé leurs pas, leurs dos ronds, leurs épaules voûtées, leurs yeux rivés au sol, lents et attentifs. La lenteur de la terre. L'odeur de la terre. Des gestes de terre. Des gestes du terroir. Corps pétris de boue et de glaise. En Equateur, ce sont les hommes de maïs, dont parle si joliment Henri Michaux... De maïs, mais aussi de fèves, de pommes de terre, de quinoa, d'oignons... Ici, les hommes sont de riz. De boue et de riz. Debout et de rires. Nous les avons vus après la mousson, cette pluie si particulière, dense et pleine, dans la boue jusqu'en haut des jambes, arracher à la volée les plançons de riz par poignées, éclaircir les tendres rangées, puis former les bottes, racines jaunes et têtes vertes, toujours le même geste, le bras qui enlace les jeunes pousses, les ligote, empile les bottes... A côté, la peau sombre zébrée de boue séchée plus claire, un homme pousse un petit motoculteur manuel, les deux bras hauts levés, chaque pied luttant alternativement pour s'extirper du sol en eau, guidant la machine pour le labour, traçant des sillons sous l'eau, aquatiques, submergés, que les femmes et les enfants parcoureront à leur tour pour y repiquer les jeunes plants éclaircis, d'un geste vif ... Beauté du soleil couchant dans le reflet parfait de la rizière inondée... Poésie de ces paysages, comme autant d'estampes venues alimenter nos rêves d'occidentaux sur l'Asie... Têtes de buffles dépassant à peine de la boue, à peine plus sombres, plus grises que la terre marron... Puissance de la mousson salvatrice et dévastatrice... Sous l'ardent soleil qui brûle, incandescent, comme sous la pluie violente qui tambourine et érode, l'homme et la femme ici font le dos rond pour saluer le riz...
Le long du Mékong, qui attise puissamment mon imaginaire, tout d'alluvions et de terre charriée, nous avons vu défiler les kilomètres au gré de nos vélos, au coeur des rizières plantées de maisons sur pilotis, au rythme des pirogues et du lent balancement des hamacs, au son des grenouilles et des rapides bouillonnants, au pas chaloupé des ponts de bambou suspendu...
Khop chai laï laï (merci beaucoup) laotiens, pour tant de beauté et de douceur, pour tant de terre et d'eau...
Don Det et Don Khone, îles du Mékong en vélo.
Dès 10 heures du matin, sous un ardent soleil, nous voilà partis en vélo à travers 2 des 4 000 îles qui émergent du Seigneur Mékong... Rizières et repiquage du riz tenu par les enfants en bottes, gerbes, brassées..., baignade des buffles (nous admirons les oiseaux noirs qui se posent sur eux pour les débarrasser de leurs parasites à petits coups de bec précis) et de la volaille, défilé des familles dans des sortes de side-cars aménagés conduits par de très jeunes enfants sur les pistes chahutées par la violente mousson de la nuit, vives parties de foot organisées au milieu des rizières par les enfants des villages, marmots épouillant leur mère tandis qu'elle se balance dans son hamac, cueillette des champignons et coupe du bois pour le petit foyer de terre cuite sur lequel mijotera la soupe, en longue jupe traditionnelle magnifique et sweat de sport... les scènes de la vie quotidienne sont nombreuses, authentiques et hautes en couleurs, que nous observons en pédalant, faisant gicler l'eau brune des flaques en grandes gerbes d'éclaboussures boueuses autour de nous, pour la plus grande joie des enfants, qui jubilent ! "Journée craspouille"... Les paysages sont incroyablement beaux et doux, les laotiens nous saluent de grands gestes et de "hello !" chaleureux, riant de voir nos enfants sur les grands vélos, et Arthur sur le porte bagage, faute d'avoir les gambettes assez longues pour toucher les pédales !
Après une dizaine de kilomètres émerveillés, nous arrivons au bout de l'île, à quelques centaines de mètre du Cambodge, où nous prenons une pirogue pour aller observer les dauphins du Mékong.
Le dauphin de l'Irrawaddy ou Grand dauphin fut identifié par Owen en 1866. D'apparence, ce dauphin est similaire au béluga, mais génétiquement, il est proche de l'orque. Aujourd'hui en voie d'extinction (sur la liste de l'UICN), il vit près des côtes et dans les estuaires de l'Asie du Sud-Est. Il a une tête ronde et émoussée ; une nageoire dorsale courte, peu pointue et triangulaire et des nageoires latérales longues et larges. Il a une couleur claire, mesure environ 1 m à la naissance et 2,3 m à l’âge adulte ; sa durée de vie est de 30 ans environ. Aujourd'hui protégé, il a longtemps été chassé pour son huile, ou étranglé par des filets de pêche. Son habitat naturel a disparu en partie lors de la destruction de la mangrove du delta de l'Irrawaddy en 1975 pour développer l'élevage de crevettes. Il n'y a que deux endroits au monde où on peut encore le voir : le Laos et le Myanmar... Et bien, nous faisons partie des chanceux qui ont la joie de les observer évoluer dans leur milieu naturel... A quelques dizaines de mètres devant nous, sans sauts ni pirouettes, tout en douceur, nous les voyons sortir leur étrange et courte tête, puis déployer doucement toute la longueur de leur dos lisse et brillant, avant de plonger de nouveau, nous présentant alors leur queue... Nous qui avions rêvé d'observer les dauphins roses du fleuve Amazone, nous aurons vu les dauphins blancs du fleuve Mékong !
Nous reprenons nos montures après la balade en pirogue pour aller découvrir les plus larges, puissantes et impressionnantes chutes d'eau d'Asie du Sud-Est, les chutes de Khone. "Une cascade, en fait ?" demandent les enfants ? Pas seulement... ou plutôt, bien plus qu'une cascade, il s'agit de rapides bouillonnants et rugissants, arrivant de plusieurs failles géologiques à la fois pour s'engouffrer dans un couloir semé de rochers, où ils se déversent avec fracas, dans un soulèvement d'écume irisée... Nous ne sommes qu'au tout début de la saison des pluies, les laotiens viennent de fêter le jour sacré de la naissance de Bouddha, qui marque le début de 3 semaines de festivités et l'arrivée des moussons, et nous nous demandons quel sera le débit de ces chutes d'ici quelques mois... Iguaçu (Argentine) et le Niagara (Canada) n'ont qu'à bien se tenir !
Le Laos est une destination confidentielle... Nous l'avons abordé par sa frontière terrestre, au sud, dans la province des 4 000 îles formées par les multiples bras du Mékong, là où, en saison des pluies, sa largeur peut atteindre jusqu'à 14 kilomètres... Des méandres impressionnants où il est facile de se perdre, des rochers émergeants, des rapides et chutes d'eau...
Le passage de la frontière a été épique, épuisant nerveusement, fort en émotions ! De nouveau il faut refuser de payer les sommes non légales, réclamées pour le préposé au tampon, pour celui qui agrafe la photo sur le visa, pour celui qui ouvre la porte, pour celui qui règle la clim'... supporter leur toute puissance, les menaces ("no dollar, no tampon" !), affirmer qu'on vient visiter leur beau pays comme la réalisation d'un rêve, qu'ils n'ont rien à gagner à montrer un visage corrompu du pays, que nous connaissons nos droits... Pas moyen d'obtenir les visas des enfants, théoriquement gratuits avant 12 ans, sans aligner les billets verts... Trop tard, notre bus ne nous attend pas de l'autre côté de la frontière, arguant que nous serons en retard ensuite pour le bateau... un classique. Nous voici donc plantés entre Cambodge et Laos, dans un no man's land si peu fréquenté que le temps semble s'être arrêté. Bon, la mésaventure ne s'éternise pas, et un minibus arrive une heure plus tard, avec lequel nous doublons le bus qui ne nous a pas attendus, resté en panne au bord de la route... Une pirogue à moteur plus loin, nous débarquons sur la petite île de Don Det, où nous posons les sacs dans un petit bungalow de bois dont la terrasse donne plein ouest, sur le fleuve majestueux... Au son des grillons, grenouilles et geckos, nous assistons au merveilleux spectacle d'un coucher de soleil flamboyant sur le Mékong. Un moment d'éternité...
Une multitude de bancs de sable et d’îlots forment l’archipel de Si Pan Don, surnommé les 4 000 îles. On dénombre notamment une vingtaine d’îles plus ou moins importantes, habitées et portant un nom. Parmi celles-ci, Don Khong, la plus grande au nord, ainsi que Don Det et Don Khone au sud, reliées par un pont en pierre. Le temps semble immuable… L’environnement naturel et le rythme de vie paisible des habitants apportent une profonde sensation de sérénité, le temps s'écoule au rythme du moteur pétaradant des pirogues... Le Laos compte une centaine de minorités ethniques différentes, et nous disposons de 3 semaines pour le sillonner du sud eu nord, à la découverte de ses différents peuples.
Traduction : bientôt un article !
Petit quizz : en langue cambodgienne, il y a 30 consonnes et 27 voyelles, combien en lao ?