Pagodes en pagaille

 

Temples et pagodes historiques de la capitale laotienne. Une journée culturelle avant une nuit de bus... Voici un peu de littérature pour comprendre l'intérêt de nos visites de la journée.... et pardon si cette lecture est un peu ardue, quand on n'est pas sur place...

 

Phat That Luang, Temple du Grand Stupa. Monument emblématique du Laos, tant d'un point de vue historique que géographique. A l’origine, son nom était Phra Tjédi Lokatchoulamani, ce qui signifie le « Divin reliquaire », sommet précieux du monde. That Luang est un terme plus générique que l’on pourrait traduire par Grand stupa. Et vous remarquerez que chaque ville possède son propre That Luang. C'est Asoka, grand souverain bouddhiste indien qui serait à l’origine de la fondation du vat, au IIIème siècle av. J.-C. Selon la tradition, un fragment de l’os iliaque du Bouddha (certains disent un cheveu du maître) aurait été déposé au cœur de l’édifice. En tout cas, il est certain qu'entre le VIIème et le Xème siècle, au cours de l’époque Sikhottabong, autrement appelée période môn, le That Luang fut un important centre religieux. Par la suite, du XIème au XIIIème siècle, pendant l’époque Say Fong, la plaine de Vientiane était occupée par les Khmers ; on a trouvé à proximité du That une statue représentant Jayavarman VII qui régna sur Angkor de 1181 à 1218, ce qui appuie l'idée que le That Luang ait subi une importante influence Khmer. De cette époque, date également l’étrange statue placée à l’entrée du cloître. Il s’agit d’un gardien de style khmer, portant une longue massue à hauteur de son bas-ventre. La partie inférieure de celle-ci ayant disparu, on a maintenant l’impression qu’il tient son sexe dans la main. C'est là l’un des nombreux symboles qui permettent d’associer ce vat à l’emblème phallique. Au XIVème siècle, le royaume de Lan Xang fut créé par Fa Ngum. Vientiane fut alors déclassée au profit de Luang Prabang et le Vat That Luang profondément fut remanié, au point que le temple khmer fut remplacé par un stupa en latérite. De ce monument, il ne reste plus rien, car il fut recouvert par ce qui allait devenir l’actuel That Luang. Il aura fallu attendre le XVIème siècle et le règne de Setthathirath pour que Vientiane retrouve son hégémonie, et le That Luang la forme qui est aujourd’hui la sienne. En 1566, on inaugura ce vaste édifice de 54 m de long sur 45 m de haut. On pouvait déjà y admirer le bulbe en carafe terminé par une pointe en cuivre doré. Les trente petites cloches édifiées sur son pourtour, appelées également palami , représentaient les trois degrés de chacune des dix perfections de la doctrine bouddhique. Au XVIIème siècle, le That Luang devint véritablement le symbole de l’unité nationale, puis il fut saccagé au cours des différentes guerres, et laissé à l’abandon. Cependant, l’école française d’Extrême-Orient prit conscience de son importance et, de 1930 à 1935, des travaux de restauration furent entrepris. Le stupa fut reconstruit à l’image des croquis de Delaporte, le cloître fut rebâti ainsi que les pavillons de prière et les portes d’entrée. En 1957, pour le 2 500 ème anniversaire du Bouddha, le bulbe et le soubassement en forme de fleur de lotus furent recouverts d’une couche d’or. Aujourd’hui, le Vat That Luang est l'emblème de l'identité nationale. Une visite au moment de la pleine lune d'octobre, qui a parfois lieu mi-novembre, au moment de la fête du That Luang, illustre à quel point ce monument peut changer d’aspect et retrouver des couleurs éclatantes lorsqu'il accueille moines et bonzes de tout le pays. Un vrai pèlerinage bouddhiste dans un haut lieu sacré du Laos.

A côté de ce Vat se trouve le Parlement, magnifique bâtiment d'architecture khmère. 

 Et encore Vat Ho Phra Kèo, qui n’est pas un simple temple, mais un monastère palais – Vat Ho – dont l’entretien n’était pas assuré par des moines, mais par le souverain lui-même. Vat Ho Phra Kèo signifie littéralement « monastère palais du Bouddha d’émeraude », il fut édifié pour abriter ce fameux Bouddha d’émeraude dont voici l’histoire. En 1545, Setthathirath, qui allait faire de Vientiane la capitale du Lane Xang, n’avait que 12 ans quand son père, Phothisararath, le désigna pour monter sur le trône de Chiang Maï à la demande des notables de ce petit royaume baptisé alors Lan Na. Phothisararath mourut accidentellement peu de temps après et le jeune Setthathirath fut appelé pour prendre sa succession. En l’honneur de son règne, les notables de Chiang Maï lui remirent un présent : une image couleur de jade de Bouddha assis dans la position de méditation, Phra Kèo. Luang Prabang possédant déjà le Phra Bang, le jeune souverain décida d’installer ce Bouddha dans l’enceinte de sa nouvelle résidence à Vientiane. Le monastère palais avait alors fière allure avec ses immenses portes en bois doré et sculpté, ses peintures murales rouges et or, ainsi que sa toiture élancée à triple rupture de pente. Cependant, les relations se dégradèrent entre l’ancien royaume du Lan Na, sous domination siamoise, et celui du Lane Xang. Ayuthya, le roi siamois, mit un point d’honneur à récupérer le Phra Kèo qu’il considérait comme faisant partie de son patrimoine national. En 1779, suite à la défaite de l’armée lao face aux Siamois, le Bouddha d’émeraude prit définitivement le chemin de Bangkok où il est aujourd’hui exposé dans un autre Vat Ho Phra Kèo. En 1828, Vientiane fut mise à feu et à sang ; le vat resta en ruine jusqu’en 1936, date à laquelle les autorités laotiennes et françaises décidèrent de restaurer le monument. Sous la direction du prince Souvanna Phouma, ingénieur des travaux publics de formation, le bâtiment fut reconstruit sur le modèle de l’ancien, le but de cette reconstruction étant d’en faire un musée des arts religieux. On y transféra donc les pièces qui étaient entreposées jusqu’alors dans divers monastères et, en 1954, on y ajouta celles de la collection lao du musée Louis Finot de Hanoï. Aujourd’hui, on peut y admirer quelques belles pièces : stèles gravées d’inscriptions Môn, somptueux trône doré, statues d’origine khmère et nombre de sculptures sur bois, dont ces fameuses portes sculptées qui sont l’une des principales richesses de l’art lao.

Nous admirons aussi le Palais Présidentiel, dont la visite n'est pas autorisée, mais devant lequel trône une grande photo en pied de Boungnang Vorachit, le chef de l'Etat. 

Vat Sisakhet. Ce vat est un paradoxe historique, car il est à la fois le plus ancien et le plus récent temple de Vientiane. En effet, il fut construit quelques années seulement avant l’arrivée des Siamois dans la ville, au début du XIXème siècle, mais demeure le plus ancien monastère car il est le seul à n'avoir jamais été détruit par les envahisseurs. Le Vat Sisakhet fut fondé très exactement le jeudi 4 mars 1819 par Chao Anou, dernier roi de Vientiane connu sous le nom d’Anouvong. Au moment de sa fondation, il portait un nom d’origine palie – Vat Sattasahatsa Vihararama – qui signifie le « monastère des cent mille félicités ». Il aurait été rebaptisé Vat Sisakhet par les premiers Laotiens qui regagnèrent Vientiane après leur déportation massive sur la rive droite du Mékong et qui, en l'inspectant, découvrirent cette grande image du Bouddha avec sa grosse tête (sisa en pali) et la flamme qui la surmonte (ketu). A gauche, avant l’entrée du cloître sur l’avenue Lane Xang, se trouve l’ancienne bibliothèque du temple. La grande armoire contenait auparavant de nombreux manuscrits sur feuilles de latanier. La toiture de l’édifice, sur quatre niveaux, est d’inspiration birmane. A l’origine, le sim (ou sanctuaire central) et le cloître contenaient plus de neuf mille images ou statues du Bouddha évoquant le miracle de Sravasti, où le Bouddha multiplia son image à l’infini. Lors de l’invasion siamoise, la plupart de ces richesses furent pillées et dispersées et, si les soldats ne brûlèrent pas le monastère, c’est, paraît-il, parce qu’il ressemblait aux édifices de la nouvelle capitale siamoise. Aujourd’hui, plus de 2 000 petites statues de Bouddha sont disposées deux par deux dans des petites niches creusées dans le mur d’enceinte du vat, à l'intérieur. A l’origine, les fresques murales représentaient l’épopée de Kalaket et son cheval magique. Dans la cour, dans un abri clos par des barreaux de métal  sont entassées des statues de Bouddha très abîmées, souvent décapitées : il s’agit de pièces qui devaient être fondues pour fabriquer des armes durant le conflit lao-siamois de 1828. A l’intérieur du sim, on retrouve de minuscules cryptes dédiées à Bouddha. Celui-ci est admirablement décoré de peintures murales illustrant l’histoire de Pookkharabat avec son éventail magique (l’histoire commence derrière l’autel). Son plafond à caissons en bois est des plus étranges et s’il vous rappelle votre dernière visite à Versailles, ce n’est pas un hasard. A l’époque de Louis XIV, le Siam disposait d’une importante délégation en France, et l’architecture française des XVIème et XVIIème siècles a eu une influence certaine. On remarque les pendentifs en fleurs de lotus et la statue en pierre du Bouddha, située sur l’autel, datant du XIIIème siècle. Derrière le sim est entreposé un long naga en bois qui sert uniquement à verser de l’eau lustrale (arroser les bouddhas) sur les statues de Bouddha pendant la fête le nouvel an lao, ou Pi May lao. Nous avons la chance d'admirer le travail d'une équipe de restaurateurs d'art (laotienne et allemande) en train d'œuvrer à la récupération et à la mise en valeur des peintures murale vieilles de 200 ans, et passablement abimées par l'humidité...

Vat Mixay. Ce temple se reconnaît à ses deux dragons géants à l’allure peu engageante qui en protègent l’entrée.

 

Après tout ça, nous allons apprécier les couchettes du bus, et nous réveiller dans la ville la plus au nord que nous aurons l'occasion de parcourir au Laos...

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Commentaires: 2
  • #1

    Mamou (vendredi, 05 août 2016 18:32)

    merci Florence pour ces explications, c'est très compliqué de s'y retrouver, on verra avec les photos et les cartes du Laos
    bonne nuit à tous,

  • #2

    vio (dimanche, 07 août 2016 09:40)

    Une fois encore on perçoit grâce à vos photos la magie des lieux... Même aseptisées par l'ordinateur les images dégagent une beauté et une profondeur impressionnantes.
    merci pour ce livre d'image et ses explications détaillées!