Le Musée National de Bangkok possède l'une des plus riches collections de toute l’Asie du Sud-Est. Nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier d'une passionnante visite guidée de 2h45 (!), en français. Plutôt que de chercher à être exhaustive, notre guide nous a ciselé une introduction historique, philosophique, religieuse et sociologique précise et vivante, rendant limpide ce qui est complexe, et nous permettant aussi de mesurer qu'à force de fréquenter des pays bouddhistes, nous avons fini par intérioriser quelques repères... et même, par être capables de distinguer les pratiques des peuples khmers, laos, thaïs et birmans, de celles de la péninsule indochinoise... Plutôt que de passer deux jours à se familiariser avec les trésors du royaume de Siam, nous avons appris à en reconnaître les principaux traits, à situer chronologiquement la statuaire selon ses caractéristiques matérielles et historiques, à l'aimer en quelque sorte, tant est importante la part subjective d'une telle visite...
Le musée, immense, a été fondé sur le site du palais du Second Roi (Wang Na Palace) et se compose, selon la plus pure architecture thaïe, de 3 ailes, une pour la saison chaude, une pour la saison fraîche et une pour la saison des pluies. Aujourd’hui, le palais accueille les collections de céramiques et de textiles, les collections d’instruments de musique et d’objets de théâtre, ainsi qu’une intéressante collection d’armes. Le musée retrace l’histoire de la Thaïlande. L’aile sud comprend essentiellement des représentations de Bouddha du VIIème au XIIIème siècle. L’aile Nord accueille des représentations de Bouddha de l’ère Lanna et de la période Sukhothai jusqu’à nos jours, de même que la collection de céramiques. La « Maison Rouge » fut bâtie en teck pour la sœur de roi Rama I, la princesse Sudarak. A l’intérieur on peut observer la collection de meubles qui appartint à la princesse et se faire une idée de son mode de vie au XVIIIème siècle. La galerie des chars funéraires est également intéressante ; magnifiquement décorés et entretenus, ces chars et palanquins sont toujours utilisés par la famille royale. La chapelle Buddhaisawan fut, quant à elle, construite au XVIIIème siècle pour le jeune frère du roi. La représentation de Bouddha qui s’y trouve (Phra Buddha Sihing) est la seconde plus importante de tout le pays
Saviez-vous que l'Institut Royal Thaïlandais avait édité un manuel officiel du sourire, dans lequel 18 sourires différents sont répertoriés ?! Sourire d'acquiescement, de générosité, d'incompréhension, de remerciement, de provocation, de honte, de joie... autant de langages complexes à déchiffrer, quand il n'est pas possible de se comprendre avec les mots...
Pour nous, aujourd'hui, c'est plutôt... rire jaune ! Pleins d'élan, nous avions décidé de renverser la vapeur, et de nous rendre au Palais Vimanmek Mansion, le plus grand palais de teck (de la meilleure qualité, soit "teck d'or", et non "teck bouse de buffle" !) au monde, construit par le roi Rama V en 1902... Nous traversons toute la ville sous une chaleur accablante... pas de chance, personne ne nous avait prévenus qu'il était fermé, pour cause de restauration !
Nous choisissons alors de nous rendre à la salle du trône Ananda Samakhom, toute proche, située dans un imposant bâtiment de style italien, inspiré par l'architecture de la Renaissance, et réalisé par l'architecte italien Mario Tamagno. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il tranche avec les autres temples et monuments de la ville par son aspect occidental ! Construit au début du XXème siècle à la demande de Rama V pour recevoir des dignitaires étrangers, il ne sera achevé qu'après sa mort, sous le règne de Rama VI, en 1915. A l'intérieur, en plus de la salle du trône, se trouve un musée d'artisanat thaïlandais. Devant le palais, une imposante place impressionne par sa démesure et le vide qu'elle crée. Elle abrite en son centre une sculpture équestre de Rama V, en bronze, qui fut construite à Paris en 1907 par George Ernest Saulo, Rama V s'étant déplacé en France pour poser. Néanmoins, nous sommes découragés par l'affluence de visiteurs, et devant les dizaines de cars déversant des milliers de coréens, japonais et chinois se pressant avec leurs appareils photos, nous renonçons à la visite, nous contentant d'admirer le beau jardin, la pagode qui s'y dresse fièrement, la place et la statue autour...
Elise et Thomas, qui avaient galéré pour établir leur visa chinois, et s'apprêtent à récidiver pour la Mongolie, nous l'avaient bien dit : ce n'est pas une partie de plaisir... Les démarches décourageraient même les plus motivés ! Pour notre part, ce sont nos visas pour l'Inde qui sont stressants... Ce grand pays ne délivre aucune autorisation de séjour à l'arrivée sur son territoire : tout doit être réglé avant... C'est pourquoi, après 2 jours de démarches pour rassembler les divers papiers, nous sommes allés déposer ce matin, au bureau chargé des visas pour l'Inde de Bangkok, une liasse de documents, comprenant (le tout en 5 exemplaires...) :
- la photocopie (en 2 ex.) de nos passeports, avec le visa thaïlandais
- un long document rempli en ligne, et renseigné sur les antécédents familiaux sur plusieurs générations, les occupations professionnelles présentes et passées, les intentions une fois dans le pays...
- un second formulaire, à peu de choses près identique
- la copie de notre billet d'avion retour (quitte à faire une capture d'écran pour un faux, si besoin... ça tombe bien, nous repartirons réellement de New Delhi !)
- 2 photos d'identité réglementaires (2 inches x 2 inches, fond blanc...) par personne
- le booking de nos hôtels pendant les 15 premiers jours (à faire, puis à annuler lorsque nous aurons les visas, histoire d'être plus libres de notre itinéraire !) et l'itinéraire prévu (Bénares (Vârânasî), New Delhi, Agra, Jaipur, Jodhpur, Jaisalmer, à travers l'Uttar Pradesh, le Pendjab, et le Rajasthan, jusqu'à la frontière pakistanaise)
- les copies du livret de famille pour les enfants
- 1700 bahts par personne (soit environ 40 euros), qui ne seront pas restitués en cas de refus de visa, lequel alors ne nous serait pas expliqué...
Une fois ces documents déposés, avec nos passeports, il nous fallait encore attendre 6 jours ouvrables pour savoir si notre demande avait été acceptée ou rejetée... verdict, donc, la semaine prochaine, et en attendant, nous pensions fuir Bangkok. Oui, mais seulement voilà, depuis un mois les règles ont changé, et le site internet du gouvernement n'étant pas encore actualisé, nous ne pouvions pas le deviner ! Donc, après beaucoup de temps passé, d'argent dépensé, nous avons appris ce matin que désormais, depuis la Thaïlande, il n'était plus possible d'obtenir le visa indien pour les ressortissants français... Nous avons trois recours : obtenir un e-visa, mais celui-ci n'est recevable que dans le cas d'une arrivée aérienne, et non terrestre, et comme nous voulons passer la frontière à pied depuis le Népal... Retourner au Laos ou au Cambodge, d'où il est encore possible d'obtenir la version papier que nous venions solliciter... ou repasser par la France, afin d'obtenir le précieux sésame de chez nous. Grrrrr... pour une tuile...
La journée en est à peine à sa moitié et nous voici sur le trottoir, tout décontenancés, ne sachant comment rebondir... N'ayant pas le flegme du sieur Philéas Fogg à l'occasion des imprévus qui surgissent inopinément sur la route de son Tour du Monde en 80 jours, dont nous achevons ces jours le récit, notre état oscille entre rage à peine contenue et immense découragement...
Nous décidons donc, après le repas, d'arpenter Bangkok et ses différents quartiers, d'en humer la fragrance, d'en capter la substantifique moelle, d'en prendre le pouls, d'en parcourir le ventre par tous les moyens mis à notre disposition, de nous perdre, nous saoûler, nous épuiser, nous griser à lui chatouiller ainsi l'échine... En métro, nous traversons le quartier chic et éclectique de Sukhumvit, où s'exprime la plus grande créativité gastronomique, artistique et musicale de la capitale, marchons beaucoup au hasard de ses larges avenues, au pied de ses malls gigantesques, et dans le dédale de ses ruelles tortueuses, puis goûtons à l'incroyable métro aérien, typiquement asiatique, qui nous élève jusqu'à une impressionnante altitude, au-dessus de plusieurs étages de nœuds autoroutiers, avant de redescendre jusqu'à la Chao Phraya, sur laquelle nous naviguons à bord d'un long tail boat qui soulève les eaux brunes en gerbes écumeuses, bien plus rapide que notre barque à gros moteur des klongs d'hier, longeant les taudis et les palaces, les marchés et les temples, les luxueux hôtels et les immondes gargotes... avant d'arriver, rincés, épuisés, sur les rotules, dans la modeste Guest House du centre historique où nous avons élu domicile.
Le bus de ville est un bon moyen de découvrir la démesure de cette ville aux multiples facettes... Durant presque une heure, nous en avons sillonné les grandes artères comme les petites veines, filant la métaphore ventrale... La gigantesque cité s'étage en un impressionnant mille feuilles, depuis les ramifications souterraines et intestines de son métro, jusqu'à côtoyer le ciel, en passant par ses bidonvilles, ses autoponts et son "sky train"... Les gratte ciel rivalisent de créativité pour implanter, en très haute altitude pourrait-on dire, des terrasses de bars ou de restaurants à la vue panoramique...
Climatisé et possédant une connexion wifi, le bus nous a déposés au marché flottant de Taling Chan. Nous y avons savouré d'excellentes spécialités thaïes, enfin un peu moins épicées que les curry verts, jaunes ou rouges dont nous raffolons, mais qui affolent les papilles des enfants... Beignets de fleurs, sortes de crêpes de coco et de pousses de soja, samossas fourrés aux légumes, champignons et algues... toute une palette de saveurs et de senteurs, sans compter les longanes, durians, mangoustans, ramboutans, litchis, pommes cannelle et autres fruits savoureux...
Après la Galerie Nationale d'Art hier, nous visitons aujourd'hui le Palais Royal de Bangkok... Le ciel est gris, il fait très lourd, nous cherchons l'air et nous mêlons à l'énorme masse de touristes coréens, japonais et chinois qui ont fait le même choix que nous, justement aujourd'hui... Le lieu est vertigineux, l'immense enceinte abrite tellement de palais, temples, pagodes et petits bijoux architecturaux de toutes époques et de tous styles qu'il est difficile de s'y retrouver, chaque souverain ayant eu à coeur de construire mieux que son prédécesseur... Impossible d'obtenir une visite guidée en français, nous nous laissons donc happer par le flux incessant, au gré du brillant des statues, mosaïques et céramiques, au fil du pointu des toits, de la précision des fresques peintes, de la magnificence des Bouddhas sertis de pierres précieuses... Nous renonçons à comprendre l'usage des bâtiments, leur époque de construction, le nom de leur architecte... pour mieux apprécier l'hallucinant étalage de luxe et de raffinement, nous laisser saisir par ce déploiement baroque de dorures rutilantes si peu habituel à nos yeux d'occidentaux, l'éclat de ces couleurs, l'emphase de ces formes, la hardiesse de ces lignes... Tout cela convoque en moi, quoique de façon bien anachronique, les descriptions des Halles du Paris du XIXème siècle, sous la plume de Zola, dans "Le ventre de Paris"... Je suis grisée, ne parviens plus vraiment à savoir si j'aime ou non ce "ventre de Bangkok", ni ce qu'il m'en restera dans quelques temps, hormis l'abondance d'or et la générosité du luxe siamois...
Malgré tout, voici quelques tentatives d'apprivoisement. D’inspiration occidentale, seule une partie du palais se visite. Le roi résidant désormais au nord de Bangkok au palais Chitralada, le Grand Palais n’accueille plus que certaines cérémonies royales. Ce qu’on appelle le Grand Palais est le Chakri Maha Prasat, construit sous le règne du roi Chulalongkorn, de 1876 à 1882, par des architectes anglais, ce qui explique son style européen. On peut visiter la salle du trône Amari Vinichai où le roi fait toujours son discours d’anniversaire ainsi que le petit musée des armes.
Juste à côté se trouve le Wat Phra Kaew, dont la construction fut terminée en 1784, soit deux ans après que la capitale ait été déplacée de Thonburi à Rattanakosin. Le temple qui occupe le Nord-Est du Grand Palais est probablement l'un des sanctuaires les plus sacrés de Thaïlande.
Le Bouddha d’Emeraude : c’est à lui que le Wat Phra Kaew doit sa célébrité. La statue la plus vénérée de Thaïlande, le célèbre Bouddha d’Emeraude, a une origine difficile à retracer. Il est admis qu’elle fut trouvée dans un temple de Chiang Raï, vers 1431. Elle était alors recouverte à la feuille d’or. Plus tard, le stuc sous la feuille d’or s’effrita, et la pierre verte apparut. On prétendit ensuite que c’était une statue d’émeraude (en réalité de jaspe) et elle fut aussitôt considérée comme sacrée. Le gouverneur de Chiang Raï en parla au roi de Chiang Mai, qui désira l’obtenir. Des éléphants furent envoyés pour la rapporter, mais sur le chemin du retour, ils se dirigèrent en direction de Lampang et non vers Chiang Mai. Le roi y vit un présage divin et permit à cette ville de conserver la statue. En 1468, le nouveau roi de Chiang Mai fit venir la statue dans sa capitale. L’un de ses successeurs partit, en 1552, combattre les rebelles à Luang Prabang et emporta le Bouddha d’Emeraude avec lui. Il s’établit par la suite à Vientiane et le conserva dans cette ville. En 1778, le roi Rama Ier, alors général, prit Vientiane et ramena le Bouddha d’Emeraude à Thonburi. Après sa montée sur le trône, il fit construire le Wat Pra Kaew, qui accueillit la fameuse statue. Le Bouddha d’Emeraude mesure 75 cm de haut et 45 cm de large. Il repose sur un piédestal d’or au sommet d’un autel doré de 11 m et sous un parasol de 9 étages. Il change de vêtements selon les saisons : en été, il porte une tunique d’or émaillée, ornée de pierres précieuses ; pendant la saison des pluies, une toge de bronze émaillée de bleu ; en hiver, c’est une robe de mailles en or qui le couvre de la tête aux pieds.
La visite. Dans l’axe de la porte d’entrée, une plate-forme de marbre sert de socle au Panthéon royal. Les statues grandeur nature des huit rois y sont gardées. Le panthéon n’est ouvert qu’un jour par an, le 6 avril, jour de la commémoration de la dynastie Chakri. Derrière, se trouve la bibliothèque (mondop) où un très beau cabinet de nacre contient les manuscrits sacrés. Le plancher est recouvert de nattes d’argent. A droite, on remarque une reproduction miniature d’Angkor Wat. Enfin, aux quatre coins, se tiennent quatre statues de Bouddha, de style javanais, des XIVème et XVème siècles. Derrière la bibliothèque s’élève la flèche dorée du grand chedi Pra Si Ratana, qui fut édifiée par le roi Rama IV. Des reliques de Bouddha sont conservées à l’intérieur, d’où le respect dû à ces lieux. Les fresques du cloître racontent le Ramakien. Ce temple est gardé par des Yakças de 6 mètres de haut, armés d’une épée, au visage de différentes couleurs. Partout également, des Kinnaris et des Nagas. Enfin, les huit prang alignés sur le côté oriental, revêtus de faïence et de mosaïques, sont dédiés à La Trinité bouddhiste : le Bouddha, la Loi et la Communauté des bonzes, ainsi qu’à certains disciples dont les cendres sont conservées là. En 2013, le musée des textiles de la reine Sirikit voit le jour. Un voyage à travers le temps grâce aux robes de la reine des années 1960 à nos jours.
« Krung Thep Mahanakorn Amon Rattanakosin Mahithrayutthaya Mahadilokphop Noppharat Ratchathani Burirom Udom Ratchaniwet Mahasathan Amon Phiman Awatan Sathit Sakkathatiya Witsanukam Prasit ». Voici le nom officiel et complet de Bangkok en langue thaïe. Traduction ? « Cité des Anges, ville immortelle et magnifique, aux neuf gemmes, siège du roi et des palais magnifiques, demeure des dieux incarnés, érigée par Visvakarman selon la volonté d'Indra ». Pour faire simple, Krung Thep.
Prononcer le nom de la capitale du royaume, c’est déjà faire un voyage imaginaire, tant celle-ci évoque les rêves, fantasmes et mythes attachés à l’Asie. La Cité des Anges ne se laisse pas facilement apprivoiser. Beaucoup de voyageurs pressés ne retiendront que la pollution, les embouteillages, le tumulte… et pourtant, elle a tant de facettes à offrir au visiteur qui choisira de se laisser happer par le tourbillon. Bangkok est une ville de contrastes. Les aspects modernes inévitables d’une grande capitale coexistent avec la tradition rurale siamoise. Chaque soir, les vendeurs ambulants gagnent laborieusement leur vie à l’ombre des gratte-ciel ; les 4x4 rutilants aux vitres teintées sillonnent les avenues tandis que les long tails vrombissants filent sur les klongs des quartiers populaires. Rattanakosin, la cité historique, avec ses temples riches d’histoire et ses maisons de teck d’une autre époque, vit au rythme des monastères, non loin des centres commerciaux de Siam Square et des night-clubs de Sukhumvit. Cependant, Bangkok ne correspond pas uniquement aux clichés sordides qui ternissent son image, pas plus qu’elle ne se résume à une étape dans le parcours asiatique d’un voyageur. Elle pourrait à elle seule valoir le déplacement tant elle reflète les multiples facettes de ce vaste pays. On peut choisir un séjour économique plein de charme aux abords de Banglampoo, avec ses cantines populaires et ses marchands de rue, ou s’offrir un circuit « hype » entre hôtel « new design », boutiques de luxe, restaurants chic et bars branchés. Bangkok peut fasciner, écœurer, choquer, mais elle laisse rarement le voyageur indifférent...
Nous avons donc atteint la Cité des Anges un peu avant l'aube, après quelques heures d'un sommeil laborieux dans un bus pourtant presque neuf si on devait le comparer aux bus laos, et sur des routes d'une qualité incomparablement meilleure... Premières impressions sur le trottoir, à 4 heures du matin, il fait encore nuit et l'air nous manque déjà... A la grande déception d'Arthur, pas de tuk tuk à la gare routière, mais des taxis officiels, tous verts et jaunes, avec taximètre et personnels chargés de les orienter, les remplir... Il nous faut plus d'une heure pour atteindre le petit hôtel réservé la veille dans le quartier historique, celui des backpackers... qui n'est pourtant pas à l'autre bout de la ville ! Une traversée étrange, pour ne pas dire surréaliste. Il semble que la ville soit toujours en activité, même la nuit. Les stands de rue sont innombrables, qui jonchent les trottoirs et nous plongent dans un tourbillon effervescent de senteurs et de couleurs... et encore, nous ne passons pas par les quartiers de Chinatown et de Little India ! Les pubs, bars et autres boîtes de nuit vomissent littéralement sur le trottoir les grappes de fêtards titubants et vociférants, occidentaux et thaïs mêlés... Les filles court vêtues arpentent les trottoirs... Les fauteuils de massage, installés côte à côte à même le trottoir, ne sont jamais vides, qui accueillent les corps las pour les amener au sommeil, tandis que les filles qui tressent, celles qui tatouent, celles qui manucurent, celles qui maquillent... occupent également leur bout d'asphalte... Le camion poubelles s'ébroue entre les stands des marchands d'offrandes des pagodes, zigzague sous les portraits de la famille royale...
Il est 5 heures.... Bangkok... s'éveille...
Une fois de plus, nous sommes frappés de constater à quel point le seul passage d'une frontière nous fait changer d'univers... Nous voici dans le 16 ème pays de notre tour de la planète !! Nous quittons une capitale à taille humaine, un pays aux mille visages et à l'accueil chaleureux, aux paysages ruraux et traditions préservées... Jamais douane asiatique n'aura été aussi facile et tranquille pour nous : un bus depuis Ventiane jusqu'à Udonthany, en passant par la petite ville thaïlandaise de Nong Kaï. Un tampon de sortie du territoire lao, un autre d'entrée sur le territoire thaï, un sourire à chaque fois, et ce regard qui questionne : "all around the world !?". Des autoroutes là où l'on suivait des pistes cabossées, un bus d'une qualité incomparable, l'impression d'un pays organisé, structuré, urbanisé jusque dans ses villages, dans les rues de grands immeubles modernes au pied desquels circulent les petits vendeurs ambulants, des femmes maquillées, portant les talons aiguilles et des tenues sexy... et aux tables des cafés, des "couples mixtes", composés d'hommes occidentaux plus âgés que leur compagne thaï... c'est aussi ça, la Thaïlande.
Ces derniers jours au Loas, de belles rencontres avec des anglophones nous ont permis d'appréhender davantage la place des chinois dans l'économie et la vie sociale du pays, leur démarche néo coloniale, la prime de 100 000 dollars donnée par l'état chinois à ses ressortissants pour s'installer au Laos et y "faire du business", selon l'expression consacrée... mais sans aucun souci, semble-t-il, des retombées (sociales, environnementales, économiques...) pour le pays d'accueil... la fuite des capitaux, la déforestation, l'achat des terres, l'exploitation des locaux, l'exportation des matières premières (thé, café, cardamome) et la réimportation des produits manufacturés...
Après avoir envisagé successivement l'avion et le train, nous prenons ce soir un bus de nuit pour Bangkok. Une journée "à tuer" dans une petite ville sans grand intérêt... Une fois n'est pas coutume, nous nous engouffrons dans un centre commercial. Des néons, des enseignes lumineuses, des pubs, des marques de luxe françaises... un temple de la consommation, tel que nous les détestons ! Mais aussi l'occasion de boire un vrai café (hummm...), un green lao tea, de déguster un délicieux repas dans les nombreuses petites échoppes locales, et même de manger du chocolat ! Un monde incroyable, où, laissant à la porte les 40 degrés de la rue, nous découvrons, à côté du cinéma et du bowling... une patinoire ! Des tentations pour les enfants... Vivement Bangkok...