Il y a le temps qui passe et la vie qui joue toujours à être un peu plus loin,
Un peu ailleurs.
Il y a les autres et il y a nous.
Il y a les autres en nous et nous en eux.
Un nœud et des années.
Les années qu'il faut dénouer pour renouer.
C'est ça un projet... un peu de désir empêtré dans les rets du temps et qui un jour retrouve son chemin.
Celui de la terre.
La terre en chemin
Aller voir le monde. Simplement, comme un passager du temps.
Savourer l'être avec, l'être auprès, l'être au pendant.
Un mouvement. Voilà ce qu'il faut. Partir.
Partir comme chaque jour.
Partir autrement. Se convaincre d'en être capable à nouveau.
Se quitter. Séparer ce qui est de ce qu'il y a.
Aimer l'être plus que l'avoir. Se départir du connu sans renoncer au familier.
Il est là le mouvement. Si proche et si lointain.
Et puis, voyager.
Aller ici ou ailleurs. Toujours un peu plus loin.
Errer un peu aussi. Si d'errer ne nous fait pas peur.
Se laisser transporter à l'envie comme au hasard.
S'enfoncer dans les plis des chemins.
Alors il sera temps de rentrer.
A nouveau se blottir.
Habiter.
Au bout d'un vieux rêve...Partir. Mon cœur bruissait d'exaltations superlatives, emphatiques et lyriques...Larguer les amarres, se défaire des peaux successivement accumulées, pelures enrubannées taillées dans les souvenirs d'une vie, fétiches puissants dont la langue parle une géographie de l'intime, associant saveurs et couleurs, fragrances et sons, lumières et soleils couchants...
Oser se dépecer, saluer le fleuve et la rivière qui ondoient dans la ville aux 2 collines, celle où je suis née, celle où je reviens, toujours, celle qui a le goût des bateliers romains d'autrefois, des soyeux et des canuts, du petit peuple industrieux et des bourgeois, du bon vin de la vallée et des glaciers des Alpes.Se dépouiller de sa ville comme d'une peau, au delà de ses gloires outrageuses, de ses barricades sans vergogne, de ses chants religieux, de ses pierres antiques, de ses fraiches îles, de sa confluence métissée, des hoquets de ses rêves avortés, des tourbillons de ses soulèvements idéologiques, des cancrelats de ses peurs tapies sur les berges du fleuve, des vilénies, des turpitudes, des brasiers, des incandescences flamboyantes, des médiocrités de son âme.Au bout d'un vieux rêve...
Avorter ce qui se fomente dans les arrières cuisines des chaumières, suspendre l'entamé déjà, différer l'aboutissement de ce qui me tient, mais n'a pas commencé à être, attraper à deux mains le vent d'ouest, recueillir le jus du fruit mûr, imaginer ce qu'on vivra encore, le goût de la mangue là où elle offre sa chair au soleil, le bruit de la pluie sur le toit de palme des cabanes sur pilotis de villes dont l'histoire et la civilisation ne s'inscrivent pas dans les pierres, ne se comptent pas en siècles et en millénaires, et dont les pieds des habitants foulent, nus, la terre du sol...
Au bout d'un vieux rêve, rire de l'envol de l'albatros à la saison des larmes, et penser avec douceur à ceux dont nous connaissons la chair, et dont le souffle continue à s'égrener sous les nuages de l'autre moitié du monde. Choisir le moment, discrètement, sans trompettes ni tambours, sonder le bruissement de la chair du ciel et les égarements qui resteront à quai, au moment de lever les voiles, de gonfler l'âme, et de chanter, ô, de chanter ! Hisser les couleurs du vent, hisser l'allégresse et apprivoiser la joie avant qu'elle n'éclate en larges auréoles lumineuses !
On nous avait dit de faire attention.
On nous avait dit « mais, avec les enfants... ». On nous avait dit...
Mais on y est allé, tout de même, au Guatemala.
On y est passé. Simplement.
En faisant attention. A nous. Aux autres aussi.
Peut être qu'en faisant attention aux autres avant tout, nous faisions attention à nous.
Pendant un temps épais comme un papier velin, nous nous sommes étonnés. Étonnés de confronter nos souvenirs passés de l'insécurité à la peur présente véhiculée par l'inconnu. Étonnés de rencontrer la sérénité là où l'on nous parlait de danger.
On ne peut ignorer le passé d'un pays si l'on choisit d'y voyager. Pas plus qu'on ne peut le figer uniquement dans ce qu'il a été.
Du Guatemala il reste ces sourires spontanés en quelque endroit que ce soit, la facilité de se parler en quel que lieu que ce soit. La difficulté à s'orienter, bien sûr, mais qui vient de nous avant tout.
Il reste le plaisir de voir que nous avons réussi à ne pas rester sur les idées véhiculées.
Le plaisir de réapprendre à voyager.
Du Honduras, une trace. Un passage.
Comment retenir ceux qui passent ?
Mais ne fait-on que passer lorsque l'on va de visages en rencontres, d'odeurs en saveurs.
La chaleur, la bonne humeur.
La simplicité d'un jeu d'enfant.
Des échanges surprenants autour de la terre.
Des cafés partagés, quelques pas entamés.
Ne fait-on que passer lorsque l'échange est né ?
Le Honduras restera un peu plus qu'une trace.
Nicaragua.
Le temps s'y conjugue lentement sous le regard des mémoires de pierres.
La vie, elle, plus sûrement.
C'est sa rencontre. Mais pas de celle qui rend contre.
Une rencontre qui rend possible d'y exister. Simplement comme passionnément.
Beaucoup de mots échangés, de douceur régalées. Au-delà des yeux. Au-delà des terres.
Il en reste un goût de revenir, de découvrir, une difficulté à en partir.
Petit pays où l'on veut vivre jusqu'à mourir "si c'est possible" comme le disait un autre, en son temps.
Mais le temps passe et les temps changent comme les générations.
Et les gens restent. Ils crient, rient, mangent, pleurent, chantent, travaillent, aiment, ... ils vivent !
Et nous qui passons, nous regardons, nous essayons de saisir ce qui reste dans l'air.
Nous essayons de voir ce qui est au delà des yeux, au delà de la terre.
Bien loin de l'empire du milieu...
... se trouve un petit pays.
Le pays de la moitié.
La moitié du monde,
La moitié du souvenir,
La moitié de la liberté,
La moitié du chemin.
Mais toutes ces moitiés ne seront jamais la moitié de rien !
A un quart du voyage voilà qui fait beaucoup !
Des moitiés qui font quoi ?
Qui séparent ? Qui unissent ?
Des moitiés toutes en tiers, unifiées, adversaires.
Des moitiés toutes entières, morcelées, contrariées.
Serait-ce là ce qu'est une moitié ?
Un passage, une frontière, qui divise, qui promet et reprend.
Une épreuve du temps.
Pérou
J'ai rencontré un géant aux pieds de sable.
Coincé entre océan et forêt, effrayé,
Il ne savait plus comment avancer.
Il avait peur pour ses pieds.
Alors pour aller plus loin,
Il a levé la tête,
Regardé ses frères,
Loin dans la cordillière.
Ils lui ont rappelé les guerres
Fraticides ou vulgaires
Ils lui ont intimé de ne pas les oublier
qu'elles soient proches ou passées.
Alors j'ai entendu la peur
Qui dormait dans le coeur des gens
J'ai haï sa douleur, j'ai haï sa langueur
Et le silence des pierres est devenu mon tourment.
Le ciel s'est ouvert
Et la mer était là, au coeur du géant.
Une peau de sable retenait toute cette vie
Cachée, séchée, asséchée.
Bien loin du désert il n'y avait plus de frontière,
Il n'y avait plus de guerre.
Bolivie
Parsemé, tacheté, pommelé,
Plus près des étoiles
Un pays haut perché.
Même les glaciers y sont secs,
La neige n'y tient pas, la forêt la boit.
Un petit pays entre oubli et envie
Surveillé par ce lac, souvenir diluvien
Témoignage tectonique, berceau de culture.
Les routes traits d'union.
Et cette ville, défiant le relief
Accrochée à son peuple.
Chapeaux hurlants, drapeaux pressés,
Ils chantent la terre des sorcières, déleterre.
Il y a des déserts de sel, de ciel, de lune, d'air sans mer, de rêves sans trêves.
Il y a des taches blanches un peu partout, des rouges aussi.
Il y a des ronds, des carrés, des triangles
Colorés, animés, antiques ou synthétiques.
Il y a des sourires émaillés d'or, encerclés de colliers,
De rides, de traces invisibles.
Il y a des mains qui grattent la terre, la roche, les cordes.
Des mains qui font vibrer, qui font chanter.
Il y a la blancheur des murs, la rigueur des rues.
Il y a l'amertume des souvenirs, l'appel au passé, la peur de l'avenir.
Ils ont fait le choix du regret.
Il y a ces deux moitiés plurielles, ennemies, fatiguées, enlacées.
Incapables de se tenir par la main sans douter.
Il y a tout un peuple qui avance, qui avance, qui avance.
Chili
Une île au milieu des hommes,
Un bout de papier déchiré,
Collé, là, sur une carte.
Quelqu'un a voulu faire un pansement au bord du continent.
Un pansement sur une jambe de terre. Minière.
Un pansement sur un bras de mer.
Un pansement sur une cordillère.
Un pansement sur un grand désert.
De Sarmiento à Sepulveda
Souffle un vent doux,
Comme un Mistral
Sur une île noire.
San Pedro j'irai plus loin.
La ville des chiens.
La ville des riens.
Au milieu de naguère.
Des ciels sans fin,
Au détour d'une montagne.
Les nuages ont compris, ils sont partis.
Un air sec, pur de lumière.
Nous sommes là le nez en l'air.
Et puis l'eau,
Eau séant, océan
Partout présent
Le long d'un bout de papier
Déchiré.
C'est comme une pause au milieu d'une phrase.
Un petit bout d'idée qui permet de respirer.
Surgi de l'océan, accroché par son passé.
Une virgule entre deux eaux.
Une césure.
C'est comme un tatouage au milieu de cent rivages,
Un message laissé sur un peu d'eau, sur une peau d'eux.
Un triangle de terre à la pointe d'un triangle de mer,
Un mirage éphémère.
Une trace.
C'est comme un défi au milieu d'une vie.
Un endroit de soi qui serait inatteignable.
Une dérive que l'on ne croyait pas possible.
Et pourtant, nous y voilà.
Reposé. Déposé.
C'est comme un miracle au milieu du temps.
Un rendez vous avec l'oubli, l'imprévu.
Un surgissement au milieu de la noyade.
Une main tendue à la sauvée.
Un repos. Soulagé.
Des hommes sur une île, une île sur un océan, un océan sur le monde.
Enfermé dans l'air, la terre, la mer.
Les pensées redeviennent libres,
Défilent sous le regard du temps.
Le vent, toujours, m'aide, me dépouille du trop, du superflu.
Il souffle sur mes inutiles, mes non voulus.
Il me baigne, me caresse, me sort du monde.
C'est un je entre soi et soi.
C'est une île peuplée de solitudes qui s'entrechoquent, qui crient, qui chuchotent.
C'est un endroit qui n'existe pas pour qui n'en n'est pas.
Mais on y va, et on y laisse un peu de soi, un peu d'émoi.
Une terre d'ile archipel continent découpage d'enfant perdu au bord de l'océan déchiré recoller réparer Polynésie polyfrénie polyscénique polyscopique polycystique trésor enfoui lagun'erre dans la nuit fracassante où commencent les vagues et finit le rire de l'océan mon regard se perd de bleu et de vert des feuilles d'art éphémère deck dent chaos verdoyant coraux chatoyants quel est le chant une vie au ras de l'eau au fil du temps un atoll posé comme une étole autour d'un cou invisible qu'il essaie de protéger mais protéger quoi coco chanel canal coco rien que de l'eau qu'il sert qu'il enserre qu'il étouffe mais peut-on étouffer de l'eau l'enfermer dans son poing elle se rit s'échappe s'en fuit c'est le balai du cargo mulet affairé du faré au muelle et puis les gens d'ici ou d'ailleurs popa poli poly papa papa pâlit les gens la cueillent comme la fleur au matin lagunaire atollien îlotier îlot terre corallien corps alien de profondeur en profundis langue de sable langue de bois l'océan y est piquant il a décidé de s'hérisser se terriger se terrifier l'océan pour un moment s'est mû sous le vent du bleu surgissant est né un vert vrombissant des îles hautes dressées sous le vent font société à satiété sur un platier...
Basculer virer chavirer culbuter chanceler tomber passer se décaler perdre pieds .
Etrange sentiment que d'être perdu au milieu du connu.
Nouvelle errance ancrée .
Entre Pacifique et Tasman sea .
Chercher à nouveau ses repères.
Des repères construits de l'itinéraire.
On se perd, se reperd.
Pèrémère, terréfrère, frèrésoeur.
Perréterre, terrémère, Déméter.
Sœur y nait, seriner, se ruiner.
A perte de temps.
Qu'en est-il ? Quand nait-il ? Ce voyage.
Changer de langue avec la même bouche.
Bouche baie. Port tuèrent.
Nous voilà perdus dans les mots, meurtris dans le dit.
Cherchant, hésitant alors même que tout ce qui nous entoure nous est plus proche, familier.
Nous avons changé de sens sans bouger.
A contre poil, à rebrousse pieds.
Le temps à l'envers. Mais vers qui ? Mais vers quoi ?
C'est le père su, le regard des autres.
Ce qu'ils lisent de nos mots.
6 mois t'y es à la moitié.
De voyage en retour.
Choisir.
Partir.
Retour pour les uns.
La suite pour les miens.
Nous allons… voilà tout.
Nous avons quitté nos chemins bordés d'habitudes
Pour parler la langue de tous qui ici n'est la langue de personne.
Au son du gamelan, orchestral séquestré
Au rythme du muezzin, magistral muselé
Au soufre de la douleur
Au gouffre de la douceur.
Nous marchons parmi les offrandes
Au rythme lent du temps Indonésien.
De Gunung en Kawah
Nous ne nous arrêtons pas.
Intolérable tolérance.
Insupportable itinérance.
Nous allons par les trains, par les mains.
Nous cherchons nos mots,
Nous imitons les gestes,
Nous gestifions les sons.
Le sourire en toile de fond.
Tikki Rikki et son jardin,
Dans un train au pas d'enfer,
Nous bringueballe, nous trimballe.
Il est bien lent.
Et Mowgli dans la jungle des hommes perdu
Enfant loup, Bandar Log.
Dans sa peau de singe
Aruman mi homme mi bête nous accompagne.
Nous assistons au ballet déchainé des danseurs masqués.
Du bout de leurs mains torturées, raffinées, retournées,
Naît un geste millimétré, maîtrisé, contrôlé,
Mais il est ravageur, il emplit, il remplit.
Leur regard de feu nous brûle sur place.
Ici, le relief du temps est différent, ses plis aussi.
Nous devons nous laisser aller à l'ignorance.
Nous tourner vers l'invisible.
Apprendre l'ailleurs.
Des temples sacrés érigés de partout.
Du sacré jusqu'au cœur des secrets.
Pagodes aux toits retournés,
Mosquées sans lunes aux minarets oubliés.
Bien étrange ballet
De religions entremêlées.
D'un sécularisme au coeur laïque
D'une laïcité de sécularité.
Au son du Gamelan,
Au pas du Râmâyana,
Au chant de la prière,
A l'odeur de l'encens,
Au bruit effrayant de la ville,
Le temps s'écoule lentement,
Il martèle les idées,
Les sus et les perçus,
Le monde ne se lit plus en ce jour comme avant.
Viet-nam, namaste, Théophile, Philémon, mont perdu, dur à cuire, irréel, élagué, guest house, housse de couette, couette de lit, lilipuce, puce de bois, bois de rêve, révulsé, séculaire, air de rien, rien à faire, fer de lance, anse de mer, mère macrelle, elle m'énerve, vêtements, menthe à l'eau, eau de vie, Viet-nam, Vie-intenable.
Des toits courbés vers le ciel
Des mois tendus vers la terre
En attendant la pluie
En écoutant le riz
Et moi courbé vers la terre
Et toi tendue vers le ciel
En attendant la vie
En écoutant ton rire
Enluminés de pierres dans les étoiles
Terrassés de chaleur
A l'ombre d'un sourire sibyllin
Lentement présent
Peuple de l'eau
Chantes et ris
Mains jointes
Champs de riz
Pieds de boue
Hommes de terre
Khmers millénaires.
Je regarde passer le fleuve
tandis que le pays défile
sous mes pas immobiles.
Comme arrêté, figé.
Il vole sa couleur à la terre.
Charrie, varie, vrombit.
Fleuve sans fond ni bords.
Mékong river et Khmong silver.
Le fleuve a craché des hommes
Les hommes ont bâti des temples
Les temples ont donné des moines
Les moines ont chanté l'aumône.
Moine moinillon monilleau
De fleur d'eau rangée
En offrande orangée
Face aux touristes enragés
Je m'en vais.
Ici, la majorité vient voir les minorités.
Moinistique Bouddhaïque
A la scholastique élastique...
… touristique !
Et les minorités deviennent majoritaires.
Etalées.
Rangées par étagères
Par toutes ces visions étrangères.
Alors sous la lune assoiffée,
Je regarde passer mes pieds.
Suivons les,
Il est tant d'aller se promener.
Par cette vision d'éternité lointaine
Tandis qu'aux cœurs blessés est étrangère la haine
Et par l’œuvre du temps qui sur les hommes avance
Aux temples immémoriaux toutes les femmes dansent
Par l’amour et le désir qui fait surgir la transe
Je te salue Népal
Mon regard asséché a retrouvé ses larmes
Je me suis retourné sur ma prison sans armes
Qui d'année en année m'avait fait oublier
Que la vie et la mort n'ont besoin de pardon
Je te salue ma vie.