Jour 5 : de Syauli Bazar à Pokhara

Pas besoin de mettre le réveil : à 5h30, nous collons le nez au carreau, à l'affût de la moindre éclaircie. L'espérance est forte, mais vite déçue par la ribambelle de nuages qui bouchent l'échancrure de la montagne : le Machapuchare se fait encore désirer, il ne se donne pas comme ça... Comme pour conjurer le sort, donner du temps au ciel pour se dégager, refuser encore d'anéantir nos derniers espoirs... nous nous rendormons. Mais deux heures plus tard, tout est toujours gris et bouché... Après un petit déjeuner pris au bord de la rivière, nous décidons de laisser les enfants jouer : de gros rochers ronds bordent le tumultueux cours d'eau, parfaits pour une cabane, un bateau de pirates, un parcours acrobatique... Ils sont en pleine forme, envolée la fatigue ! Aucune raideur musculaire, aucune tension dans les épaules ou les mollets après ces milliers de marches montées et descendues... exit les sangsues... Il fait doux, ils jouent frénétiquement.

Nous n'avons que deux heures de marche pour rejoindre Birethanti, où nous repasserons par les check point du TIMS et de l'ACAP, afin de faire viser notre sortie du Sanctuaire des Annapurnas. Il y a de l'étrangeté dans le fait de reconnaître ces lieux, foulés il y a cinq jours. Nous croisons de très nombreux randonneurs, qui débutent le trek... Nous leur souhaitons plus de chance que nous ! Nous arrivons à Nayapul sous des trombes d'eau, la boucle est bouclée... Un repas chaud nous restaure, avant le trajet de retour, en voiture, jusqu’à Pokhara. Le retour à la civilisation n'est pas simple, les montagnes nous manquent, et l'air vif de l'altitude aussi... Nous trouvons qu'il y a beaucoup de monde au village, beaucoup de véhicules, de bruit, d'animation, pour ne pas dire d'agitation. Et nous nous prenons à rêver...

Nous avons énormément apprécié la compagnie attentive, chaleureuse et discrète, de Raju. Le 25 avril 2015, alors que le sol de son beau pays a tremblé, il était en montagne avec une expédition, à plus de 4 000 mètres d'altitude, et a vu passer deux avalanches, puis senti la montagne gronder et craquer durant 20 minutes, avant de constater que tout le monde était vivant, et de réaliser... 

Ensemble, nous parlons du trek du camp de base des Annapurnas. Le même début,  mais 9 à 10 jours de marche, davantage de vues panoramiques, et de froid aussi, car il grimpe à plus de 4 000 mètres... Nous avons vu de petites étoiles s'allumer dans les yeux de Raju pour nous en parler. Et les étoiles, c'est contagieux... Alors, SI nous réussissons à prolonger notre visa (qui s'arrête le 22 septembre) au bureau de l'immigration,  SI nous trouvons à louer du matériel adapté (il nous faudrait des vraies chaussures de rando, des sacs de couchage (et pas seulement des draps sacs), des doudounes, bonnets, gants, pantalons imperméables), SI la météo est clémente et SI notre budget le permet... nous repartirons peut être, pour cette téméraire aventure, un trek d'une dizaine de jours, plus loin, plus haut... Les enfants ont sauté de joie à cette perspective  !

Et du coup, nous renonçons à celle de rencontrer une déesse vivante... Oui, parce qu'à Kathmandu, ce jeudi, le 15 septembre, a lieu le festival annuel Kumari, une immense fête populaire et religieuse à laquelle nous nous rejouissions de participer, et qui concerne la déesse vivante Kumari, petite fille vénérée et glorifiée... 

Ce soir, depuis Pokhara, le bleu du ciel se laisse enfin apercevoir, par petits bouts, qui dessinent la silhouette sublime des sommets au dessus de la terrasse du Yéti Hôtel, l'Annapurna Sud, le Dhaulagiri, le Machapuchare... C'est un signe ! Nous achevons ces 5 journées de rando par la vue époustouflante que nous n'avons cessé de guetter, et envisageons notre prochain trek sous le toit du monde...