Jour 3 : de Ghorepani Poon Hill à Tadapani

4h15, les enfants sortent tout chauds de leurs sacs de couchage, et nous avons des scrupules à les tirer ainsi du sommeil, pour les jeter dans une marche athlétique dans le froid et le brouillard... En effet, de Ghorepani, un escalier de plus d'un millier de marches mène au sommet de la colline Poon Hill d’où le spectacle du soleil levant est, parait-il, sublime lorsque les premiers rayons éclairent les sommets de l’Himalaya. C’est donc à la frontale, dans la nuit noire, que nous grimpons une heure jusqu’au sommet, sans même se ménager de petites pauses pour reprendre du souffle. L’altitude, le froid et la montée bien raide ne nous permettent pas de parler. Le chemin est glissant à cause de l’humidité, la brume est très dense, nous ne distinguons rien. Petit à petit, d’autres marcheurs nous rejoignent. On n’entend que les respirations essoufflées.

 

A 3 210 mètres, nous sommes une trentaine de personnes à scruter l’horizon. Des chinois, des coréens, des japonais, des bengalis, des indiens, un couple de maltais, un belge. Nous imaginons l'afflux des 700 personnes en saison haute... La vue est complètement bouchée et opaque. Même le jour qui se lève ne permet pas de dissiper la brume épaisse. Nous avions beau savoir que c'était possible, la déception est immense. Raju ne se départit jamais de son sourire lumineux, ni de son optimisme à toute épreuve. Il comprend, il nous rassure, il nous console : si le temps se dégage, sur le chemin aujourd'hui, nous aurons la même vue...

 

Il fait très froid, les enfants grelottent, nous achetons 3 tasses de thé sucré brûlant, monté à dos d'homme, la tasse coûte plus cher que la nuit en lodge ! Un couple de coréens offre aux enfants une espèce de chaufferette, comme un bouillotte de tissu pleine d'un contenu sans doute très chimique et non recyclable, qui reste chaud 10 heures... et qui est follement agréable !

 

Beaucoup de personnes redescendent, contraintes par le temps. Certains ont encore une longue route jusque Ghandruk, d’autres font demi-tour vers Nayapul. Nous faisons partie de la poignée d'irréductibles n’ayant pas encore abandonné. Nous ne sommes pas pressés : il est encore tôt, à peine 6h30, et notre prochaine étape n’est qu’à 6h de marche, on sera rentré bien avant la nuit. Nous nous souvenons de l'ascension nocturne du mont Bromo, en Indonésie, et du plaisir de rester encore un peu, quand tout le monde est redescendu... Il fait froid décidément, et le miracle ne se produit pas. Pire : les nuages nous dégoulinent dessus, il se met à pleuvoir franchement.

Nous redescendons vers Ghorepani avec de temps en temps un petit regard en arrière, espérant apercevoir un sommet. En une demi heure, trempés de la tête aux pieds, nous atteignons notre lodge. Il est 7 heures, le poêle a été allumé, nous commandons un copieux petit déjeuner, et décidons de recoucher les enfants jusqu'à 9 heures. Avec un peu de chance, la pluie aura cessé...

 

Mais à 9 heures, le temps est toujours aussi bouché... On s'arme de courage pour enfiler nos vêtements, qui n'ont pas eu assez de temps pour sécher, et on s'enfonce dans les nuages... Raju marche sous un parapluie, cela nous paraît incongru, n'empêche, après 3 heures sous la pluie, il est plus sec que nous, avec nos vestes et ponchos !

 

La route jusqu’à Ghandruk est sans doute la plus belle du trek. Elle suit le chemin de crête et devrait nous gratifier de points de vue splendides sur l’Annapurna South. Nous sentons la présence des sommets, tout près, mais ne les verrons pas une seule fois...

 

Nous traversons de petits ponts de bois, passons sous des drapeaux de prière, croisons des troupeaux de buffles, dont un berger qui porte sur ses épaules un bébé qui dérape sur les larges dalles d'ardoise, admirons une flore variée et superbe, de frais talus fleuris de rosée... on se croirait dans les Alpes en plein mois de juillet. Il y a même des feuilles de fraises des bois, des campanules, des fleurs d'arnica... Nous goûtons de nouveau à l'avidité du baiser des sangsues, qui escaladent les chaussures pour venir nous sucer au dessus des chaussettes détrempées, ou tombent des arbres dans nos cous... Raju évoque des treks desquels il est revenu avec une trentaine de baisers sanglants, et on reparle de notre mémorable randonnée dans les Pyrénées, de laquelle nous étions revenus couverts de tiques...

 

Nous nous enfonçons ensuite dans la forêt, une forêt de rhododendrons aux troncs rouges, mais ils ne sont pas fleuris en cette saison... Le sentier jusqu’à Ban Thanti est rendu glissant par la pluie. On s’y arrête pour déjeuner (daal bhaat et pain frit tibétain) avant de nous diriger vers Tadapani.

 

On choisit une Guest House perchée sur les hauteurs du village. L'endroit est déjà rempli de randonneurs bruyants, et nous commandons notre dîner très tôt, pour faciliter l'organisation. Encore une fois, le poêle à bois rassemble les marcheurs et nous nous installons côte à côte pour partager le repas. Nous sommes nombreux ce soir, à parler toutes les langues... L'endroit est rustique, mais la douche est chaude, et la soupe nourrissante...

Quand les enfants sont couchés, à 19h30, et tandis que d'autres jouent aux cartes ou vont se coucher, nous prenons un thé au gingembre avec Raju, dont la compagnie est décidément bien agréable ! Sa curiosité pour nos vies, notre pays... est insatiable, et il ne tarit pas de détails sur son pays. Il nous prédit qu'Arthur sera peut être marathonien... Ou guide, pensons nous... Tous les guides ont été porteurs avant d'accéder au statut de guide. Il n'existe aucune école... L'anglais s'apprend sur le tas, avec les clients, les itinéraires se mémorisent à force d'expérience, et la montagne s'apprivoise... Le Népal a réellement besoin du tourisme pour vivre. La baisse de fréquentation qui suit le tremblement de terre est une difficulté supplémentaire pour le pays. Le gouvernement, pour encourager le retour des randonneurs, a sensiblement baissé le coût des permis de trekking, et assoupli ses exigences... Cependant, le salaire que nous versons à Raju, sans doute particulièrement bas du fait de la saison, et du fait que nous ne sommes pas passés par une agence, n'est que de 15 dollars journaliers, et c'est lui qui prend en charge son hébergement et ses repas... D'accord, les nuits en montagne nous reviennent à 3,20 euros pour tous les 5, mais le niveau de vie des népalais reste très bas, et nous aurions très envie d'appeler à la découverte de ce pays si beau, aux habitants si accueillants et chaleureux...

 

L'étape de demain devrait nous mener à Ghandruk en 3 heures. Selon le temps (marre de la pluie !!), la fatigue des enfants... nous y passerons la nuit, ou bien continuerons jusqu'au village suivant. Nous avons envisagé un trek de six jours, mais l'itinéraire est souple, et il n'est pas difficile de le réduire ou de le rallonger, et nous avons toute confiance en notre guide pour nous indiquer les villages qui lui semblent les plus appropriés, les points de vue les plus spectaculaires, le chemin le plus adapté aux enfants, les hébergements les plus agréables et conviviaux...

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Commentaires: 1
  • #1

    Palenquin et Tartiflette (lundi, 12 septembre 2016 12:10)

    Waouh nous nous regalons a lire vos recits de trek, encore une fois on aimerait vous rejoindre!! Nous sommes impressionnés par le courage l endurance et l enthousiasme de vos 3loulous, une fierté et des souvenirs impérissable pour eux en mémoire! Un grand bravo et plein de bisous pour monter encore plus haut!!