Trek de Ghorepani Poon Hill. Jour 1 : de Nayapul à Ulleri

Pokhara est la ville arrière d’où débutent tous les treks de cette région de l’Himalaya, dont les fameux treks du tour des Annapurnas, du sanctuaire des Annapurnas, et plus modestement le circuit Ghorepani Poon Hill – Ghandruk. A 8h vendredi, donc, après un solide petit déjeuner pris au Yéti Hôtel (oeufs au plat, curry de pommes de terre et oignons, toasts beurrés et thé népalais au lait), nous faisons la connaissance de Raju, notre guide. Il a 43 ans et la communication est très facile. Il est également père de trois enfants, mais les siens ont 21, 14 et 13 ans... Voilà 20 ans qu'il est guide, mais son travail ne lui permet de vivre que 3 mois pas an, et il doit, en dehors de la saison, travailler à la ferme, aux champs (de moutarde, riz, pommes de terre, maïs ) et avec les animaux. Il est avide de connaître notre vie en France... et les enfants sont avides de le rencontrer, ce qui nous donne l'occasion de nous rendre compte qu'ils se sont drôlement bien mis à l'anglais ! Mais les échanges viendront en chemin.

 

Pour l'heure, nous laissons nos sacs à la Guest House et grimpons dans la jeep qui nous emmène à Nayapul. Il n’y a aucune indication concernant le chemin à suivre mais les villageois que l’on rencontre au village, en nous voyant, sourient et nous indiquent la direction. Raju est attentif à nous... C’est facile, il faut descendre jusqu’à la rivière. Après avoir passé les points de contrôle du TIMS (Trekkers Information Management System) et du permis ACAP (Annapurna Conservation Area Project) à Birethanti, nous démarrons vraiment le trek.

 

Le début est très facile jusqu’à Sudame. La route est large et empruntée par des jeeps pour acheminer des denrées et du matériel aux villages proches, les suivants étant inaccessibles aux véhicules, et approvisionnés par porteurs. Nous nous dirigeons ensuite vers Tikhedungga. Une série de plus de 3500 marches remonte le flanc de la montagne de l’autre côté de la rivière Madikhola. Ça nous rappelle le trek de l'Inca, celui du Macchu Pichu... Nous croisons peu de monde. Quelques chinois, japonais, italiens... pas de grand groupe, et beaucoup de népalais. En voyant notre équipée, les sourires sont systématiques, attendris et admiratifs, et les encouragements chaleureux. Ces sourires s'élargissent encore quand les enfants saluent spontanément d'un joyeux "namasté ! " ceux là même qui nous gratifient d'un "hello !" Arthur crapahute en tête, un pas devant Raju. Il est le seul à ne pas porter de sac, et franchit les rivières en courant, revient en arrière pour observer un caillou qui brille, ramasse un bambou pour s'en faire un bâton de marche, suit un papillon qui s'éloigne du chemin, et gravit 4 à 4 les marches irrégulières du chemin. La brume accroche les sommets, après avoir délesté les flancs montagneux... Tant mieux, il fait plus frais pour marcher, car dès que le soleil perce, ça pique fort !

Nous avons 4 bouteilles d'eau minérale, et utilisons, pour la première fois du voyage, les pastilles de micropur amenées de France : enfin la pharmacie va commencer à s'alléger ! Et puis, c'est nettement plus écologique que l'usage de bouteilles en plastic, qui ne sont pas recyclées... Nous remplissons nos gourdes à la rivière, aux fontaines... et n'avons qu'une heure à attendre qu'elle devienne potable.

 

A midi, nous nous régalons de deux daal bhaat (riz blanc, soupe de lentilles, curry de pommes de terre, épinards), avant de piocher dans les raisins secs amenés. Le sentier est parsemé de lodges et restaurants, ce qui permet de s'arrêter à son rythme... En revanche, comme, d'ailleurs, dans nombre d'autres pays traversés, les paysages sublimes sont gâchés par les amoncellements de détritus dans les rivières, sur le bord des chemins... Si le concept de société de consommation n'est pas parvenu jusqu'ici, celui d'écologie non plus... Nous faisons l'expérience de l'Himalaya sali et pollué, ce que l'afflux touristique accentue...

 

Un peu plus loin, en traversant un village, nous sommes accueillis en français par le propriétaire d'un ravissant Homestay... qui a vécu à Lyon il y a 10 ans, et travaillé dans l'un des CADA (Centre D'accueil de Demandeurs d'Asile) de Forum Réfugiés !! Décidément, le monde est petit...

 

Peu avant 16h, nous sommes à notre premier point de chute, à Ulleri. Un village tout en étages, très fleuri, avec ses toits d'ardoise qui luisent, ses ânes, buffles, chèvres et poules qui animent les ruelles, et les éclats de rire des enfants qui jouent en ballon sur les étroites terrasses. Les femmes égrènent le maïs devant leur porte, ou battent le linge au ruisseau, ou cuisinent, tandis que les hommes discutent en petits groupes. En bas, dans la vallée, les rizières s'étagent. Nous sommes à 2 000 mètres, et tout ce qui constitue le village arrive ici à dos d'homme : le ciment des maisons, la tôle ondulée des toits des latrines, les cuves de récupération d'eau de pluie... Les femmes transportent des dizaines de kilos dans les dokos, ces hottes en osier soutenues par une ceinture sur le front, durant des heures, sur les sentiers de terre et de pierres... Ce qui se trouve dans les assiettes est également acheminé depuis la vallée à dos d'homme, et l'on comprend alors que le prix d'un repas soit plus élevé que celui d'une nuitée, et qu'une bière fraîche double la facture... D'autant qu'il faut ensuite évacuer les poubelles...

 

Nous suivons Raju jusqu'à Kamala Guest House, une adorable maison moins rustique que nous ne le pensions (on a même l'eau chaude !!), aux prix très attractifs en cette basse saison : 500 roupies pour 5 lits, à condition de prendre le dîner sur place, soit... 80 centimes d'euro par personne ! Ulleri compte environ 500 habitants, mais en pleine saison de trekking, ce sont plus de 700 "blancs" qui dorment ici chaque nuit, sans compter leurs guides et porteurs népalais... Suffisamment pour que les marchands tibétains se mêlent aux trekkeurs pour leur vendre leur marchandise artisanale. Ce soir, c'est désert : seuls, un belge et son guide s'assoient avec nous autour du poêle à bois de Kamala Guest House. Pourtant, une jeune femme s'installe à côté de moi, qui parle un anglais parfait. Elle est tibétaine, née au Népal. Elle a laissé son fils de 3 ans, Tensing "comme le Dalaï Lama", avec son père à Pokhara, pour marcher des heures, en espérant vendre ses bijoux. Pas de chance avec nous... Elle m'explique qu'elle n'a jamais pu aller au Tibet (nous n'en sommes pourtant qu'à quelques dizaines de kilomètres), ni rencontrer ses trois tantes maternelles, car les chinois empêchent toute communication, y compris téléphonique. Elle n'a ni le statut de réfugiée tibétaine, ni celui de citoyenne népalaise... Nous comprenons pourquoi les 4 villages tibétains autour de Pokhara ne sont pas des villages, mais des camps de réfugiés, 60 ans après l'invasion du Tibet par la Chine...

 

Un peu avant 19h, de délicieuses odeurs s'échappent de la cuisine et nous rappellent que nous mourons de faim ! Les enfants ont passé plus d'une heure à explorer seuls le village, heureux de pouvoir s'y promener sans nous... Ils nous ont épatés d'endurance et d'enthousiasme ! Très tôt et sans demander leur reste, ils vont se blottir dans leurs sacs à viande en soie ("pour une fois qu'on les sort pour avoir chaud, et alors que les draps sont propres!"), sous l'édredon moelleux. Nous nous couchons vers 21h, avec l'espoir d'un lever de soleil sur l'Annapurna Sud demain, avant une nouvelle journée de marche... et malgré le déluge qui s'abat sur le village dès la nuit tombée.

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