Tout près du ciel, l'Himalaya

Partis à l'aube, mercredi matin, il nous faudra 8 heures pour parcourir les 263 km qui séparent Kathmandu de Pokhara, à 900 mètres d'altitude. Route vertigineuse, piste à peine carrossable, creusée de profondes ornières à flanc de montagne, ravin gigantesque en contrebas, au dessus de la rivière Trishuli, qui serpente et bouillonne sous les ponts piétons suspendus, où passent buffles et yaks, d'une rive à l'autre... Nous n'avons pas pris le bus touristique mais le bus local, la différence est sans doute dans les sièges cassés, les vitres qui ne ferment pas, l'âge des amortisseurs, le mauvais état des freins, l'absence de climatisation, la musique qui hurle... mais nous n'allons pas moins vite ! La conduite est sportive, pour ne pas dire suicidaire : les bus, camions, deux roues et autres engins roulants, motorisés ou non, se doublent, tous klaxons hurlants, de préférence à droite (le volant est à droite), sans visibilité et dans les virages... Durant plus d'une heure, notre bus s'aligne, moteur éteint, dans une rangée d'autres véhicules arrêtés, et nous imaginons un éboulement, un glissement de terrain, un accident... Lorsque, de nouveau, la circulation s'écoule péniblement, le long bouchon se décongestionne, et nous voyons seulement, quelque centaines de mètres plus loin, un long pont de béton qui enjambe la tumultueuse rivière... Sur les flancs étagés de la montagne, le vert sombre des  luxuriantes forêts, celui, plus clair, tirant sur le jaune, des rizières, bordées de bananiers et papayers... Ce n'est pas l'image que nous avions des hauts plateaux himalayens du Dolpo ou du Mustang ! Mais c'est aussi le Népal... Les toits à triple étages des pagodes égayent les villages traversés, les écoliers en uniforme usent leurs semelles sur la poussière de la piste, zigzaguant entre les voitures, et nous voyons des centaines de femmes occupées à leur toilette ou à la lessive dans les fontaines ou au bord de la rivière, étalant leurs longues jupes vives sur les talus, les branches des arbres ou le toit des maisons... Une tranche de vie que ce trajet en bus !

 

A la gare routière, comme à Kathmandu, nous sommes assaillis par un essaim de rabatteurs qui ont exactement (supposément) ce qu'il nous faut à nous proposer : un taxi, un hébergement, un guide pour nos treks, un porteur... Désagréable sensation... Nous dénichons néanmoins la petite Guest House familiale dans laquelle il fait bon vivre, et qui s'appelle... Yéti Hôtel ! La ville est calme, loin du tumulte de la capitale, vivante, avec ses communautés de réfugiés tibétains installées autour du lac émeraude, et le bourdonnement de ses essaims de machines à coudre rajoutant les logos The North Face, Marmot ou Sherpa sur les articles de polaire ou de gore tex destinés à l'équipement des montagnards... Nous jouons à cache cache avec les nuages, guettons la trouée qui nous permettra d'apercevoir les mythiques sommets derrière leur épaisse ouate nuageuse... Mais la mousson n'est pas encore terminée, et comme tous les soirs, de violents orages se succèdent quelques heures durant, tonitruant tonnerre répercuté par les montagnes toutes proches, mais invisibles, tandis que le ciel se marbre des zébrures éblouissantes de violents éclairs...

 

Nous nous décidons : bien que le terrain et le niveau de marche ne l'exigent pas, nous engageons Ragu, un guide sherpa, pour nous accompagner dans ces quelques jours de marche à la rencontre des peuples et paysages du pied de l'Himalaya. Jeudi, nous ferons les démarches pour obtenir nos permis de trekker dans le Sanctuaire National des Annapurnas, et une petite mise en jambes... et vendredi, de bonne heure, ce sera le grand départ.

 

Jeudi, donc. Nous traversons le superbe Phewa Tal sur une petite barque colorée, afin d'en rejoindre la rive Ouest, que surplombe la Pagode de la Paix. Un immense stupa bouddhique entièrement blanc, érigé par l'organisation japonaise Nipponzan Myohoji pour promouvoir la paix dans le monde, se dresse au sommet de la montagne, d'où la vue panoramique est majestueuse. Des parapentes par dizaines planent au dessus du lac, juste devant la chaîne des montagnes la plus haute du monde. Si les nuages ne nous les avaient pas cachés, nous aurions pu admirer les pics himalayens, du Dhaulagiri (8 167 m) au Lamjung (6 983 m), en passant par le Machapuchare et les Annapurnas... Je veux bien croire que leur contemplation tienne quasiment de l'expérience mystique... Nous aurons quand même le bonheur d'apercevoir, alors que nous ramons au milieu du lac, le blanc étincelant d'une crête se découpant sur le gris des nuages, toute proche, vite dérobée à nos yeux émerveillés, sans que nous sachions de quelle montagne il s'agit...

 

Impossible de charger des photos de ces deux journées, et celles qui arrivent ne devraient pas non plus nous permettre de trop alimenter ces pages... Nous ferons provision de beauté avec nos yeux, et comme le Petit Prince, avec nos cœurs...

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Commentaires: 3
  • #1

    mili (jeudi, 08 septembre 2016 20:52)

    Je ne sais plus de quel pays de l'himalaya parlait Marco Polo lorsqu'il le nommait" le pays d'ou l'on tombe de la route" tant c'était la manière habituelle de mourir, mais vous n'etes pas rassurants!

  • #2

    vio (vendredi, 09 septembre 2016 08:04)

    C'est vrai que la conduite que vous décrivez est un peu flippante.. bon.. ça l'est tjs plus de loin que de près..
    Vos descriptions me font penser à certains récits des expéditions montagnardes de frison roch, ce trek sera sûrement une expérience mémorable, une de plus!
    C'est bien que vous ayez pris un guide, outre le fait qu'il vous dirige dans ces itinéraires incertains, il vous offrira sûrement une vision locale éclairante, avec connaissances et légendes à côté desquelles vous auriez pu passer, ce qui aurait été dommage!
    Sinon, les yeux et le coeur sont bien les meilleurs organes de la mémoire, déclassant n'importe quel appareil photo de pointe, alors ouvrez grand tous vos sens......
    bisous les trekkeurs!

  • #3

    Mamou (vendredi, 09 septembre 2016 11:19)

    Il est vrai que vous nous affolez un peu avec vos descriptions, mais celà en vaut la peine d'après vous. Au bout réconfort avec une halte au Yéti hôtel.
    C'est bien que vous ayez pris un guide.
    Bisous