Swayambhunath, un impressionnant monastère tibétain

Temps fort de notre tout récent séjour à Katmandou, l’excursion au temple bouddhique de Swayambhunath, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, mène au cœur d’une iconographie religieuse foisonnante. Même le séisme de 2015 n’a pu le détruire, bien que des bâtiments alentour se soient effondrés lors des secousses. Le spectacle des sculptures qui recouvrent la moindre surface, et les effluves de l’encens et des lampes à beurre flottant dans l’air rendent l’expérience exceptionnelle. L’atmosphère empreinte de spiritualité atteint son paroxysme le matin et le soir, quand les fidèles tournent rituellement autour du stupa, actionnant au passage les moulins à prières disposés à sa base. Le site offre une vue splendide sur la capitale népalaise, en particulier au coucher du soleil. Selon la légende, la vallée de Kathmandu était autrefois occupée par un lac (ce que confirment d’ailleurs les géologues) et la colline de Swayambhunath aurait “surgi d’elle-même” (swayambhu). Surnommé “Monkey Temple” (temple des Singes), cet ensemble architectural dressé au sommet d’une colline s’organise autour d’un stupa blanc resplendissant, surmonté d’un bloc cubique doré portant sur chaque face les yeux du Bouddha, symbole récurrent dans toute la vallée. On dit que l’empereur Ashoka visita l’endroit il y a plus de deux millénaires, mais les traces d’activité les plus anciennes remontent seulement à l’an 460. Au XIVème siècle, les envahisseurs moghols venus du Bengale éventrèrent le stupa à la recherche d’or. Celui-ci fut restauré et agrandi au cours des siècles qui suivirent. 

Escalier Est : monument bouddhique. Il existe deux façons de rejoindre le temple de Swayambhunath, mais l’escalier de pierre abrupt qui gravit le flanc Est de la colline offre de loin l’approche la plus spectaculaire. Le séisme de 2015 a fait quelques dégâts, mais l’escalier est à nouveau ouvert aux pèlerins et aux touristes. Construit au XVIIème siècle par le roi Pratap Malla, il est envahi d’une foule de macaques rhésus qui s’amusent à descendre en glissant le long des rampes. Après les statues du Bouddha vivement colorées au pied de la colline, les marches montent à travers une série de chaitya et de bas-reliefs. Une scène y représente la naissance du Bouddha : sa mère, Maya Devi, s’agrippe à une branche d’arbre, afin que l'esprit de celui-ci aide l'enfant à naître. À cet endroit, des astrologues tibétains lisent l’avenir. Les derniers degrés sont gardés par des paires d’animaux – Garuda, lions, éléphants, chevaux et paons – , les “véhicules” des Dhyani Bouddhas (les cinq Bouddhas de la sagesse ou de la méditation).  Une fois au sommet, le tour du stupa se fait dans le sens des aiguilles d’une montre...

Dorje (symbole de la foudre) : monument bouddhique. Au sommet de l’escalier Est trône un imposant dorje, équivalent tibétain du sanskrit vajra qui signifie “foudre”. C’est l’un des symboles centraux du bouddhisme tibétain. Il représente le pouvoir de l’Éveil, capable de détruire l’ignorance mais lui-même indestructible. Dans les rituels, il renvoie à la puissance masculine, tandis que la cloche incarne la sagesse féminine. Les animaux du calendrier tibétain ornent le piédestal qui supporte ces symboles. De part et d’autre s’élevaient autrefois les temples d’Anantapura et de Pratapura, deux gracieux sikhara (tours) de style indien également édifiés sous le règne de Pratap Malla. Hélas, le temple d’Anantapura n’a pas résisté au séisme de 2015. 

Stupa de Swayambhunath : stupa bouddhique. Au nombre des fleurons architecturaux de la vallée de Kathmandu, ce monument aux proportions harmonieuses semble l’incarnation de la perfection divine sous son dôme blanchi à la chaux et sa flèche dorée étincelante. Sur les faces du bloc cubique qui le surmonte, le regard du Bouddha embrasse la vallée aux quatre points cardinaux. Le signe en forme de point d’interrogation à l’emplacement du nez est le chiffre "ek" (un) en népali, symbole de l’unité de toute vie. Entre les deux yeux, légèrement au-dessus, le troisième œil représente la clairvoyance du Bouddha. Le site a été durement touché par le séisme de 2015, mais le stupa principal n’a subi que des dégâts mineurs. Chaque élément du stupa revêt une signification symbolique : le dôme figure ainsi la Terre, et la structure en forme de ruche à 13 niveaux qui le coiffe, les 13 étapes que l’homme doit traverser pour atteindre le nirvana. La base du stupa central est entourée d’une succession de moulins à prières que les pèlerins font tourner au cours de leur déambulation. Chaque moulin porte le mantra sacré "om mani padme hum" (“Salut au joyau dans le lotus”). Sur les fils tendus jusqu’à la flèche du stupa flottent des drapeaux de prière, où sont inscrits des mantras similaires que le vent transporte vers le ciel. Sur des socles ornementés se dressent des statues des Dhyani Bouddhas – Vairocana, Ratnasambhava, Amitabha, Amocha Siddhi (Amoghasiddhi) et Aksobhya – et de leurs shakti (leur pendant féminin). Ces divinités incarnent les cinq vertus de la sagesse bouddhique. 

Plate-forme du stupa : monument bouddhique. Le grand stupa s’inscrit au milieu d’une profusion d’autres monuments religieux. Derrière le stupa, on trouve un petit musée de la statuaire bouddhique, mais l’école kagyu adjacente, Dongak Chöling gompa, a été très endommagée par le séisme de 2015. Au nord du path, le temple de Hariti (Ajima), aux allures de pagode dorée, renferme une superbe représentation de la déesse qui protège de la variole. Également déesse de la Fertilité, l’Hariti hindoue, que les Newar nomment Ajima, témoigne de la constante imbrication entre hindouisme et bouddhisme au Népal. Sur la façade Ouest du stupa, deux représentations de la déesse Tara, attachées à des colonnes de pierre. Il existe en fait deux Tara, la Tara verte et la Tara blanche, considérées comme les épouses chinoise et népalaise du roi Songtsen Gampo, le premier souverain protecteur du bouddhisme au Tibet. Les Tara sont également des shakti des Dhyani Bouddhas. Le haut d’une des colonnes s’est effondré avec le séisme. Tout près, brûle, à l’abri d’une cage, une flamme perpétuelle. Elle était gardée par des figures de bronze des déesses de la Jamuna et du Gange, mais celles-ci ont été perdues lors du séisme. Au Nord-Ouest s’étend un ensemble de chaitya, à l’arrière duquel on peut admirer une statue noire et lisse du VIIème siècle représentant Dipankara, “celui qui apporte la lumière”, l’un des “Bouddhas du Passé” qui ont atteint l’Éveil avant l’époque de Siddhartha Gautama, le Bouddha historique. Le chaitya noir surmontant un yoni montre clairement le mélange des symboliques bouddhique et hindoue. En revenant dans le coin nord-est de l’ensemble, on atteint l’emplacement occupé naguère par le temple bouddhique de Shree Karmaraja Mahavihar. Celui-ci, devenu dangereux après le séisme, fut soigneusement démoli après une cérémonie de propitiation, mais les fidèles espérent en élever un jour un nouveau dans ce lieu. Les symboles des quatre éléments jalonnent le sommet de la colline, mais certains ont été endommagés lors du séisme. Derrière les ruines du temple d’Anantapura, on trouve un sanctuaire dédié à Vasupura, le symbole de la terre, et un autre à Vayupura, celui de l’air, près des ruines d’un stupa blanchi à la chaux. La pièce d’eau vaseuse au nord du stupa représente Nagpura, le symbole de l’eau, tandis qu’Agnipura, le symbole du feu, figure sous la forme d’un dieu à face rouge sur un bloc de marbre, du côté nord-ouest de la plate-forme. Shantipura, le symbole du ciel, se trouve au nord de la plate-forme, devant le monument de Shantipura, endommagé. À proximité se tiennent les statues d’un Bouddha jaune et d’un Avalokiteshvara (Bouddha de la Compassion) à quatre bras. 

Stupa Ouest : stupa bouddhique. En suivant l’un des sentiers partant du stupa principal vers l’Ouest, on atteint un stupa plus petit. Juste derrière se dressent un gompa entouré de gîtes pour pèlerins et un important sanctuaire dédié à Saraswati, la déesse du Savoir. Les écoliers viennent ici durant Basanta Panchami, la fête du Savoir, de même que les étudiants en période d’examens, afin d’accroître leurs chances.

De ce lieu habité et puissant, qu'auront retenu les enfants ? Les sons, les odeurs, (une vraie expérience sensorielle !) la vue magnifique sous le soleil, l'architecture, les cérémonies d'offrandes et psalmodies des pèlerins, les moulins à prières et drapeaux multicolores, les macaques bien sûr, chippant leurs glaces aux moins attentifs, les parties de loup sur l'esplanade entre les statues multiséculaires, les tibétains qui leur tâtent les joues et les prennent en photo au pied de l'Himalaya, la dent tombée de Salomé... C'est cette capacité qu'ils ont de vivre avec intensité et fraîcheur, s'absorbant dans leurs jeux ou réflexions sur les sites historiques comme sur les tas de détritus des bidonvilles que nous traversons, s'émerveillant tout autant des joyaux architecturaux que des tressages de roseaux des gamins de la rue, qui nous émeut, et qui nous meut...

Nous avons terminé la journée dans un restaurant de la caste newar, une vieille maison de bois et de brique pleine de cachet, où nous avons régalé à la fois nos papilles et nos pupilles, avec un spectacle de danses des hauts plateaux himalayens au rythme enlevé. Le repas newar compte une demi-douzaine de plats comprenant des momo en entrée, sortes de raviolis de légumes, de poulet, ou de buffle d'eau (la vache étant sacrée, on mange du buffle, ou du yak) puis des mets tels que l’alu tareko (pommes de terre frites au cumin et curcuma), le bandhel (sanglier), le poulet sekuwa (grillé ou fumé), l’alu tama kho jhol (ragoût de pousses de bambou), le gundruk (soupe aigre aux légumes secs), le kwati, soupe composée d'une dizaine de sortes de graines germées, et le yaourt au lait de yak, avant de finir par un shikarni (yaourt doux aux fruits secs et à la cannelle), un thé masala et une "eau de feu" népalaise, eau de vie fruitée distillée à base d'alcool de riz, servie dans de petites coupelles de terre depuis une théière de cuivre au long col. 

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Commentaires: 3
  • #1

    mili (samedi, 27 août 2016 20:47)

    Suite ?
    emouvant, passionant! Merci

  • #2

    Mamou (dimanche, 28 août 2016 18:26)

    on s'y croirait avec ces descriptions, attention aux singes voleurs et aux indigestions avec toutes ces bonnes choses, il ne manque que des photos des danseurs
    bisous

  • #3

    Clément (vendredi, 17 novembre 2017 14:27)

    Bonjour, j'ai une petite question. Pourquoi les iconographies du bouddha n'ont pas de bouches? J'ai entendu dire que, vu sont savoir, il n'avait pas à poser de questions, mais j'arrive pas à retrouver cette infos.