Grise mine au pays du sourire

Saviez-vous que l'Institut Royal Thaïlandais avait édité un manuel officiel du sourire, dans lequel 18 sourires différents sont répertoriés ?! Sourire d'acquiescement, de générosité, d'incompréhension, de remerciement, de provocation, de honte, de joie... autant de langages complexes à déchiffrer, quand il n'est pas possible de se comprendre avec les mots...

Pour nous, aujourd'hui, c'est plutôt... rire jaune ! Pleins d'élan, nous avions décidé de renverser la vapeur, et de nous rendre au Palais Vimanmek Mansion, le plus grand palais de teck (de la meilleure qualité, soit "teck d'or", et non "teck bouse de buffle" !) au monde, construit par le roi Rama V en 1902... Nous traversons toute la ville sous une chaleur accablante... pas de chance, personne ne nous avait prévenus qu'il était fermé, pour cause de restauration !

Nous choisissons alors de nous rendre à la salle du trône Ananda Samakhom, toute proche, située dans un imposant bâtiment de style italien, inspiré par l'architecture de la Renaissance, et réalisé par l'architecte italien Mario Tamagno. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il tranche avec les autres temples et monuments de la ville par son aspect occidental ! Construit au début du XXème siècle à la demande de Rama V pour recevoir des dignitaires étrangers, il ne sera achevé qu'après sa mort, sous le règne de Rama VI, en 1915. A l'intérieur, en plus de la salle du trône, se trouve un musée d'artisanat thaïlandais. Devant le palais, une imposante place impressionne par sa démesure et le vide qu'elle crée. Elle abrite en son centre une sculpture équestre de Rama V, en bronze, qui fut construite à Paris en 1907 par George Ernest Saulo, Rama V s'étant déplacé en France pour poser. Néanmoins, nous sommes découragés par l'affluence de visiteurs, et devant les dizaines de cars déversant des milliers de coréens, japonais et chinois se pressant avec leurs appareils photos, nous renonçons à la visite, nous contentant d'admirer le beau jardin, la pagode qui s'y dresse fièrement, la place et la statue autour...

Sur le trajet du retour, au milieu d'un rond-point, nous admirons le Monument de l'Indépendance, imposante œuvre conçue par un sculpteur italien en 1939 pour symboliser la révolution qui marqua le passage d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. Chacune des 4 ailes mesure 24 mètres de haut pour rappeler la date du 24 juin, et les 75 canons, l’année 2475 (1932 dans notre calendrier).

Plus loin encore, nous longeons Phra Sumeru, forteresse construite sous le règne de Rama Ier, seul et dernier exemple des fortifications qui avaient été construites à Bangkok, et dont le total s'élevait à 14. La construction a nécessité près de 5 000 personnes. Entièrement rénové, le fort présente sa massive et imposante stature octogonale au cœur du centre historique, non loin de la rivière Chao Phraya. Le soir, le bâtiment est bien éclairé.

Mais nous avons épuisé nos dernières forces dans cette ville démesurée, et les enfants réclament de rentrer pour lire, jouer aux playmobils et... ne rien faire...

Nous avions le projet d'explorer la région montagneuse de Chiang Maï, aux confins de la frontière birmane, pour y faire des randonnées dans les jungles et les villages, à la rencontre des ethnies des "femmes girafes"... Mais la mousson a eu raison de nos désirs, elle nous a peut-être aussi rendus raisonnables... elle a raviné la terre, éboulé les routes, coupé les accès possibles, gonflé les rivières, dévalé les pentes en larges de coulées de boue...

Nous avions hésité à nous rendre dans la province de Kanchanaburi, pour y rencontrer les derniers éléphants, rhinocéros ("rhinoféroces" dirait Arthur) et tigres en liberté, et peut-être continuer jusqu'au pont de la rivière Kwai, rendu célèbre en 1957 par le film éponyme de David Lean, pourtant tourné au Sri Lanka, et qui présente une version édulcorée des conditions de détention des prisonniers dans les camps japonais durant la seconde guerre mondiale, lors de la construction de la voie de chemin de fer reliant Bangkok à Rangoon... A ce sujet, plutôt lire le roman de l'écrivain français Pierre Boulle ! Ou alors, plus proche, à seulement 76 km au nord de Bangkok, nous voulions connaître Ayutthaya, prestigieuse cité héritière d'un passé glorieux, classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO...

Nous avions aussi pensé profiter du dernier pays de notre tour du globe où il nous serait possible d'accéder à la mer pour goûter aux eaux turquoises et cristallines du golfe de Thaïlande, ou de la mer d'Andaman, réputées si belles... Mais nous voulions également fuir les lieux de villégiature aussi connus que Pattaya (sur le golfe) ou Phuket (sur la mer), aux si tristes évocations d'industrie du tourisme et du sexe... Et la mousson n'épargne pas les sublimes paysages maritimes du sud...

Alors, finalement, renonçant même à persévérer dans la découverte de cette capitale vibrante, faisant le constat que nous avons raté notre rencontre avec la Thaïlande, son apprivoisement, le moment ou se révèle notre intérêt mutuel, nous préférons fuir... Avec un peu d'avance sur ce que nous avions imaginé, nous nous envolerons demain soir pour le Népal.