Partout dans le monde, nous les avons croisés, ces hommes et ces femmes courbés aux champs, hâtivement protégés de la pluie ou du soleil, à s'échiner pour tirer du ventre de la terre de quoi se nourrir, de quoi survivre, le visage terreux, le regard terreux sous le chapeau conique... Partout, nos pas ont croisé leurs pas, leurs dos ronds, leurs épaules voûtées, leurs yeux rivés au sol, lents et attentifs. La lenteur de la terre. L'odeur de la terre. Des gestes de terre. Des gestes du terroir. Corps pétris de boue et de glaise. En Equateur, ce sont les hommes de maïs, dont parle si joliment Henri Michaux... De maïs, mais aussi de fèves, de pommes de terre, de quinoa, d'oignons... Ici, les hommes sont de riz. De boue et de riz. Debout et de rires. Nous les avons vus après la mousson, cette pluie si particulière, dense et pleine, dans la boue jusqu'en haut des jambes, arracher à la volée les plançons de riz par poignées, éclaircir les tendres rangées, puis former les bottes, racines jaunes et têtes vertes, toujours le même geste, le bras qui enlace les jeunes pousses, les ligote, empile les bottes... A côté, la peau sombre zébrée de boue séchée plus claire, un homme pousse un petit motoculteur manuel, les deux bras hauts levés, chaque pied luttant alternativement pour s'extirper du sol en eau, guidant la machine pour le labour, traçant des sillons sous l'eau, aquatiques, submergés, que les femmes et les enfants parcoureront à leur tour pour y repiquer les jeunes plants éclaircis, d'un geste vif ... Beauté du soleil couchant dans le reflet parfait de la rizière inondée... Poésie de ces paysages, comme autant d'estampes venues alimenter nos rêves d'occidentaux sur l'Asie... Têtes de buffles dépassant à peine de la boue, à peine plus sombres, plus grises que la terre marron... Puissance de la mousson salvatrice et dévastatrice... Sous l'ardent soleil qui brûle, incandescent, comme sous la pluie violente qui tambourine et érode, l'homme et la femme ici font le dos rond pour saluer le riz...
Le long du Mékong, qui attise puissamment mon imaginaire, tout d'alluvions et de terre charriée, nous avons vu défiler les kilomètres au gré de nos vélos, au coeur des rizières plantées de maisons sur pilotis, au rythme des pirogues et du lent balancement des hamacs, au son des grenouilles et des rapides bouillonnants, au pas chaloupé des ponts de bambou suspendu...
Khop chai laï laï (merci beaucoup) laotiens, pour tant de beauté et de douceur, pour tant de terre et d'eau...
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Jeanleo (jeudi, 28 juillet 2016 06:37)
Merci pour ce superbe texte magnifiant le travail des hommes, femmes et enfants. Belle continuation à vous tous.
Mamou (jeudi, 28 juillet 2016 10:44)
quelles belles descriptions pour nous faire comprendre le travail de ces hommes et ces femmes.
Toute leur vie tourne autour du riz, source de vie.
bisous