On a fui...
1h30 d'un train type TER nous a permis d'arriver à Bogor, ville de 700 000 habitants située à 60 km au sud de Jakarta et à 290 m d’altitude, au pied du mont Salak. Elle est célèbre pour ses pluies et son jardin botanique... ainsi que pour la densité extrême de sa circulation automobile ! Au XVIII ème siècle, Batavia, capitale des Indes néerlandaises, est une ville à l’image d’Amsterdam avec ses canaux et ses maisons à pignon. Mais cette architecture se révèle totalement inadaptée à la vie sous les tropiques. Les canaux, avec leurs eaux stagnantes, provoquent la multiplication des moustiques, vecteurs de maladies mortelles. L’insalubrité favorise aussi la propagation d’épidémies. Beaucoup ont alors préféré abandonner la cité mortifère pour chercher refuge sur les hauteurs, sur les pentes des volcans, ou d’autres lieux au climat plus proche de celui de la mère-patrie, bénéficiant d’une saine situation dominante : pluie, douceur de l’air et charme de la nature.
Et c'est vrai que le premier contact avec le coeur de la ville fait froid dans le dos. Grandeur et décadence... Les rats fuient sous nos pas le long de la rivière encaissée aux rives de laquelle s'accrochent les maisons de tôle, de parpaings et de cartons des bidonvilles, les ordures s'entassent partout,comme nous ne l'avions plus vu depuis l'Amérique latine... Et l'offre d'hébergement oscille entre chambres bon marché franchement insalubres et glauques, et anciens palaces décatis ahurissants... Il y a l'espace, les volumes, le reste du luxe d'antan, les superbes carrelages au sol et vitraux aux plafonds, les moulures et les lustres à pendeloques hollandais, les faiences et les porcelaines... mais aussi l'absence d'entretien, la moisissure, l'humidité, les blattes sous le lit, les taches sur les murs, le plafond qui s'émiette. Ce soir, nous sommes seuls dans notre immense palais d'antan, les voix des enfants résonnent dans les couloirs vides, autour de la piscine blême, rebondissent sur des nappes qui furent blanches... Les enfants sont aux anges, ravis de leur vie de sultans, le luxe c'est les petits savons dans la salle de bain, ils ne perçoivent pas notre malaise, ni le pathétique de ces lieux qui furent rutilants...
En 1745, le gouverneur général des Indes néerlandaises, le baron Gustaaf Willem Van Inhoff, part en escapade en pleine forêt à la recherche de vestiges archéologiques des mythiques princes sundanais du royaume de Pajajaran. Il parvint à un endroit très apaisant, à 60 km au sud de la capitale, en pays Sunda (Java ouest), sur les pentes du volcan Gunung Pangrango. C’est le coup de foudre et persuadé qu’il se trouve dans le berceau même de la ville mythique, il décide de s’y installer. Une nouvelle cité est née : Buitenzorg, ce qui signifie en néerlandais « Sans souci » ou plutôt « Hors du souci ». Il fait construire en pleine nature un palais de 10 000 m² pour y accueillir l’ensemble du corps administratif en charge de la gestion des Indes néerlandaises. Peu à peu, la forêt est domestiquée à la hollandaise, manière de reconstituer un univers familier, aux confins maritimes de la nation. Un jardin d’abord modeste apparut aux alentours, refuge doté de fortifications naturelles. Ce qui n’était au départ qu’un passe-temps horticole, devint en quelques années une entreprise industrielle. L’histoire du jardin botanique de Buitenzorg débute le 18 mai 1817 sous l’impulsion du directeur de l’agriculture, des arts et des sciences, Casper Georg Carl Reinwardt (1773-1854). Ce botaniste de renom est parvenu à faire du jardin un grand laboratoire naturel afin de permettre l’introduction, l’expansion et l’exploitation de plantes tropicales utiles, dans les trois grands domaines de l’alimentation, de la médecine et de la productivité.
Après l’indépendance de l’Indonésie, la ville de Buitenzorg a changé de nom : elle s’appelle désormais Bogor. Son jardin, l’un des plus beaux d’Asie du Sud-Est, est connu dans le monde entier par les botanistes. Il n’y a pas eu, depuis le départ des Néerlandais, de changement fondamental dans l’orientation de l’Institut et son école d’agriculture est parvenue à préserver sa renommée. C’est toujours un lieu de loisirs, de promenade, de méditation et l’intérêt des indonésiens ne fléchit pas : on vient en foule le dimanche pour pique-niquer en famille, admirer les beaux fruits et s’enivrer des bois odorants et des essences aromatiques. Ce grand parc de 87 ha abrite plus de 15 000 espèces d’arbres et plus de 5 000 variétés d’orchidées. Restée fidèle à sa vocation, Bogor compte aujourd’hui pas moins de 17 instituts de recherche botanique. Istana Bogor, le Palais présidentiel, était la résidence des gouverneurs généraux hollandais. Il renferme aujourd’hui les collections d’art de Sukarno qui aimait beaucoup s’y reposer. Certains vous diront qu’on aperçoit parfois le fantôme de l’ancien président se promenant dans sa Rolls ! Le musée zoologique ne semble pas avoir bougé depuis le départ des Hollandais en 1949. Les collections sont composées d’animaux empaillés et d’un squelette gigantesque d’une baleine qui s’est échouée sur les côtes javanaises. Le cimetière hindou du conseiller du prince sundanais du Pajajaran est un lieu de pèlerinage et de prière. On n’a jamais retrouvé son corps et il n’a jamais été enterré. Au milieu de rochers sur un talus, vous pourrez également admirer une statue hindoue de la vache Nandi probablement vieille de 600 ans.
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vio (mardi, 21 juin 2016 07:57)
Oui j'ai vu tout ça sur internet, enfin j'ai eu 1 aperçu qui mérite un complément de photos et d'impressions vécues! Ce poumon vert va vous changer du vrombissement de jakarta.. Alors respirez, dessinez, admirez, et préparez bien vos "jambettes" (dixit salomé) pcq ce jardin a l'air immense. Nous ici on respire aussi, la nature est belle en ce 1er jour d'été mais on en a marre de notre mousson.. Heureusement que vos nouvelles sont des rayons de soleil!
bisous fois 5