Un ramadhan javanais

On avait pourtant bien demandé, si aujourd'hui, premier jour du ramadhan, il y avait quelque manifestation particulière... Mais les indonésiens, quand ils ne comprennent pas une question, ne le disent jamais, pas plus qu'ils ne répondent non... Avec un grand sourire, c'est toujours la même réponse : "yes ma'ame !" Bon, cet événement religieux correspondant avec le premier jour des grandes vacances scolaires, nous avions déjà eu un mal fou à trouver un hôtel, car Jogya est prise d'assaut par tous les vacanciers... Qu'à cela ne tienne, nous dirigeons nos pas, ce matin, vers Kraton, le quartier où se trouve le palais du sultan. On s'aperçoit bien vite qu'on a du mal à s'orienter dans cette ville foisonnante, trépidante, où personne ne semble marcher plus de quelques centaines de mètres : même pour les courtes distances, tout le monde se déplace en cyclopousse. Tous les indonésiens ne parlent pas anglais, et les renseignements qu'on nous donne sont systématiquement contradictoires. Bref, nous parvenons tout de même, à pied et sous une chaleur harassante, jusqu'au palais... fermé, pour cause de ramadan. Il faudra revenir... L'atmosphère du quartier que nous arpentons est étrange, surréaliste. Un quartier hindou peuplé de musulmans, un quartier touristique sans touristes, où tout semble en suspend, et où nos codes occidentaux ne nous permettent pas de palper ceux d'ici. Bien souvent, nous ne savons pas si un bâtiment, civil ou religieux, est privé ou public... avons la sensation de pénétrer chez des particuliers en entrant dans un temple, une cour ou un jardin... et de fait, l'urbanisation est très différente de la nôtre, les espaces semblent s'interpénétrer... Des hommes boivent le thé en fumant et jouant aux échecs, les poules montent sur les motos ou les étendages, l'ambiance est nonchalante. Nous mangeons une soupe de riz et viande de buffle en buvant du thé au gingembre et à la fleur d'hibiscus.

Marionnettes de Java et petit théâtre d'ombres

Et puis, au coin d'une rue, le panneau d'un atelier de fabricant de marionnettes. Nous longeons une enfilade de courettes, avant d'arriver sur le seuil d'une maison où nous sommes accueillis... en français. Les explications sur la symbolique des formes, matières et couleurs de ces véritables oeuvres d'art sont passionnantes, qui touchent à la philosophie et à la cosmogonie animiste, et les enfants s'exercent à manier le poinçon sur la peau de buffle pendant que nous admirons les artisans taillant, gravant, poinçonnant, peignant... donnant vie à ces marionnettes, puis les manipulant, en ombres dites chinoises, derrière un paravent éclairé. Une petite salle attenante nous permet d'explorer aussi les marionnettes de bois et batik, articulées, ainsi que les superbes masques de bois coloré... Une visite haute en couleurs, et passionnante.

Pasar Burung, le marché aux animaux

S'il est un lieu étrange entre tous pour nos yeux, nos oreilles et nos narines d'occidentaux, c'est bien le marché aux oiseaux de Pasar Ngasem. Nous y déambulons parmi des centaines de cages suspendues, où piaillent des milliers d'oiseaux de toutes sortes, tourterelles et pigeons de compétition, poussins teints en vert, rose ou violet, chouettes, hiboux, canaris, poules et coqs, oiseaux minuscules, pas plus gros que le plus petit des colibris, et toutes sortes de volatiles inconnus. Mais aussi serpents, lézards verts ou oranges, chiens, chats, lapins, écureuils, hamsters, poissons, tortues, civettes, mangoustes, loutres... Nous voyons un écureuil volant, une multitude de petits rongeurs ou mammifères que nous n'identifions pas... Sur des plateaux tressés, dans des caisses de roseau ou des paniers de bambou, des myriades d'asticots, des grouillements de fourmis, des volées de criquets et de gros vers annelés se tortillent, attendant d'être becquetés. Pas de touristes en ce marché à nul autre pareil, ce sont les locaux qui agitent les cages suspendues, les bocaux et aquariums de ce petit monde étrange, bruyant et odorant. Les enfants adorent, et nous... ne savons trop que penser !