Les yeux plus gros que le monde

Pour une fois, les images auraient pu se passer de commentaires... Les mots parlent si mal de ce que nous vivons ! Et les enfants trouvent que je prends trop de photos ! Pourtant, le nombre de scènes de rue, de visages croisés, de lumières qui me donneraient envie de sortir l'appareil... Mais je ne résiste pas au plaisir, ce soir, de prendre encore la plume. J'écris au soleil couchant, au son du muezzin et des poulets qui passent dans la rue, des scooters et des rires d'enfants... Pourtant, rien de particulier aujourd'hui, c'est même une journée comme on en a peu vécu, tant elle a été calme. La seule sortie, pour Ludo, aura été de se rendre, en moto, sans casque mais en tongues, à la gare ferrovière, afin d'acheter les billets pour notre trajet de demain. Nous nous réjouissons d'expérimenter ce nouveau moyen de transport, sans doute différent des trains pris au Pérou ou en Australie ! Mais il faut remplir un formulaire pour chaque voyageur, sortir les passeports, attendre que soit imprimé, à la machine (pas d'informatique), un billet sur du papier à cigarette, perforé des deux côtés... la notion du temps n'est pas la même que chez nous, et personne ici ne s'offusquerait, ne s'énerverait pour quelque chose d'aussi peu important que quelques minutes... ou heures d'attente... tout le monde garde le sourire, il fait plus de 40 degrés, l'important est ailleurs... les indonésiens vivent en harmonie avec la nature, et entre eux... Journée, donc, un peu à vide : une étape sur le chemin de ce volcan que nous emprunterons cette nuit. Le jeu de coucou avec un groupe de fillettes sortant de l'école, et qui viennent, en nous voyant jouer dehors, s'agripper au portail de notre petite guest house avec des "hello, what's your name ?" ravis, la tentative de conversation avec la vieille femme qui tire un mouton au bout de sa corde, et avec la jeune fille qui fait sécher cacahuètes, noix de coco et riz sur le pas de sa porte, le paysan qui caresse la joue d'Arthur en riant des formes de leurs chapeaux respectifs, avant de nous demander une photo... Rencontres fortuites, éphémères, cocasses parfois du fait de la difficulté de communication, touchantes, authentiques... Tous ces portraits de javanais, tandis qu'eux rient de nous voir nous étonner de tout... Ici, pas de Mc Do, mais chaque paysan qui travaille aux champs, courbé en deux dans la rizière sous un soleil harassant, sort de la poche de son sarong un téléphone portable, et le statut de la photo s'en trouve changé... A midi, ce sont 2 hommes qui nous demandent l'autorisation de nous tirer le portrait, dans ce petit boui boui où nous nous asseyons sous une bâche, au bord du trottoir, pour manger la soupe de nouilles avec une patte de poulet qui trempe... Cette journée résonne fort avec les images de l'Asie que nous pouvions avoir, le sourire, l'accueil inconditionnel, la chaleur dans le dénuement... On se déchausse pour entrer dans les maisons, mais aussi dans les magasins, dans les restaurants... Les enfants s'étonnent, nous interrogent du regard avant d'accepter une photo, la caresse d'une joue, une main posée sur l'épaule ou sur la tête... Leur présence nous ouvre des portes, suscite regards attendris, amusés ou surpris. Ils nous demandent l'autorisation de faire des commentaires en français, n'aiment ce qu'ils mangent qu'au bout de la 2ème, la 3ème fois, se désolent de ne pouvoir se faire plus facilement des copains, et continuent aussi de rêver à notre retour à Brindas... ils questionnent les aspects religieux de la vie quotidienne, les us et coutumes, la langue aussi, et supportent que nous ayons réponse à si peu de choses... Ils sont impatients, excités, et un peu inquiets aussi à la perspective de l'ascension de cette nuit. La plupart des tours partent de nuit pour profiter de la vue magique des flammes bleues produites par les émanations de soufre au contact de l'air, mais vu l'état de fatigue des troupes et la potentielle dangerosité de ce cratère, nous avons choisi de renoncer à la vue extraordinaire de ces langues bleues sorties du ventre de la terre, et de partir plus tard, à 3 heures, pour simplement assister au lever du soleil au sommet du volcan, puis observer le dur travail des mineurs de soufre... Potosi nous aura préparés !

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