Machala, tout n'a pas changé...
On règle la clim de notre chambre d'hôtel sur 27 degrés, et on respire enfin, il fait frais par rapport à la rue, on a dû perdre 10 degrés. Notre visa pour l'Équateur se termine à la fin du mois, on voulait profiter des derniers jours pour revenir au bord de l'océan, sortir des sentiers battus, et découvrir avec les schtroumphs des endroits que nous n'avions pas encore eu l'occasion de visiter... A Machala, on vient de faire un bond dans le temps. De retrouver le pays que nous avions quitté en 2001. Comme oublié de tous les changements, non concerné par le progrès, en marge de cette révolution citoyenne engagée par Rafael Correa. Un pays où la pauvreté s'affiche, où la saleté est terrible, les odeurs écoeurantes. Personne pour nous renseigner, c'est nous, semble-t-il, qui apprenons aux locaux l'existence de cette île de Santa Clara que nous souhaitons visiter. Aucune institution fiable. Aucun étranger, nous attirons les regards, et la bienveillance habituelle semble s'être évanouie. Même, nous sentons peser les regards, nous sommes dévisagés, jaugés. Les musées de la Casa de la Cultura ne sont pas accessibles, ou s'avèrent de simples pièces où s'entassent pêle mêle des fragments de poteries, sans étiquetage ni indication aucune. Tout est lent, long et compliqué. Nous retrouvons les administrations équatoriennes ! 40 minutes ce matin pour poster une lettre à Quito... Et moi qui avais apprécié l'accessibilité accrue des services, le développement des boîtes aux lettres en ville (avant, on ne pouvait poster de courrier que depuis le poste), et la rationnalisation des services publics ! D'abord, la poste ne vend pas d'enveloppes. Après avoir longuement fait la queue au guichet, il faut ressortir acheter une enveloppe à l'unité dans l'une des petites tiendas voisines, puis de nouveau faire la queue, qui a eu le temps de se reformer, bien plus longue. Quand mon tour arrive enfin, la guichetière m'informe qu'elle doit vérifier le contenu de ma lettre, et sort la carte sim du téléphone que j'envoie à Nancy, ma facture... 5 minutes. Puis elle me demande de compléter l'écriture, sur l'enveloppe, en ajoutant à l'adresse du destinataire, celle de l'expéditeur. .. Quand je lui fais remarquer que je ne réside pas en Equateur, elle insiste jusqu'à ce que j'inscrive mon nom dans le coin gauche de l'enveloppe, avant de me demander 3,50 dollars... Et quand j'objecte que c'est plus que le tarif pour un timbre pour l'Europe, déjà excessif à 3 dollars, il lui faut 5 nouvelles minutes de conciliabule avec sa collègue pour me concéder que finalement, un timbre à 1,50 dollar devrait suffire pour Quito. Vient alors l'épreuve de l'identité : elle me demande mon passeport, que je n'ai pas sur moi, refuse de me vendre ce timbre sans pouvoir m'identifier.... Puis, à force d'argumenter, me le sort, et... entreprend de m'établir une facture !!! A bout de patience, je lui dis que je n'ai pas besoin de facture, et que louper mon bus parce que j'ai fait la queue 40 minutes à la poste, ça ne m'aide pas à me faire une bonne représentation de son pays ! Quand les institutions se structurent, les laissés pour compte, eux mêmes destructurés, ne s'y retrouvent pas, et s'effondrent... Ainsi cet homme qui nous raconte, sur un banc public de la place centrale, et tandis que les enfants jouent avec les iguanes, avoir vendu tout ce qu'il possédait il y a 10 ans, pour émigrer en famille vers l'Italie.. Une fois sur place, il se rend compte d'une irrégularité dans ses papiers quand il est reconduit à la frontière... Il n'a plus jamais revu sa femme et ses filles, lesquelles se sont mariées en Italie... Et lui n'a jamais retrouvé ici son travail de chauffeur de taxi...
Tout cela nous plombe un peu, sans compter que nous sommes venus jusqu'ici pour visiter une île dont tout le monde nous dit qu'elle n'existe pas... Besoin de changer d'air, on décide de partir pour le Pérou, non sans regretter de rester sur cette amer constat d'une société à plusieurs vitesses en Equateur, ce beau pays en pleine évolution, mais aux inégalités croissantes....
Nouveau passage de frontière : Machala, Huaquillas (Ecuador), Tumbes (Peru) : 3 heures de bus seulement, mais celui de 10h du matin, qu'on voulait prendre pour arriver suffisamment tôt, est complet... Le suivant est à 14h. Nous tuons le temps. Finalement, la frontière est facile à passer, un seul poste pour les 2 côtés, et nous arrivons à Tumbes sans point de chute. Ville sèche et poussiéreuse comme dans nos souvenirs, sans autre intérêt que les plages de ses petits villages environnants... Les enfants ne comprennent pas qu'on puisse être au bord de l'océan sans pouvoir s'y baigner. Mais finalement, l'insécurité ambiante, les multiples recommandations mielleuses de notre chauffeur de moto taxi, nous poussent à la fuite en avant : nous reprenons tout de suite un bus de nuit (12h de route, quand même! ), pour être à Trujillo ce matin. Autant vous dire que nous ne sommes pas arrivés bien frais ! Les souvenirs affluent : nous longeons, sur des dizaines de kilomètres, la frange agitée d'un océan pas si pacifique que ça. .. traversons des étendues de déserts de sable et de roche, si secs que la salive manque rien qu'en les regardant ! Et puis, au milieu de nulle part, une construction en adobe, cette terre crue couleur de montagne, surgit... un village de terre et de poussière, des chevres et un âne, plus loin un amas de baraquements branlants, semblant peiner à résister au vent chaud qui souffle en tourbillons. .. A l'approche des villes, surgies au milieu de grandes étendues désertiques, des kilomètres de bidonvilles poussiéreux, puis un centre historique colonial dentout beauté, comme celui de Trujillo.... Demain, nous allons découvrir les ruines du site archéologique de Chan Chan.
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Papou, Mamou (dimanche, 31 janvier 2016 18:28)
nous venons de lire les dernieres nouvelles de l'Equateur, beaucoup de choses ont changés mais pas toujours en bien.
Faites attention à vos déplacements au pérou, on dirait que cela devient plus compliqué, il faut peut-être aller plus dans des endroits plus sécurisé.
gros bisous
mili (lundi, 01 février 2016 11:45)
quelle expérience!